” L’augmentation du prix de l’eau pourrait être une des solutions possibles pour faire pression et changer les comportements afin d’améliorer la gestion des ressources hydrauliques “, estime Khatim Kehrraz, secrétaire exécutif de l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS).

Dans une déclaration à l’agence TAP en marge de sa participation à Tunis à un séminaire international sur ” l’eau et le changement climatique au Maghreb : défis et opportunités “, lundi 25 novembre 2019, Kherraz a précisé que ceux qui utilisent l’eau pour faire des profits, doivent payer pour ceux qui n’ont pas les moyens de payer leur propre eau, pour garantir de cette manière l’équité en eau et laisser un peu de marge pour les plus démunis.

L’intervenant a qualifié la situation de très difficile puisque l’organisation mondiale de la santé a défini la pénurie comme étant un seuil qui est en-dessous de 1000 m3 par habitant et par an alors qu’au niveau du Maghreb arabe, entre le Maroc et la Libye, on oscille entre 800 m3 et 100 m3.

“C’est-à-dire qu’on est très en-dessous du seuil de pénurie”, a-t-il souligné. Parmi les solutions proposées par Kherraz pour mieux gérer nos ressources en eau, le dessalement de l’eau de mer, la réutilisation des eaux usées traitées pour l’agriculture et l’utilisation des eaux fossiles en Algérie, Tunisie et en Libye.

” Les eaux fossiles, qui ne sont pas renouvelables et constituent un patrimoine, peuvent assurer un secours de survie, mais il faut les manipuler avec précaution “, a-t-il dit.

Il a, en outre, souligné que sans la mobilisation de ressources financières suffisantes, il ne sera pas possible d’atteindre un quelconque objectif.

S’exprimant à l’ouverture des travaux du séminaire, Samir Taieb, ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, a indiqué que les études préliminaires élaborées et soumises par la Tunisie, dans le cadre de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques, ont montré que le pays subira d’ici 2050, une élévation de la température moyenne de 1°C à 3°C, une diminution de la moyenne pluviométrique de 10 à 20% et une accentuation de la variabilité climatique dont particulièrement la durée de la sécheresse et l’ampleur des inondations.

“La Tunisie a réservé des investissements importants (environ 65% du total des investissements programmés pour l’ensemble du secteur agricole pour la période 2016-2020) pour la mobilisation des ressources en eau, le développement des zones irriguées et la rationalisation de l’économie de l’eau”, a-t-il dit.

Il a ajouté que le ministère a mis en place un plan d’action pour la mise en œuvre de la stratégie nationale du secteur de l’eau qui a pour objectif d’assurer une meilleure gestion de l’eau par l’atteinte de l’équilibre entre l’offre et la demande.

Dans ce contexte, plusieurs actions ont été envisagées comme la publication du code des eaux et la création des conseils de l’eau à l’échelle régionale et locale, la poursuite des programmes de mobilisation des ressources en eau, l’adoption d’une politique de gestion de la demande, l’augmentation de l’efficacité économique de l’utilisation de l’eau, la création d’un système d’information moderne sur la gestion de l’eau, le renforcement de la recherche et du développement et la préparation des études prospectives pour le secteur de l’eau.

Le ministre a signalé que la Tunisie a fixé des objectifs à atteindre en matière de la sécurité de l’accès à l’eau à l’horizon 2050 et a envisagé de réaliser cette étude prospective et stratégique afin de permettre une amélioration de la gouvernance des ressources en eau basée sur une vision de gestion intégrée et à long terme.

Pour sa part, Loïc Fauchon, président du conseil mondial de l’eau a indiqué que s’assurer des ressources en eau pour l’avenir, c’est multiplier les solutions technologiques, les forages, les transferts, le dessalement, la réutilisation des eaux usées, mais c’est aussi, faire en sorte que les populations consomment moins d’eau et expliquer qu’il faut mettre fin au gaspillage et donner la priorité aux financements pour l’eau. L’eau potable doit être garantie, avant le téléphone portable.

De son côté, Taïeb Baccouche, secrétaire général de l’Union du Maghreb arabe, indiquera que dans la région du Maghreb arabe les ressources en eau mobilisables s’élèvent à 46 milliards de m3 dont 50% sont considérés comme exploitables.

65% de ces sources proviennent des eaux de ruissellement

Les sécheresses chroniques connues ces deux dernières décennies ont provoqué des déficits importants en eau de surface aggravés par la croissance démographique. A cela, s’ajoute la forte demande en eau pour assurer un développement durable de la région, dont le secteur agricole utilise à lui seul, les 80 % des ressources en eau disponibles.

Baccouche a indiqué qu’après huit ans, le fond vert pour le climat est encore loin d’être considéré comme le principal mécanisme financier multilatéral destiné à soutenir les mesures en faveur du climat dans les pays en développement.

” Une prise de conscience des aspects environnementaux est constatée au niveau du secteur privé dans la région notamment les banques et ceci est matérialisé particulièrement, à travers l’intégration des risques environnementaux et de durabilité dans les processus d’octroi des crédits, l’accompagnement des projets nationaux visant la lutte contre les changements climatiques et le développement des produits financiers verts ainsi que la maîtrise des impacts directs sur l’environnement “, a-t-il dit.

Pour sa part, Mokhtar Hammami, ministre des Affaires locales et de l’Environnement, soulignera qu’il est temps de réfléchir sur un plan d’adaptation régional que l’UMA est bien positionnée pour l’abriter et le piloter.

Hammami a indiqué que pour lutter contre l’érosion qui touche 392 km de notre littoral, en trois ans des interventions ont ciblé 32 km à Raf Raf, Sousse et à Kerkennah moyennant un budget de 92 millions de dinars.

” Pour lutter contre l’érosion sur les 392 km, il nous faut des financements de l’ordre 1000 milliards ce qui est énorme “, a-t-il indiqué faisant remarquer que les bailleurs de fonds doivent se mobiliser pour financer la lutte contre les changements climatiques et la pénurie d’eau.

Ainsi, la réutilisation des eaux usées, le dessalement des eaux et autres techniques sont aujourd’hui inévitables mais nécessitent beaucoup de financements.