« Quand on réduit un déficit budgétaire, il faut se demander à quel prix nous avons réalisé cette gageure. Car il ne s’agit pas que d’optimiser la collecte des recettes fiscales mais de rétablir les fondamentaux économiques. Et savez-vous que la dette extérieure de la Tunisie est passée de 62 milliards de dinars en 2016 à 105 milliards de dinars en 2019 ? Comment ferons-nous pour rembourser et qui paiera les pots cassé ? ». C’est l’expert financier et économique, Ezzeddine Saïdane, qui s’exprime ainsi, indigné par les politiques fiscales qui pécheraient, d’après lui, par une absence d’efficacité économique.

Les responsables du ministère des Finances ne voient pas leurs réalisations de cet œil. Leur objectif était la réduction d’un déficit budgétaire qui a atteint, ces dernières années, des seuils insupportables. Et ils y sont parvenus au-delà de toutes leurs espérances. Ils ont agi dans le cadre de leurs prérogatives, et la pression qui s’est faite sur les entreprises et les contribuables a respecté les lois en vigueur. Il revient à l’ARP de légiférer pour que les forfaitaires et certains corps de métier -dont les avocats choyés par une législation permissive- s’acquittent convenablement de leurs impôts et en fonction de ce qu’ils gagnent. Il se trouve que leur lobby à l’ARP figure parmi les plus forts, et du coup, c’est le pouvoir législatif qui les protège.

Le ministère des Finances n’est pas non plus responsable de la politique économique du pays, mais ils sont les techniciens et ils font du mieux qu’ils peuvent pour assurer les ressources financières du pays. Il est entendu qu’on aurait pu penser à créer un ministère des Finances et de l’Economie pour que la micro rejoigne la macro dans la mise en place de stratégies cohérentes. Mais y a-t-il un pilote dans l’avion ? Et si pilote il y a, son personnel navigant technique et son personnel navigant commercial sont-ils dotés des compétences requises et nécessaires pour bien gérer le contexte ?

Des recettes fiscales record !

Il est de notoriété publique que la Tunisie figure parmi les pays ayant le taux d’imposition le plus élevé en Afrique. Et cette année, les campagnes lancées sur tous les fronts, accompagnées d’amnisties diverses, ont permis une belle récolte.

En effet, les recettes fiscales nettes ont atteint, au mois de mai 2019, 12,014 milliards de dinars, soit une progression de 13,4%, contre 10,593 milliards de dinars en 2018. L’évolution des recettes s’explique, entre autres, par l’entrée en vigueur du régime de déclarations à distance depuis le mois de mai 2018.

Si on exclut les montants exceptionnels dus à la modification des règles comptables des montants des déclarations des impôts à distance qui a démarré en mai 2018, nous pouvons conclure que les recettes fiscales ont augmenté de 17,3% en 2019 par rapport à la même période de l’année 2018. C’est l’effet de l’article 73 de la loi des Finances 2019.

Par ailleurs, rappelons que la participation au titre de solidarité sociale a atteint les 230,6 millions de dinars, et que les impositions conjoncturelles sur les établissements financiers pour 2018 ont été de l’ordre de 59,2 millions de dinars.

Pour ce qui est des impôts directs qui représentent 45% de l’ensemble des ressources fiscales, ils ont atteint en recettes nettes près de 5,4 milliards de dinars alors qu’en 2018 (à fin mai), elles s’élevaient à 4,092 milliards de dinars, affichant ainsi une progression de 32% et dépassant les prévisions de la loi des Finances 2019 et atteignant 53% en contre 48% en mai 2018.

S’agissant des impôts indirects, qui représentent près de 47,8% de la totalité des impôts, les services du ministère des Finances ont pu récolter 5,7 milliards de dinars, en augmentation de 154,4 millions de dinars.

Face à ces accomplissements, il ne faut tout de même pas négliger les effets négatifs potentiels d’une imposition relativement lourde sur l’épargne et l’investissement. Un investissement presque à l’arrêt et une épargne qui est passée de 22% du PIB en 2010 à 7% du PIB aujourd’hui. Dramatique !

M. Saidane rappelle que la Tunisie a contracté 70 crédits extérieurs durant le mandat du gouvernement Chahed dont les intérêts coûtent à la Tunisie 3 points de croissance économique annuelle alors que le pays peine à se relever de ses déficits nombreux, et en premier celui de la balance commerciale. « Selon les chiffres de l’INS, la croissance du premier trimestre 2019 n’a pas dépassé le 0,1% par rapport à la même période de 2018 ».

Ce qui est surprenant s’agissant de l’endettement extérieur, c’est que les marchés internationaux accordent toujours leur confiance à la Tunisie. Lors de la dernière sortie, les marchés financiers étaient prêts à aller jusqu’à 2,5 milliards de dollars à la Tunisie qui a fini par contracter un emprunt de 700 millions de dollars avec 7 ans de maturité.

Amel Belhadj Ali