En osant décider, en cette période de grave récession économique, de décaisser 4 milliards de dinars aux fins de faire face au virus corona (Covid-19) et de financer le confinement sanitaire total (1,5 milliard) et une vingtaine de mesures d’accompagnement (2,5 milliards), le chef du gouvernement, Elyès fakhakah, a frappé un grand coup multidimensionnel.

A travers les 23 mesures prises, il a non seulement rassuré les personnes morales et physiques impactées ou qui risquent de l’être par les effets de ce virus, mais également satisfait les syndicalistes frondeurs (UGTT), les patrons hâbleurs (UTICA) et les défenseurs des sans-soutien (société civile).

Elyès Fakhfakh a fait mouche en déclarant haut et fort que son triple objectif est clair : « faire en sorte qu’aucun emploi ne soit perdu, qu’aucune entreprise ne glisse la clef sous la porte et qu’aucun Tunisien ne soit dans le besoin ».

En dépit du fait que le montant à mobiliser va être récupéré, presque en totalité, par les économies qui seront générées par la réduction significative du budget de la compensation en raison de l’effondrement des cours mondiaux du pétrole et des produits alimentaires (céréales, huiles végétales…), c’est la prodigalité et la rapidité avec laquelle le chef du gouvernement a réagi aux préoccupations des composantes de la société.

Restitution de l’Etat providence !

A l’exception de la classe moyenne qui a été, hélas, encore une fois sacrifiée, toutes les couches sociales sont servies et vont tirer un quelconque profit des 23 mesures d’accompagnement prises.

Selon certains observateurs, Elyès Fakhfakh, avec cette globalité des 23 mesures prises, a restitué l’Etat providence, voire un état qui vient au secours de ses citoyens et entreprises en difficulté, en toutes circonstances.

A n’en pa douter, la démarche globale et citoyenne du nouveau chef du gouvernement tranche radicalement avec celle de ses prédécesseurs.

Lors des crises -mais reconnaissons qui n’étaient pas de même ampleur-, ces derniers ont toujours eu la fâcheuse tendance à venir en aide aux patrons et à ignorer les travailleurs et les personnes vulnérables.

Pour ne citer qu’un exemple récent, tous les Tunisiens se rappellent comment, en 2015, suite aux attentats du musée du Bardo et de Sousse, le gouvernement de l’époque s’était empressé d’apporter une assistance multiforme aux hôteliers mais en ignorant les travailleurs du secteur qui ont perdu leur job.

Budgétistes et monétaristes font plus que jamais équipe

Le deuxième élément positif nouveau à l’actif du nouveau chef du gouvernement réside dans le fait qu’il n’a osé prendre de telles décisions qu’en s’assurant de la disponibilité de leur financement.

C’est dans cet esprit que s’inscrivent les assurances fournies à ce sujet, juste après l’annonce de ces mesures, par les argentiers du pays, le ministère des Finances et la Banque centrale.

Ces derniers ont été clairs pour confirmer « la disponibilité par paliers des ressources demandées, et ce, notent-ils, sans toucher à la capacité du gouvernement à verser les salaires et les retraites ».

A ce propos, il faut saluer ce nouvel esprit de coopération entre les budgétistes (membres du gouvernement) et monétaristes (Banque centrale), esprit de partenariat qui n’existait nullement au temps du gouvernement Youssef Chahed et qui avait valu de nombreuses crises et difficultés macroéconomiques.

Et pour ne rien oublier, Elyès fakhafakh a également été un fin stratège en annonçant «la mise en place de fonds supplémentaires de 500 MDT pour financer des stocks de sécurité en médicaments, produits alimentaires et carburants ».

Stockage, stratégie  à ancrer dans la tradition

La Tunisie, qui s’est forgée depuis son accès à l’indépendance en 1956, la sinistre réputation d’”un pays de pénuri”, gagnerait à transcender cette mesure exceptionnelle et à réfléchir sur les moyens de développer, sur le long terme, une véritable industrie de stockage. L’objectif étant de pouvoir, en périodes de crises -et elles sont hélas nombreuses- disposer du matériel requis et de la sérénité souhaitée pour ajuster l’offre à la demande fluctuante des consommateurs.

Abstraction faite de la positivité des nouveautés de son discours, le chef du gouvernement, qui a été sévèrement critiquée ces derniers temps par les médias, devra surmonter une ultime difficulté. Il aura à convaincre le Parlement de lui permettre « de promulguer les décrets pour la mise en œuvre en urgence des mesures prises conformément aux dispositions de l’article 70 de la Constitution.

L’article 70 de la Constitution stipule dans son second paragraphe que « l’Assemblée des représentants du peuple peut, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, en vertu d’une loi et pour un motif déterminé, déléguer au chef du gouvernement, pour une durée déterminée qui ne dépasse pas les deux mois, le pouvoir de prendre des décrets-lois dans le domaine de la loi. Ces décrets-lois sont soumis à l’approbation de l’Assemblée à la fin de la période en question ».

La tâche du chef du gouvernement s’annonce difficile au regard de la configuration du système politique actuel, marquée par une sorte de guerre déclarée entre les pouvoirs législatif (Rached Ghannouchi) et les deux têtes de l’exécutif (Saëed et Fakhfakh).

Certains dirigeants nahdhaouis comme le député Sahbi Atig ont annoncé, d’ores et déjà, leur opposition à ce projet.

Affaire à suivre.