L’année 2019 sera l’année de tous les défis. Elle est de loin plus difficile que celle de 2018 car l’Etat devra payer le tribut de tous les excès, de la mauvaise gestion des finances publiques et de leur augmentation faramineuse en l’espace de 8 ans. Et qu’importe que l’on accuse la Troïka d’avoir dilapidé les ressources de l’Etat et des contribuables sous forme de dédommagement et d’embauche d’amnistiés, il revient aujourd’hui à l’Etat, à travers son pouvoir exécutif, en l’occurrence le gouvernement, de rectifier le tir et préserver les équilibrer budgétaires.

Pendant près de 8 ans, l’Etat a dépensé sans compter pour nombre de bonnes ou mauvaises raisons, et ses revenus ne peuvent plus ni couvrir ses dépenses ni lui permettre de s’endetter plus. Encore heureux qu’il puisse à ce jour honorer ses engagements et de s’acquitter de ses dettes extérieures.

«Si nous continuons sur ce train-là, estime un observateur, personne ne nous prêtera plus un sous. Quand l’Etat avait procédé à des dépenses non prévues après 2011, la Tunisie disposait d’un matelas financier confortable et avait une marge de manœuvre en matière d’endettement extérieur de l’ordre de 30 à 40%. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Notre rating est négatif et lorsque nous faisons des projections, nous avons plus le sentiment d’aller droit vers le mur que de pouvoir nous en sortir. Ceci étant, la situation n’est pas désespérée si nous consentons les sacrifices nécessaires pour y échapper».

Si les réformes ne sont pas osées et concrétisées, si la machine de production ne reprend pas et si les investissements ne sont pas relancés, c’est le scénario grec qui se profile à l’horizon et ceux qui se plaignent aujourd’hui à longueur de journée des difficultés de la vie regretteront peut-être alors d’avoir refusé de faire de petites concessions pour sauver la donne et seront acculés à accepter de plus grands sacrifices.

La loi des finances 2019 a donc été élaborée pour sauver l’Etat en préservant les équilibres budgétaires et en arrêtant l’hémorragie des dépenses qui ne correspondent pas aux revenus.

Augmenter les recettes de l’Etat et maîtriser les dépenses n’a pas été une grande réussite

En 2017, le déficit budgétaire était de 6,1% avec des coupes dans les dépenses au mois de septembre, et il fallait que, en 2018, ce déficit soit maintenu à 4,9%. Il fallait augmenter les recettes de l’Etat et maîtriser les dépenses, ce qui n’a pas été une grande réussite. Car il y a des gouffres financiers en Tunisie.

D’abord, la compensation qui devait être réformée et à laquelle une enveloppe de 1,5 milliard de dinars devait être consacrée et dont l’octroi aurait dû être revu dans le sens de profiter aux couches sociales les plus vulnérables. La réforme n’a pas été engagée à cause du populisme de certains leaders d’opinion et de politiciens dont le discours démagogique n’a d’égal que l’absence de vision et la stérilité des raisonnements et par conséquent l’Etat à dû ordonner le déblocage de 230 MD supplémentaire.

Ensuite, les transferts sociaux qui concernent 35.000 Tunisiens qui n’ont aucune source de revenus. «Est-il normal que l’Etat n’arrive pas à offrir à ces familles une aide minimum alors que depuis 7 ans on n’arrête pas de parler de révolution de la dignité ? Serait-ce normal d’user d’argument tels : “vous ne pourrez profiter de ces subventions que si quelqu’un qui en profite venait à mourir ou s’il décroche un travail“?». Par conséquent, 100 MDT ont été consacrés à ces familles totalement démunies.

Puis la couverture sociale a également pompé dans le budget, sans oublier que les personnes qui ne sont pas encore productives comme les étudiants en profitent et bien entendu les caisses sociales vides et dans un besoin constant de liquidités et ce tous les mois. Des dizaines de millions de dinars sont concédés aux caisses sociales chaque mois par le ministère des Finances et qui ne sont pas prévus dans le budget de l’Etat. C’est la conséquence du non engagement des réformes nécessaires depuis les années 90. Le fait est que reculer les échéances des réformes coûtera cher à tout le monde et sera plus dur à supporter à très moyen terme.

Le hic est que le budget 2018 a été élaboré en considérant que le prix du baril de pétrole ne dépassera pas les 54 $, la conjoncture géopolitique mondiale ayant diamétralement changé, il a grimpé à 80 $.

En Tunisie, 4,2 milliards de dinars sont nécessaires pour importer les besoins du pays en hydrocarbures. L’enveloppe de 1,5 milliard de dinars disponible dans le budget a d’ores et déjà été soldée, les 2,7 milliards de dinars restants seront consacrés dans le cadre du budget de l’Etat complémentaire et qui relèvent des ajustements des prix, etc.

Ces fortes dépenses ont obligé l’Etat à agir sur les recettes propres, via le recouvrement des impôts, le fisc, ce qui a permis, en les augmentant, de maintenir le déficit budgétaire à 4,9%. Ce taux permet à l’Etat de préserver les équilibres financiers, d’éviter de nouvelles dégradations des notations souveraines de la Tunisie et de récupérer la confiance des investisseurs.

Tout sur le projet de loi de Finances 2019

Un déficit commercial inacceptable

Ce qui n’a pas suivi est le déficit courant parce que le déficit commercial continue à grimper à des taux inacceptables. Ce qui, à cours terme, pourrait profiter aux opérateurs économiques mais deviendrait catastrophique et tout le monde y perdrait des plumes si ce n’est pas sa peau à moyen et long termes.

Pour sauver les meubles, l’Etat ne peut plus s’autoriser à s’endetter en devises pour que certaines entreprises limitent leurs activités dans des importations à outrance ou des franchises à satiété! La régulation doit par conséquent se faire par les opérateurs eux-mêmes d’autant plus que le tourisme n’a pas repris toute sa forme, pour renflouer le marché national en devises, les ressources propres venant du secteur énergétique -dont la production nationale couvrait 90% des besoins locaux- et des investissements directs sont pratiquement inexistantes.

Par conséquent, pour financer le déficit courant, l’Etat sera acculé à s’endetter pour parer au déficit courant ce qui n’est plus possible.

L’objectif des décideurs est de réduire le taux d’endettement au cours de cette année ainsi que le déficit budgétaire qui ne doit pas dépasser les 3,9% en 2019 et 3% en 2020.

La Tunisie n’est pas un pays riche et ne possède pas de grandes ressources, par conséquent si elle n’agit pas rapidement pour réduire ses déficits, elle sera incapable de supporter de nouveaux chocs si elle n’a pas des marges d’endettements raisonnables.

Dans les périodes de stabilité, il faut ramener le taux d’endettement du pays à moins de 50%, c’est vital. En cas de crise, personne ne prêtera un sous à la Tunisie.

La Tunisie n’est pas aujourd’hui dans une situation confortable et loin des discours démagogiques, chacun doit accepter le principe d’un sacrifice aujourd’hui acceptable mais qui sera demain insupportable.

L’UGTT à la hauteur

L’UGTT a été, malgré nombre d’erreurs de parcours, à la hauteur des attentes de l’Etat et du peuple en saisissant l’importance de son appui au plan de sauvetage des finances publiques et en comprenant parfaitement les enjeux, contrairement à des partis faisant partie du gouvernement et tenant des discours populistes dans les médias pour se faire prévaloir auprès d’électeurs potentiels. «C’est grâce à son soutien et son apport que le gouvernement a pu prendre les mesures douloureuses mais indispensables pour pouvoir aujourd’hui résister à l’achat du pétrole à 72 $ le baril et payer ses emprunts extérieurs. Cette organisation mérite tout le respect qui lui est dû et ne mérite pas les campagnes de dénigrement dont elle est aujourd’hui victime».

Les partenaires sociaux sont très importants dans la réussite de toutes les réformes que l’Etat doit engager au plus vite pour éviter les scénarios catastrophe mais également sont aussi importants les encouragements accordés aux entreprises pour que le site Tunisie malgré le danger, qu’il représente pour l’Europe (sic) qui a considéré sa législation pour encourager l’investissement comme dommageable à son grand marche (re-sic), continue à soutenir son tissu entrepreneurial.

Ainsi et outre les encouragements qui seront accordés aux créateurs de projets dans les zones de développement régional et qui consistent en une exonération de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu des personnes physiques pendant les 10 premières années ainsi que l’abattement de 50% de ces revenus ou bénéfices durant les 10 années suivantes, il y aura déduction totale des revenus ou bénéfices réinvestis.

L’Etat a également décidé de ne pas augmenter les impôts sur les personnes et les sociétés, et de fixer le taux de l’IS à partir de 2020 à 13% pour les entreprises exportatrices, les entreprises à haute valeur ajoutée, les industries des composants automobiles, textiles, cuir et chaussures haute technologies et autres, ceci outre la simplification de la législation en matière de fiscalité. Dès l’entrée en vigueur du nouveau code d’investissement, les lois et procédures ayant précédés sa promulgation ne seront, en principe, plus applicables et on ira vers une plus grande simplification des procédures.

La loi des finances 2019 a été élaboré avec pour but ultime, le sauvetage de l’Etat et de la Tunisie mais cela ne saurait se faire sans des réformes structurelles de la compensation et des caisses sociales et sans engager de très sérieuses négociations pour privatiser les entreprises publiques déficitaires depuis des années et qui sont un gouffre sans fin pour le budget de l’Etat et la restructuration des autres.

Le gouvernement et en premier, Youssef Chahed, et le ministre des Finances réussiront-ils à convaincre l’UGTT de l’importance vitale de ces réformes et de ces privatisations ?

L’UGTT sera-t-elle convaincue et pourra-t-elle convaincre ses adhérents de leur nécessité pour sauver la Tunisie ?

That’s the question !

Amel Belhadj Ali