Dans le cadre de la couverture de la campagne électorale, webmanagercenter.com a posé des questions aux 26 candidats en lice pour la présidentielle anticipée du 15 septembre 2019, questions ayant trait aux prérogatives du président de la République telles que définies par la Constitution tunisienne de 2014.

Nous n’aurions jamais vu une campagne présidentielle menée par un candidat incarcéré. Et pourtant c’est le cas de Nabil Karoui, le favori selon des sondages menés par tout le monde, toutes les parties et tous les partis.

Nabil Karoui croupit en prison accusé de blanchiment d’argent et de fraude fiscale. Non, son dossier n’a pas été bouclé et il n’y a pas eu de jugement définitif. Mais comme le disent tous les hauts responsables : la justice est indépendante !

Cet hors-système qui a sillonné depuis plus de trois années la Tunisie de long en large est le chouchou des classes pauvres, des misérables et des laissés pour compte dans un pays où le rôle social de l’Etat s’est réduit comme peau de chagrin depuis plus de 8 ans.

Réponses d’un candidat dont même la prison n’a pas pu retenir l’imagination, car selon nombre de déclarations, il avoue y découvrir un monde qu’il ignorait et qui abrite beaucoup de souffrances.

WMC: Si vous êtes élu, quelles seront vos priorités, en matière de défense et de sécurité nationale?

Nabil Karoui: En matière de défense, des efforts très louables ont été réalisés ces dernières années par l’armée et avec l’appui de nos partenaires internationaux. Ces acquis doivent être consolidés et optimisés dans le cadre d’une approche globale de sécurité. Nous sommes dans un monde ouvert et en mouvement face à des menaces internes et externes très liées.

Nous nous engageons, une fois élu, à :

– la création d’un organisme de sécurité unifié apte à synchroniser toutes les informations reçues de nos différents services et à réagir promptement;

– consolidation de la coordination avec les pays amis;

– création d’une académie internationale pour les forces d’élite et les forces antiterroristes.

Par ailleurs, nous développerons le concept de « Sécurité Nationale Globale », il faut bien sûr penser non seulement à la sécurité traditionnelle, mais aussi à la sécurité financière, électronique, alimentaire, etc.

Quelle est votre approche pour combattre la contrebande sur nos frontières et son implication sur l’économie du pays?

Il y a deux contrebandes à affronter différemment. Celle des produits dangereux (armes, drogues, etc.) étroitement liée aux mouvements terroristes et qui doit être éradiquée dans le cadre de la politique de « Sécurité Nationale Globale ».

Par contre, la contrebande traditionnelle, de produits courants sera combattue à la racine du mal en ayant une politique d’intégration de l’économie informelle.

Que feriez-vous sur la question libyenne ?

La Tunisie, par sa proximité et par les liens fraternels qu’elle entretient avec les différentes parties en conflit, doit jouer un rôle proactif auprès des différentes parties en conflit en vue de la résolution du conflit sur la base du processus international de paix pour la Libye.

Par ailleurs, nous comptons mettre en place un dispositif commun de coordination en vue de protéger la vie et les intérêts des Tunisiens vivant ou se déplaçant en Libye.

Comment envisagez-vous de renforcer le rôle de la diplomatie tunisienne et quels seraient les dossiers prioritaires? 

D’abord en finir avec les nominations de diplomates non professionnels, puis accorder aux diplomates de carrière les moyens et les plans nécessaires pour développer une efficience diplomatique.

Les priorités : développer une diplomatie économique, culturelle, développer l’intégration dans les nouveaux ensembles économiques africains, consolider nos relations avec nos partenaires traditionnels, développer des partenariats asiatiques, développer notre présence diplomatiques auprès des instances fédérales et d’intégration. Unification des représentations des organismes tunisiens à l’étranger.

Quelle est votre vision pour le développement d’une diplomatie économique tunisienne dans le monde? 

Dans la suite de la question précédente, développer les réseaux de la diplomatie économique avec, pour priorité, une stratégie économique pour l’export réunissant les acteurs, les institutions concernées et notre diaspora dans le monde.

J’userai aussi du prestige de la fonction et du prestige que notre pays a acquis en entrant dans le giron des nations démocratiques pour attirer les investissements étrangers de façon très substantielle. Un président du 21e siècle se doit de défendre avec vigueur les intérêts économiques de son pays à l’étranger.

Enfin, le contrat social que nous mettrons en début de notre mandat servira également comme cadre de référence au partenariat avec les pays et organisations partenaires.

Durant mon mandat, je m’engage à ce que la Tunisie soit un partenaire fiable disposant de stratégies clairement définies que nous discuterons avec nos partenaires.

Que représente l’Afrique pour vous : une étendue géopolitique, un marché économique?

L’Afrique reste le parent le plus pauvre de la diplomatie tunisienne alors que les opportunités sont gigantesques. Je veux lancer une véritable politique étrangère africaine qui s’accorde avec notre appartenance continentale, et qui nous ouvre de nouvelles perspectives de coopération basées sur une diplomatie économique d’avant garde.

« L’Afrique a besoin d’une nouvelle Carthage », disait Mandela.

Près de 15% de la population tunisienne vit à l’étranger, et avec les nouvelles générations nous risquons de perdre progressivement leur attachement à leur pays d’origine et à celui de leurs parents et grands-parents. Qu’envisagez-vous de faire pour eux? 

– Sauvegarder la conscience patriotique auprès des Tunisiens à l’étranger par des actions de promotion de notre culture nationale parle biais du e-learning et d’autres canaux digitaux, d’événements périodiques et de supports d’éducation.

– Impliquer nos élites à l’étranger pour revivifier l’image de la Tunisie et développer son action diplomatique et économique.

– Création d’une nouvelle banque de développement pour les Tunisiens à l’étranger.

– Leur offrir la possibilité d’investir en Tunisie à travers des projets de développement dans les secteurs stratégiques de l’État.

Compte tenu des prérogatives constitutionnelles du président de la République, comment pensez-vous pouvoir agir sur les politiques et les actions du gouvernement? Et quelles sont les causes que vous défendrez et pour lesquelles vous serez prêt à vous battre?

Les prérogatives constitutionnelles du président sont beaucoup plus importantes qu’on ne le croit. M. Béji Caïd Essebsi en a usé de façon restreinte à cause de la situation du pays qui était divisé entre 2 visions diamétralement opposées. Caïd Essebsi a agi en arbitre. J’agirai différemment, j’userai de mes prérogatives pour donner un souffle nouveau à la politique en usant par exemple de l’initiative de la loi. Je lancerai, en tant que président de tous les Tunisiens et en travaillant de pair avec le chef du gouvernement, les grandes réformes nécessaires au pays.

– Une initiative législative pour mettre en place une stratégie pour la lutte contre la pauvreté.

– Lancement d’un projet de « Constitution économique » pour mettre en place une orientation vers une économie forte, et une économie de savoir capable de relever les challenges de la croissance et de l’emploi.

Pour assurer toutes les chances de réussite de la jeune démocratie et pour une réelle représentativité des élus, seriez-vous prêt à rendre le vote obligatoire ?

Les causes de l’abstention sont multiples et complexes. Un grande part de responsabilité revient à la classe politique actuelle dont les performances n’encouragent pas les citoyens à voter. Mais il y a aussi et surtout la grande précarité d’une bonne partie des tunisiens qui ont des besoins et des attentes urgents auxquels il faut répondre.  A ce niveau, je préfère régler ces soucis et agir par la persuasion que par la loi.

Sur quels projets de lois vous seriez prêt à recourir au référendum?

Pour tout ce qui concerne les Droits et libertés fondamentales des citoyens et en cas de blocage institutionnel.

Dans quelle situation vous pourriez envisager de dissoudre l’Assemblée?

Le recours à la dissolution de l’Assemblée est une décision exceptionnelle par sa nature et ne doit être envisagée qu’au cas où toutes les autres alternatives ont échouées. Je ne ferais recours à cette décision que si la sécurité du pays ou l’intégrité de ses piliers et/ou de ses fondements sont en jeu.

Est-ce que vous pouvez envisager de démissionner si vos engagements et promesses de campagne ne sont pas tenus?

Je m’engage à respecter les institutions et tout le dispositif constitutionnel et juridique national. Je suis décidé à engager les réformes indiquées, et le peuple tunisien, auquel je suis redevable, se prononcera sur mon mandat.

Une estimation de votre budget de campagne

Nous respectons les normes de l’ISIE et on s’engage à publier nos rapports financiers en toute transparence.

 

NB: Nous avons adressé ces questions aux 26 candidats en lice pour cette présidentielle anticipée du 15 septembre 2019. Les réponses seront publiées en fonction de leur réception par notre rédaction.