Une certitude : écologistes, politiques et géo-stratèges sont convaincus que le réchauffement climatique impactera fortement la Tunisie. Les conséquences de ce réchauffement commencent à se voir timidement à l’intérieur du pays et sur son littoral.

Trois phénomènes rares et nouveaux se sont manifestés, ces derniers temps. Ils méritent qu’on s’y attarde.

Le premier remonte au 1er août 2019. Une tortue verte, une espèce qui nidifie habituellement en Mer rouge et sur la côte turque, est venue pondre ses œufs sur la plage du village de Rejiche (gouvernorat de Mahdia).

Compte tenu du fait que cette espèce de tortue, en voie de disparition, est protégée par des conventions internationales, l’association environnementale «Notre grand bleu» a pris en charge la protection du lieu de ponte jusqu’à l’éclosion survenue le 15 octobre 2019, et l’accompagnement jusqu’à la mer des nouveau-nés. Comme le veut l’usage, les petites tortues femelles, une fois adultes, vont revenir pour pondre leurs œufs sur la même plage où elles sont nées.

Il s’agit d’un phénomène nouveau que les responsables de l’environnement tunisiens devraient apprendre à gérer dorénavant.

Le deuxième phénomène consiste en l’invasion, depuis 2014, des eaux territoriales tunisiennes par le crabe bleu.

Ce prédateur qui vit normalement à l’ouest de l’Océan Atlantique a envahi la côte tunisienne et, par sa voracité, causé de sérieux problèmes aux pêcheurs tunisiens. Ce crabe, méconnu jusque que-là par les consommateurs tunisiens, présente le désavantage de dévorer les bons poissons (daurade, loup, rouget…) et de cisailler les filets des pêcheurs. En raison de sa forte nuisance, les pêcheurs l’ont nommé crabe «Daech».

Le crabe invasif « daech », rejeté puis chouchouté

Seulement deux ans après, ces mêmes pêcheurs, ayant vent de la forte valeur marchande à l’export de ce crabe, particulièrement vers les pays asiatiques et les Etats-Unis, ne jurent désormais que par ce type de crustacé.

Ainsi, les pêcheurs de Zarzis, Gabès et de Kerkennah ont appris très vite les techniques requises pour le pêcher, le conditionner, le congeler avant de l’exporter au prix fort et en devises dans le monde entier.

Une usine offshore turque s’est même implantée spécialement à Zarzis pour en produire à l’export.

Conséquence : l’invasion de ce crustacé, par l’effet du réchauffement climatique, perçue au commencement comme une malédiction, s’est transformée en opportunité économique fort rémunératrice. Happy-end, diriez-vous.

Le sanglier migre vers le sud

Le troisième phénomène concerne la migration du sanglier vers le sud du pays. Ce gibier, qui vit généralement sur les hauteurs au nord-ouest (la grande Khroumirie qui va jusqu’au Kef), au centre-ouest (Mont Chaâmbi) et au Cap-Bon, est signalé de plus en plus à Sfax, à Tozeur et à Ben Guerdane et même dans l’île des Lotophages, Djerba.

En effet, des sangliers dans les villes d’Ajim (sud-ouest de l’île de Djerba à 20 km de Houmt Souk) et à Guellala ont été signalés ces dernières semaines jours. Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux ont montré, ces jours-ci, un sanglier abattu par des citoyens à Guellela. La question est de savoir quel chemin ils ont emprunté pour rejoindre l’île.

Contrairement au crabe bleu, le sanglier n’est pas le bienvenu, pour l’instant en tout cas. Dans les régions de Sfax, Sidi Bouzid et de Kairouan, les agriculteurs, traumatisés par les dégâts occasionnés à leurs cultures par ce prédateur, ont demandé, par le biais de leur syndicat (Synagri), les autorités compétentes d’organiser des battues administratives pour atténuer cette fulgurante prolifération du sanglier au centre et au sud de la Tunisie.

Au final, nous retiendrons, à la lumière des trois phénomènes précités, que contrairement à ce qu’on croit, le changement climatique n’a pas toujours des effets néfastes. Cas du crabe «Daech» pour l’humour.