L’Europe en a été atteinte à plusieurs reprises depuis les Croisades jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Le processus est d’une grande simplicité. Conduite par la seule soif du pouvoir, une minorité transforme la vérité en un mensonge démagogique et obtient sur ce mensonge l’adhésion de la majorité.

La Tunisie n’est pas à l’abri de cette maladie. Déjà en 1977, la Tunisie en a souffert.

Aujourd’hui quand on évoque le 26 Janvier 1978, on entend parler de militantisme syndical, de dictature, de milice, de grève générale, de 300 victimes voire plus, et personne n’ose indiquer le mensonge de départ et le mécanisme qui a entraîné le pays dans la folie.

Faisons un peu d’histoire pour les moins de 50 ans.

En 1976, Bourguiba était vieux et gravement malade (plusieurs attaques cardiaques, hépatite, dépression nerveuse, etc.) et le risque d’une vacance accidentelle du pouvoir devenait très probable (personne n’imaginait qu’il allait pouvoir vivre encore 24 ans). Qui allait le remplacer en cas de vacance du pouvoir ?

Une fausse bonne idée a émergé : le Premier ministre était la personne la plus indiquée pour assurer la continuité de l’action gouvernementale, jusqu’à la prochaine élection législative.

Et la Constitution a été amendée dans ce sens. A l’époque, Hédi Nouira était Premier ministre.

Depuis ce jour-là, tous les concurrents de Nouira, y compris certains de ses ministres, n’avaient qu’une idée en tête : faire tomber Nouira coûte que coûte.

Des alliances ont été établies.

Certains l’ont fait avec le mouvement islamiste en jouant sur la corde sensible de l’arabisation et en confiant l’enseignement de la philosophie aux professeurs d’éducation religieuse.

D’autres ont préféré utiliser l’outil syndical en mettant en avant la légitimité historique de Habib Achour avec sa casquette destourienne et d’organisateur du Congrès de 1955 à Sfax qui a permis la victoire de Bourguiba sur Ben Youssef.

Il y a eu aussi des alliances anti Nouira avec Kadhafi qui ne lui pardonnait pas d’avoir fait capoter l’accord de l’union signé à Jerba.

Les médias ne sont pas restés en dehors de la bagarre. Les Tunisiens ont ainsi été entraînés dans une folie collective en leur faisant croire qu’il s’agissait de défendre leur pouvoir d’achat et leurs droits sociaux. A l’époque, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, la presse écrite était libre et diversifiée.

Nouira, sentant venir le danger, a pensé mettre l’UGTT de son côté en signant avec la centrale syndicale, au mois de Janvier 1977, un contrat social pour une durée de 5 ans. C’était ignorer l’ambition de Habib Achour et les manigances de ses concurrents à la présidence.

L’année 1977 fut une année très chaude avec des crises à répétitions sur fond de demandes salariales exorbitantes et de grèves tous azimuts. Même les Palestiniens ont été mêlés à ces affaires et plusieurs ministres ont démissionné en pleine discussion budgétaire pour mettre Nouira en difficulté.

Le seul événement positif tout au long de cette année 1977 fut la campagne victorieuse de la grande équipe nationale de football pour la Coupe du monde en Argentine (1978), sous la conduite de Chetali.

L’intérêt personnel, la course à la présidence de la République, les coups bas, la manipulation par les médias et le manque de discernement de la population ont provoqué une folie collective qui s’est terminée dans le sang le 26 Janvier 1978 avec une grève générale et la traduction devant la Cours de sûreté de l’Etat des membres du bureau exécutif de l’UGTT qui les a condamnés à plusieurs années de travaux forcés.

Au fait, pourquoi la situation de 2017/2018 me rappelle celle de 1977/1978? Après tout, Maaloul, chercheur de miracle, n’a pas le gabarit de Chetali, stratège et meneur d’hommes !