Nos terrains sont consacrés uniquement à la construction, alors que plusieurs citoyens tunisiens réclament l’amélioration de leur cadre de vie (jardins, espaces verts). C’est ce qu’a déclaré l’architecte paysagiste Moez Bouraoui, qui estime nécessaire d’adopter une politique générale s’inscrivant dans ce cadre.

Intervenant en marge du 6ème Symposium de l’IFLA (Fédération internationale des architectes paysagistes) Afrique sur l’architecture du paysage, organisé par la Tunisian Association of Landscape and Engineers (TALAE), il a souligné que le nouveau code des collectivités locales et ses décrets d’application n’ont pas tenu compte de l’architecture du paysage.

Lors de la révision du Code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, le ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire n’a même pas consulté les experts du domaine, a-t-il encore indiqué.

Pour le responsable, les difficultés des paysages urbains, semi-urbains et ruraux en Tunisie sont liées notamment au développement urbain illégal et les constructions anarchiques.

Le patrimoine naturel et les paysages au Nord-Ouest de la Tunisie, considérée comme un pays touristique, n’est pas valorisé dans le cadre de politiques concrètes d’aménagement du territoire et d’urbanisme, indique Bouraoui.

Le responsable s’est également interrogé sur l’existence d’une approche valorisant les paysages agricole, forestier, qui peuvent être menacés par l’extension urbaine.

Pour lui, ces paysages agricoles sont des espaces verts qui valorisent le cadre urbain et environnemental de la ville, mais la législation urbaine et le plan directeur d’aménagement aux niveaux régional et local, ont exclu ces espaces de toute réflexion.

Pour sa part, le ministre des Affaires locales et de l’Environnement, Mokhtar Hammami, a mis l’accent sur le rôle important des paysagistes dans l’élaboration des plans d’aménagement, rappelant que l’extension urbaine anarchique est devenue une menace pour le citoyen (qualité de l’air et de l’eau), outre les impacts des changements climatiques qui ont pris aujourd’hui une grande dimension.

La participation des paysagistes permettra de conférer une vie et une identité aux constructions et à nos villes via les espaces verts, a-t-il encore dit.

Il a par ailleurs souligné que l’aménagement du territoire fait face à trois défis; à savoir l’extension urbaine anarchique notamment après la Révolution dans les grandes villes dont le Grand Tunis, Sfax, Sousse, Bizerte et Kairouan.

Il s’agit, également, de l’application de plans d’aménagement dépassés par la nouvelle réalité urbaine et l’absence de révision des plans urbains dans la majorité des 350 communes du pays, a indiqué le ministre, appelant à la révision des plans et la numérisation des plans d’aménagement pour en favoriser l’accès aux citoyens.

Ikram Saïdane, ingénieur paysagiste et maître assistante à l’ISA (Institut Supérieur Agronomique) de Chott Mariem, a souligné que le métier d’architecture du paysage n’est pas uniquement en relation avec l’esthétique mais c’est un professionnel qui peut penser le projet territorial, vu que le paysage et le développement durable vont de pairs.

Le paysagiste peut intervenir dans les projets d’aménagement paysager pour embellir, améliorer le cadre de vie et intervenir dans les projets d’aménagement du territoire.

Face aux problèmes que subissent les villes à cause des changements climatiques (inondations, chaleur…) ou circulation, le paysagiste peut apporter des solutions.

Elle a évoqué dans ce cadre le projet du plan d’aménagement local durable de Thibar qui est chapeauté pour la première fois par un paysagiste et initié par la TALAE en 2017, par le biais d’un financement de l’Union Européenne et South Med Culture.

Ce projet, a-t-elle avancé, a été réalisé dans le cadre d’une approche participative paysagère permettant ainsi l’élaboration d’une étude comportant le diagnostic, la vision et les projets à réaliser en mettant en valeur le patrimoine afin de dynamiser l’économie de la région.

Le plan d’aménagement local n’est pas une finalité en soi mais l’objectif est d’aider les communes rurales (80) à développer avec la population et les experts un schéma de développement durable via un guide de bonnes pratiques, a-t-elle encore affirmé.