“La digitalisation du secteur agricole accuse un retard en Tunisie, malgré les avantages que ces technologies peuvent procurer et malgré les incitations mises en place par l’Etat, au profit des investisseurs dans ce secteur”, a indiqué, mercredi, le ministre de l’agriculture, des ressources hydrauliques et de la pêche, Samir Taieb.

Le ministre précise lors d’un atelier sur “Les technologies numériques en agriculture : comment accélérer la transformation numérique de l’agriculture tunisienne?”, organisé à Tunis par son département, en partenariat avec la Banque mondiale, que “très peu d’entreprises fournissent aujourd’hui, des solutions technologiques destinées au secteur agricole, comparées à celles développées au profit d’autres secteurs”.

A une question de l’agence TAP sur les difficultés énormes auxquelles font face les agriculteurs dont l’endettement et leur impact sur la digitalisation du secteur, Taieb a déclaré que “c’est justement en raison de ces difficultés, que l’intervention du secteur public reste nécessaire. C’est l’Etat qui doit prendre en charge la question pour baliser le terrain à ce passage d’une agriculture traditionnelle à une agriculture moderne”.

“C’est pour cela que l’Etat est en train d’élaborer la stratégie adéquate, dans ce domaine, en concertation avec toutes les parties prenantes, nos partenaires et nos bailleurs de fonds. L’Etat aura aussi, à garantir les infrastructures nécessaires, ajuster le cadre réglementaire aux exigences de la numérisation et mettre en place les incitations nécessaires au profit des jeunes promoteurs et des startups intéressés par l’investissement dans l’agriculture “.

“Cette stratégie veillera aussi à favoriser le partenariat public privé en matière d’investissement agricole et la connexion entre les domaines de la recherche et de la formation académique et la profession et à accompagner les petits agriculteurs pour les aider à mieux intégrer les nouvelles technologies “, a-t-il affirmé.

Le ministre a rappelé “les expériences initiées en matière de recours aux nouvelles technologies dans l’agriculture, notamment l’utilisation des drones dans la surveillance des grandes cultures et la prévention des incendies, la gestion numérique des ressources hydrauliques, le recours aux données satellitaires pour compter les superficies cultivées et prédire les récoltes… mais le chemin reste long pour pouvoir saisir les opportunités que présente la numérisation de l’agriculture dans le monde “.

Pour sa part, le représentant résident de la Banque mondiale, Tony Verheijen a mis l’accent sur la nécessité pour la Tunisie de rattraper le retard accusé en matière de digitalisation agricole au risque d’être exclue de la chaîne agricole mondiale.

Les potentialités qu’offrent les nouvelles technologies sont, selon lui, multiples. “Il s’agit de faciliter l’accès des agriculteurs aux connaissances sectorielles (météo, maladies animales, données climatiques…), renforcer les capacités des agriculteurs, optimiser l’efficacité et la durabilité environnementale”.

“Il s’agit aussi, d’assurer la traçabilité des produits et la montée dans les chaînes de valeur de production, renforcer le positionnement de la production nationale sur les marchés internationaux et de réduire considérablement les coûts”.

Verheijen a aussi, évoqué les contraintes qui entravent jusque-là la transformation numérique de l’agriculture tunisienne, citant ” l’absence des infrastructures digitales nécessaires dans certaines régions (réseaux 4G, 5G réseau IOT et Cloud…), la faiblesse des possibilités de paiement digital, un cadre réglementaire peu favorable à l’accès aux données (open data)…”.

Pour sa part, le représentant de la FAO, Philippe Ankers a considéré que “les nouvelles technologies constituent une porte ouverte à une nouvelle révolution de l’agriculture et des manières de penser la production alimentaire. Elles permettront, de changer la vie de milliers de petits agriculteurs, en leur donnant la possibilité d’une meilleure gestion de l’eau, un meilleur accès aux services, une véritable connexion avec les acheteurs potentiels, une meilleure prévention des risques, une réduction des coûts de production, une optimisation des rendements et une amélioration de la qualité”.

Toutefois, Ankers a estimé nécessaire de mettre en place une stratégie efficace de digitalisation de l’agriculture qui prend en compte tous les préalables nécessaires, au risque d’aggraver l’aliénation de certaines populations qui auraient du mal à adopter ces nouvelles technologies ou qui le feront avec un certain retard.