S’il est une activité qui nuit plus que tout à notre pays aussi bien sur le plan sécuritaire que sur le plan économique, c’est bien l’économie informelle !

Pas un jour ne se passe en Tunisie sans que les forces de sécurité ou les douanes tunisiennes ne procèdent à l’arrestation de contrebandiers. Des marchandises de valeurs variables mais qui dépassent pour la plupart du temps des centaines de milliers de dinars.

La contrebande, considérée comme une activité illicite et non organisée à l’origine de la propagation du commerce et des finances parallèles, est en réalité très bien structurée avec des réseaux implantés sur tout le territoire national et des antennes partout y compris dans les administrations publiques et dans les organisations nationales.

La lutte contre la contrebande et l’économie parallèle exige beaucoup de moyens et surtout l’application de la loi. Une loi qui reste malgré tout, et pour notre grand malheur, la meilleure protection pour les contrebandiers et leurs clients dans l’économie parallèle, car pour la plupart des cas, le maximum de condamnations qu’ils peuvent encourir ne dépasse pas les 15 jours de prison ! Et qu’est-ce que 15 jours de prison par rapport aux centaines de milliers de dinars et même aux millions qu’ils gagnent dans leurs trafics illicites ?

Ce que les Tunisiens ne savent pas c’est que la contrebande sert aussi à financer l’achat des armes et de la drogue, et que ce trafic juteux engendre des gains faramineux réalisés par des actions où ils payent le prix fort : la santé physique et mentale de leurs progénitures de plus en plus victimes de toxicomanie, leur paix et leur sécurité économique.

Et pendant que les députés pavanent devant les télévisions et passent leur temps à changer de camps et à se chamailler, la Tunisie glisse dans un tunnel sans fin de fragilité économique et sécuritaire.

Pas d’immunité et d’impunité pour les contrebandiers

Pour l’UTICA, l’Etat doit frapper d’une main de fer tous les contrevenants. Appliquer la loi sans distinction de rangs, d’appartenance ou d’allégeance. Que les contrebandiers soient adhérents ou non à une organisation nationale, ils doivent être sanctionnés car il ne s’agit nullement d’offrir l’immunité à ceux qui ne se soumettent pas à la loi et qui portent atteinte à l’économie nationale.

L’Etat dispose de tous les moyens qui peuvent juguler un phénomène cancérigène qui dévore l’économie formelle avec une férocité sans pareille.

Pour ce, la centrale patronale a proposé, outre le changement des billets de banques, la suppression des droits de douanes et les droits de consommation dus sur les produits non fabriqués localement objet du commerce informel et l’élévation du plafond du régime forfaitaire à 300.000 dinars tunisiens en appliquant des taux d’imposition progressifs par tranches de 50.000 DT variant de 3% à 5%.

Le syndicat des entrepreneurs a aussi appelé à limiter l’utilisation du cash dans les transactions commerciales et faciliter l’accès aux autres moyens de paiement. Le but de la manœuvre est de faciliter la traçabilité et mettre fin au blanchiment d’argent et de financements occultes.

Une initiative a été présentée dans ce sens au gouvernement en 2017 : il s’agit du decashing. L’interdiction du paiement en espèces pour certains services de l’administration publique à l’image de l’administration fiscale et la douane permettrait non seulement de réduire le phénomène des financements camouflés mais également de réduire la corruption au sein de l’administration fiscale et douanière. Il s’agit «d’exiger, dans les contrats présentés à l’administration fiscale, que le règlement soit effectué par des moyens de paiement autres que les billets de banque, rendre la mention du mode de règlement obligatoire dans tous les contrats et annexer au contrat une copie du support de règlement».

Il faut reconnaître que l’immobilier est le paradis fiscal et légal de tous les contrebandiers de Tunisie. Les transactions s’y font en cash et l’on voit des milliards passer de main en main sans que l’on se pose des questions sur leur provenance.

Aucune cité huppée de Tunis n’échappe aujourd’hui à la logique du blanchiment d’argent via les opérations immobilières. Des témoins rapportent que des villas sont vendues au «Manazeh» pour servir de garderies ou d’écoles coraniques au vu et au su de tout le monde sans que l’on bouge le petit doigt.

La décennie noire en Algérie a commencé par pareilles pratiques. Les décideurs publics en Tunisie en sont-ils conscients ?

Amel Belhadj Ali