Les participants à une journée d’information sur “L’avenir du projet de loi organique de la communication audiovisuelle en Tunisie”, tenue mercredi à distance, ont exhorté le gouvernement à faire pression sur le parlement pour hâter l’examen du projet gouvernemental relatif à la loi organique sur la liberté de la communication audiovisuelle.

Le projet de loi en question vise à organiser le secteur ainsi que les prérogatives de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA), en tant qu’instance constitutionnelle indépendante.

Ils ont précisé, dans ce sens, que ce projet permettra de réguler et d’organiser tout ce qui concerne le secteur des médias audiovisuels selon une approche basée sur le droit, à même de garantir la liberté de la communication audiovisuelle.

Les participants ont appelé les élus de l’ARP à rejeter l’initiative parlementaire présentée par la coalition Al-Karama portant amendement du décret-loi n° 116/2011 relatif à la liberté de la communication audiovisuelle, qui est de nature à porter préjudice au processus démocratique en Tunisie.

Les intervenants à cette journée d’information ont appelé, à cet effet, les différentes composantes de la société civile à œuvrer pour convaincre les parlementaires d’abandonner l’initiative de la coalition Al-Karama et de mener une campagne de soutien à l’initiative gouvernementale concernant le projet de loi organique sur la liberté de la communication audiovisuelle.

Le président de la HAICA, Nouri Lajmi, a mis l’accent sur le danger que représente l’initiative parlementaire sur la liberté d’expression en Tunisie, précisant qu’elle est contraire au texte fondamental de 2014.

Lajmi a appelé les parlementaires à hâter l’examen du projet gouvernemental et à en faire une priorité dans le but de mettre en place une instance permanente et rompre avec l’utilisation des décrets loi. Il s’agit, selon le président de la HAICA, de garantir la stabilité du paysage audiovisuel ainsi que la liberté de l’information et de la communication et l’indépendance de l’instance constitutionnelle.

Pour sa part, le président du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), Mohamed Yassine Jelassi, a indiqué que le bureau exécutif du syndicat a œuvré, depuis sa prise de fonction, à la sensibilisation contre le danger de ladite initiative et a encouragé l’examen de l’initiative gouvernementale, laquelle a été élaborée par les différents intervenants du secteur des médias notamment les experts, les syndicats, les organisations et les instances ainsi que les composantes de la société civile.

Il a invité toutes les parties intervenantes dans le secteur de la communication audiovisuelle et les différentes organisations qui soutiennent la liberté d’opinion et d’expression à resserrer les rangs et à faire pression sur les élus pour le rejet de l’initiative parlementaire de la coalition Al-Karama.

“Cette initiative menace le paysage médiatique en Tunisie et n’est qu’un prétexte pour faire circuler l’argent sale et permettre le blanchiment d’argent”, a-t-il affirmé.

De son côté, le secrétaire général adjoint et porte-parole de l’Union générale tunisienne de travail (UGTT), Sami Tahri, a souligné que l’union est concernée par les libertés, notamment la liberté de l’information, estimant que “certaines parties tentent de ramener les médias et les libertés à l’ère de la dictature à travers des méthodes sinueuses”.

Parmi ces méthodes, selon Tahri, utiliser les lois et les initiatives législatives en tant que moyen pour limiter les libertés.

Pour sa part, Salwa Ghazouani, directrice du bureau “Article 19” de Tunis, a estimé que la Tunisie a franchi des pas considérables en matière de liberté de communication audiovisuelle, rappelant la création d’une instance publique qui a déployé des efforts notables depuis sa mise en place.

Elle a, dans ce contexte, fait part de l’étonnement de l’organisation quant au passage de cette initiative parlementaire pour être examinée en plénière.

“Article 19” craint l’adoption de cette initiative qui est de nature à politiser la scène audiovisuelle, précisément parce qu’elle vise à retirer la condition de l’obtention d’une licence pour la création de chaînes satellites et de radio. “Cela conférerait une légitimité aux chaînes illégales”, a-t-elle affirmé.

Pour Ghazouani, la suppression des licences de diffusion est totalement contraire à la définition de régulation et constitue une atteinte à toute instance de régulation.

Pour sa part, le juriste Chafik Sarsar a indiqué que le projet gouvernemental relatif au projet de la loi organique sur la liberté de la communication audiovisuelle comporte plusieurs lacunes qui méritent d’être examinées (articles 49 et 51).

“La révision de ces articles doit se baser sur les dispositions de la Constitution et les traités internationaux”, a-t-il expliqué.

Pour Nizar Sghaier, représentant du ministère de la Relation avec les instances constitutionnelles et la société civile, le projet gouvernemental s’est basé sur trois axes essentiels : l’inclusion, l’harmonie et la gouvernance. “Il s’agit d’un projet interactif basé sur le dialogue continu entre les différents acteurs dans le domaine”, a-t-il dit.

De son côté, la ministre chargée de la Relation avec les instances constitutionnelles, Thouraya Jribi, a assuré que le ministère est déterminé à honorer ses engagements et matérialiser toutes les initiatives et recommandations.

“L’instance de communication audiovisuelle fait partie intégrante de l’Etat et de ce fait, son rôle régulateur dans le secteur audiovisuel constitue le meilleur garant de la liberté de l’information, des droits et des libertés”, a-t-elle souligné.