Ce budget, qui sera prêt en septembre 2019, est élaboré pour une famille composée d’un couple d’adultes et de deux enfants et est calculé non pas en fonction du paramètre de la privation mais de celui du besoin.

«Le budget de la dignité» -un concept budgétaire innovant visant à garantir à tout Tunisien un niveau de vie minimum acceptable- est actuellement en cours d’élaboration par deux chercheurs, le Français altermondialiste, Pierre Concialdi de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) pour la coordination, et la politologue tunisienne Olfa Lamloum de l’International Alert Tunisie (IA), une ONG engagée dans l’étude de terrain sur les ressorts de la marginalisation dans les quartiers populaires et les régions de l’intérieur de la Tunisie.

Ce budget, qui sera prêt en septembre 2019, est élaboré pour une famille composée d’un couple d’adultes et de deux enfants et est calculé non pas en fonction du paramètre de la privation mais de celui du besoin. Il se distingue des seuils de pauvreté par sa méthode de construction.

La démarche consiste, en effet, non pas à simplement définir un seuil de revenu, mais à élaborer de façon très concrète le contenu d’un panier de biens et services dont tous les citoyens devraient pouvoir disposer, au minimum, pour vivre dignement dans la société tunisienne d’aujourd’hui.

Une exigence du soulèvement du 14 janvier 2011

Il vient consacrer « une revendication centrale des mobilisations révolutionnaires de décembre 2010-janvier 2011 », en l’occurrence la dignité pour tous les Tunisiens. Les chercheurs rappellent pour mémoire que cette exigence de la dignité figure dans la devise de la République tunisienne et la Constitution de 2014. Cette dernière précise que l’Etat assure aux citoyens « les conditions d’une vie digne ».

Selon les chercheurs, les conditions d’une vie digne englobent en effet de multiples dimensions : la liberté d’expression, le sentiment de sécurité, l’accès à l’emploi, le droit à la santé, l’organisation de pouvoirs démocratiques représentatifs des intérêts de la population…

Conséquence, ce projet vient consacrer cet engagement constitutionnel sous l’aspect principalement matériel de ces conditions de vie.

D’inspiration britannique

Financé par la fondation allemande Friedrich Ebert Stiftung Tunisie, le budget de la dignité est déterminé sur la base d‘une méthodologie innovante britannique, Minimum Income Standards “MIS“. Il s’agit d’une norme de revenu minimum pour un niveau de vie minimum acceptable.

La principale caractéristique de la méthodologie MIS est d’associer les citoyens à la définition du panier de biens et services auquel ils doivent pouvoir accéder pour faire face aux nécessités de la vie quotidienne et vivre dignement dans la société tunisienne.

Certains experts sont aussi mobilisés sur des points précis pour éclairer les choix des participants, mais ces derniers restent maîtres de la décision finale concernant le contenu du panier de biens et services.

C’est ce panier détaillé (en quantité et en qualité) qui constitue l’objet central de discussion des groupes. Les arguments avancés par les participants au cours des discussions fournissent aussi une information qualitative importante qui permet de contextualiser les décisions prises par les groupes.

Dans ce projet pilote, il est aussi envisagé de chiffrer le coût monétaire des principaux postes budgétaires, notamment pour l’alimentation, le logement, les transports, la santé et l’habillement. Ces cinq postes représentent environ 80% du budget moyen d’un ménage tunisien, ce qui devrait permettre de fournir un ordre de grandeur raisonnable du coût total du budget de la dignité pour un couple avec deux enfants.

Cet indicateur monétaire résumé apportera un repère nouveau pour éclairer le débat public sur les questions de pouvoir d’achat et de salaire, notent les chercheurs.