Les recettes du phosphate et dérivés ont été gérés, jusqu’ici, de manière inéquitable. Les externalités positives (apport en devises) vont, souvent, à l’administration centrale tandis que les externalités négatives (pauvreté et pollution génératrice de maladies) sont supportées par les communautés du bassin minier.

Pourtant, au regard des prévisions des experts, le phosphate, ressource stratégique par excellence, a un bel avenir, moyennant un coût important pour le contribuable au commencement de sa restructuration.

D’après Kais Daly, un des meilleurs experts tunisiens en phosphate, «cette matière première, pour plusieurs décennies encore, constituera une ressource stratégique rentable».

L’expert s’exprimait lors d’un séminaire organisé par le think tank Cercle Kheireddine sur l’avenir du phosphate, devait traiter trois éléments évoqués et qui méritent qu’on s’y attarde.

Le premier consiste en la persistance du phosphate et ses dérivés en tant que produits stratégiques pendant de longues années, voire des décennies.

Trois atouts à valoriser

Le second réside dans le fait que le sol tunisien engrange d’importantes réserves : Sra-Ouertane (1 000 millions de tonnes), bassin minier de Gafsa (500 millions de tonnes), Djerid-Nefta (400 MT) Meknassy (15 MT). De tous ces gisements, seuls ceux du Djerid et de Sra-Ouertane ne sont pas encore exploités. Selon Kais Dali, ce dernier gisement ne sera rentable que dans une vingtaine d’années lorsque la Chine et les Etats-Unis d’Amérique auront disparu du marché par l’effet de l’épuisement de leurs mines.

Dans cette perspective, la Tunisie pourrait, d’ici 2050, capter une bonne part du marché et produire 15 millions de tonnes par an.

A l’horizon 2030, l’expert estime que dans le cas des scénarios les plus optimistes, la Tunisie pourrait produire entre 8 et 10 millions de tonnes par an.

Le troisième a trait à la problématique des grandes quantités d’eau utilisées pour le lavage du phosphate, et ce au détriment de l’alimentation des communautés du bassin minier en eau potable. Kais Dali a relevé qu’il y a moyen de réduire cette consommation d’eau de 50 à 25 millions de m3 par an recourant soit à des déshydratants chimiques, soit au dessalement de l’eau de mer.

A signaler ici que le Groupe chimique est déjà en train de construire sa propre usine de dessalement d’eau de mer pour subvenir à ses besoins en eau.

Abstraction faite de ce fort potentiel, des voix s’élèvent pour appeler la CPG et le Groupe chimique tunisien (GCT) à engager une étude stratégique sérieuse sur le secteur du phosphate et dérivés en Tunisie à l’horizon 2030 et après.

Pour un positionnement clair sur l’échiquier mondial

Interpellé sur le dossier du bassin minier, lors d’une récente interview accordée au magazine L’Economiste Maghrébin, Yassine Brahim, artisan du 13ème plan (2016-2020), a déclaré que « la question est de savoir combien cette industrie chimique rapporte par rapport à ce qu’elle coûte ».

« A priori, il faut énormément d’investissements pour que cette industrie devienne propre. Des pays sont arrivés et ont pris une certaine avance. On peut dans une année revoir les choses. Il y a probablement des sites à fermer et d’autres à garder. Normalement, on doit investir gros pour les mettre à niveau en matière d’environnement », a-t-il dit.

Il devait exhorter la CPG et le GCT à commanditer auprès d’un cabinet conseil international une étude pour voir comment se place la Tunisie au niveau de la concurrence avec l’émergence de nouveaux sites de production en Arabie Saoudite et en Jordanie.

« D’une façon ou d’une autre, a-t-il ajouté, il faut revoir la stratégie du groupe. Il faut vraiment avoir une étude stratégique pour placer le Groupe chimique dans l’échiquier mondial et évaluer son impact environnemental sur le plan investissement ».

In fine, le message est clair : les industries phosphatières ont besoin d’être visibles à l’international, respectueuses de l’environnement et inclusives dans leur expansion.

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