Pour lutter contre ces phénomènes, FACE –pour Fondation Agir Contre l’Exclusion-, avec le soutien financier de l’Union européenne, entend mobiliser les acteurs de la société civile, publics et privés, pour accompagner les jeunes dans la construction de leur projet de vie après la prison ou maison de rééducation.

EBNI est le nouveau programme «d’Appui à l’insertion socioprofessionnelle des jeunes libérés ou sortants des prisons en risque de radicalisation». Ce projet vient d’être lancé par FACE Tunisie, présidée par Zahra Ben Nasr, et qui vise à redonner «espoir et rêve à des jeunes vulnérables et fragilisés par une situation socioéconomique délicate».

A travers Ebni, FACE Tunisie compte mobiliser les acteurs de la société civile, publics et privés, pour accompagner les jeunes dans la construction de leur projet de vie après la prison ou à leur sortie des centres de rééducation avec pour objectifs ultimes les encadrer pour qu’ils ne tombent pas entre les mains des idéologues des extrémismes religieux ou des criminels chevronnés. Il s’agit de leur permettre de se projeter dans leurs pays en tant que citoyens à part entière, acteurs efficients dans le développement.

Pour son démarrage, EBNI envisage d’accompagner 200 jeunes récemment libérés.

Entretien

WMC : Tout d’abord, présentez-nous l’association Face Tunisie :

Zahra Ben Nasr : L’association FACE Tunisie a été créée en 2012 avec pour missions : œuvrer pour l’emploi des jeunes, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, renforcer l’autonomie économique des femmes en milieu rural, militer contre la déscolarisation et encourager la formation pour optimiser les chances de nos jeunes dans l’octroi de postes de travail.

En militant pour un engagement social et sociétal des entreprises tunisiennes, FACE Tunisie espère juguler toutes les formes d’exclusion et de discrimination sociales.

Je rappelle que nous avons rejoint la Fondation Agir Contre l’Exclusion en 2012, une Fondation reconnue d’utilité publique et constituée de réseaux d’associations locales créées et/ou agréées par FACE compte tenu bien assurer de son rôle en tant qu’acteur efficient pour la réinsertion des jeunes en difficulté dans la société.

C’est d’ailleurs la raison d’être de EBNI «Appui à l’insertion socioprofessionnelle des jeunes libérés/sortants des prisons en risque de radicalisation».

Les jeunes en prison, qui sont notre principale cible, doivent impérativement être assistés et encadrés pour ne pas tomber dans les mailles du terrorisme ou de la grande criminalité pour le restant de leur vie.

Nombre de projets visent les mêmes objectifs que les vôtres, qu’est-ce qui garantit que vous ferez plus et surtout mieux? 

Notre projet est complémentaire et vient en appui aux autres projets et initiatives existants. Il est pensé dans une démarche de co-construction avec les autres partenaires et acteurs sur ce sujet tout en apportant l’expertise spécifique de FACE et son réseau d’entreprise.

Toutes les initiatives œuvrant à sauver nos jeunes de tout phénomène destructeur est la bienvenue. Nous ne voulons pas que notre jeunesse reste la cible privilégiée des mouvements fondamentalistes et radicaux qui y recrutent leurs adeptes car leur mainmise ne peut aucunement s’expliquer seulement par la pauvreté ; elle est aussi la résultante de carences culturelles et d’une crise aussi bien identitaire que de valeurs qui pèse de tout son poids sur les populations juvéniles dans différentes régions du monde.

A quel moment le projet Ebni pourrait-il intervenir pour soutenir les jeunes? 

Le projet Ebni s’inscrit dans un parcours d’intégration socioprofessionnelle continu. Ebni accompagne le jeune peu de temps après son emprisonnement et à sa sortie de prison. Nous voulons les outiller pour les réinsérer dans la société. Nous tenons à ce qu’ils reprennent confiance dans la société et dans le système.

Le terme «Ebni» (construit) est très évocateur. Quelle approche comptez-vous adopter pour réaliser vos objectifs? 

Ebni a pour objectif de reconstruire le lien social avec les jeunes, les enfants de la patrie tunisienne. Notre projet se base sur la création d’une mallette pédagogique en lien avec une vingtaine d’acteurs et d’experts sur le sujet. Il s’appuiera sur 40 accompagnateurs socioéducatifs et une centaine d’entrepreneurs formés et sensibilisés grâce aux outils mis en place pour assurer au mieux leurs missions.

Quel est l’apport de l’Europe et principalement dans la réinsertion des jeunes qui étaient en prison? 

L’Europe est notre bailleur de fonds principal. Elle nous soutient également grâce à son expertise du terrain. Mais sachez que c’est nous qui veillons à mettre en place les programmes de formation et de réinsertion adaptés à notre contexte socioculturel.

Il ne s’agit pas de “mimétiser” les programmes réalisés en Europe mais plutôt de s’en inspirer.

Comment les jeunes radicalisés pourront-ils profiter des projets Ebni? 

Pour nous, il s’agit surtout de prévenir. Notre cible principale est donc les jeunes en risque de radicalisation. Plusieurs expériences ont montré que les établissements fermés sont peu efficaces en matière de réinsertion des détenus libérés et des enfants en conflit avec la loi, ce qui favoriserait la récidive plutôt que de la combattre. C’est pourquoi le système judiciaire œuvre de plus en plus, dans nombre de pays, pour la réinsertion socioprofessionnelle, familiale et communautaire des détenus libérés.

Le détenu libéré est une personne, qui dispose des droits. Ainsi, des réponses particulières en faveur des détenus libérés en Tunisie ont vu le jour et doivent être renforcées. Cette démarche nécessite diverses actions et l’implication de plusieurs acteurs. La prise en charge des détenus libérés devrait être l’affaire de tous.

Avez-vous mis en place les outils socioéconomiques nécessaires à leur réinsertion? 

La création des outils est en cours. Ils seront complétés et validés en lien avec nos partenaires lors d’une semaine dédiée en décembre. En attendant, sachez que comme exprimé dans mon discours du 23 octobre à l’occasion du lancement du projet Ebni en Tunisie, nous comptons travailler entre autres sur :

-le renforcement des échanges entre les familles des détenus et les responsables des prisons ;

– la mise en place des mécanismes de réinsertion sociale (éducation, formation professionnelle, insertion économique) des détenu(e)s et des enfants placés dans les Centres de rééducation pour mineurs délinquants ;

– l’outillage des détenu(e)s et enfants en conflit avec la loi de toutes les informations utiles afin de faciliter leur accès au soutien et à l’assistance après la mise en liberté.

Entretien conduit par Amel Belhadj Ali