Le monde après la Covid-19 : Plaidoyer pour un nouveau contrat social (Partie 1)

L’événement : l’Association Club Mohamed Ali de la Culture ouvrière (ACMACO) a organisé, du 7 au 9 août 2020 à Hammamet, sa 27ème université d’été sur le thème «Le monde après la pandémie de la Covid-19 : pour un nouvel ordre mondial, de la nécessité du changement de paradigme. Quel changement pour la Tunisie ? ».

Cette université d’été a essayé d’apporter des éclairages sur trois questions majeures :

  • Quel état des lieux de la catastrophe humaine, sa face cachée et la nécessité d’un nouvel ordre mondial ? 
  • Quel changement en Tunisie après la pandémie Covid-19 ?
  • Quel rôle dévolu à la société civile dans ce changement?

L’objectif recherché est double. Il s’agit de mettre fin à l’héritage makhzénien qui soutient un système politico-rentier bloquant les évolutions nécessaires aux plans social, écologique et économique, et d’engager la société dans un nouveau contrat social : un Contrat social Citoyen.

Abou SARRA

Concrètement, cette manifestation s’est distinguée par le fait qu’elle a associé la réflexion à l’action.

La réflexion d’abord, à travers le fait que les conférenciers ont développé une approche théorique multidimensionnelle des facteurs qui ont généré cette grave crise.

L’action ensuite, à travers le lancement du Mouvement social citoyen (Mosc). Le but étant d’accélérer la transition démocratique en Tunisie.

La face cachée de la crise 

Ouvrant les travaux de l’université d’été, Mohamed Ali Halouani, universitaire spécialisé dans l’histoire de la Philosophie, a essayé de montrer que le mot « crise », né dans la pensée grecque antique, il y a 2 500 ans, exprime un dysfonctionnement, un déséquilibre, voire une rupture de l’équilibre existant. Dès lors, la guérison se présente comme le retour à l’équilibre antérieur.

Il estime que le retour vers l’équilibre antérieur n’est plus recherché en tant que tel, car cet équilibre antérieur n’existe plus. L’équilibre qui se forme après la crise, après la guérison, est un équilibre dynamique qui pourra, une fois encore, être remis en question par une nouvelle crise (une nouvelle maladie). « L’important pour nous, aujourd’hui, dit-il, c’est de comprendre que l’on ne reviendra pas à l’état antérieur à la crise pandémique du coronavirus que nous vivons.

Entendre par là que «cette crise sanitaire nous fait comprendre que nous vivons avec des bactéries et des virus d’une façon permanente. Et que si nous détruisons notre environnement naturel, alors se produiront des effets inattendus que l’homme subira, comme cette pandémie particulièrement agressive pour l’être humain».

Traitant pour sa part de la manière dont la Tunisie a géré la crise de la Covid-19, Dr. Marwa Gargouri a rappelé les conditions dans lesquelles est apparue la pandémie, estimant que le pays a, jusque-là, réussi à maîtriser la crise pour trois raisons majeures : la réaction rapide des autorités aux premiers signes de la pandémie dans le pays, la forme atténuée du génome de la Covid-19 qui circule en Tunisie et la vaccination massive par le BCG de la population tunisienne.

La dimension socioéconomique de la pandémie

L’économiste Azzam Mahjoub, auteur d’une étude sur l’impact de « la pandémie Covid-19 : les inégalités, les invulnérabilités à la pauvreté et au chômage », devait traiter, de son côté, de l’approche socio-économique de la pandémie.

Il a montré comment « les implications sociales de la pandémie sont notamment différentes en termes d’inégalités et de vulnérabilités à la pauvreté et au chômage ».

Il considère que l’ampleur inédite de la récession de l’activité induite par la pandémie entraînera une décroissance économique inégalée qui sera perceptible à travers le chômage massif, et l’appauvrissement généralisé, avec une augmentation de la pauvreté extrême et de la vulnérabilité.

A ce propos, l’économiste estime que «la croissance économique n’est pas une fin en soi. Il faut penser en termes de “qualité de la croissance“, notamment sur le terrain de la cohésion sociale (…) qui est le fondement de la pérennité de nos Etats», note-t-il.

Il estime également que la résilience des Etats face à la crise est inégale. «La capacité en termes de gouvernance et aussi de moyens financiers dans les pays pauvres ou à revenu intermédiaire, comme la Tunisie, appelle à des mobilisations nationales d’abord, mais également régionales et internationales», relève-t-il avant d’ajouter : «… Le monde devrait être tourné vers des solutions d’entraide et de solidarité, car un risque pour l’un est un risque pour tous».

Pour aider ces pays à faire face à la crise, il propose : l’annulation de tout ou une partie de leur dette, la cessation de paiement temporaire (moratoire), le rééchelonnent, le recyclage, le reprofilage des prêts… Autant de solutions qui permettraient, selon lui, d’offrir aux pays une marge de manœuvre budgétaire pour faire face à cette crise.

Des voies à explorer

Le débat qui a suivi ces communications a fait ressortir des questions essentielles du genre : il y a certes urgence de la sortie de crise au plan économique et social, mais à plus long terme, il convient d’investir massivement dans le scolaire et le préscolaire car les inégalités sociales se jouent, à l’échelle individuelle, dans le plus jeune âge (avant 6 ans).

La pandémie a montré l’importance d’investir également dans la santé de base et dans la lutte contre la pauvreté.

Les intervenants ont rappelé que l’Etat tunisien avait réussi, depuis l’indépendance, à réduire à certains moments, la pauvreté extrême. Celle-ci était très élevée à la fin de la domination coloniale. Vingt ans après, cette grande pauvreté avait considérablement diminué. Ceci prouve que l’Etat tunisien a pu apporter des réponses positives à ces questions de pauvreté !

Celle-ci avait ensuite ré-augmenté dans les dernières années de Ben Ali, avec l’accentuation des politiques libérales : mendicité, misère, détresse sociale se sont accrues, malgré une croissance économique assez forte au plan quantitatif.

Il faut aussi penser à la résilience de la société tunisienne (et pas seulement de l’Etat). De ce point de vue, Habib Guiza, président de l’ACMACO, a suggéré l’instauration d’un système de Protection sociale universelle et d’un Revenu social universel.

D’autres intervenants ont préconisé un retour à la planification des naissances, relevant un relâchement du contrôle des naissances, qui provoque un redressement du taux de fécondité (ainsi que dans d’autres pays arabes, comme l’Egypte, l’Algérie).

Suivra…

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