Avec son contenu actuel, ses mécanismes et la manière dont il est négocié, l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) ne donnera rien de bon, du moins pour la Tunisie. C’est du moins la ferme conviction des organisations de la société tunisienne, exprimée à de multiples reprises, y compris lors du Workshop Tunisie ALECA –sur le thème «entre trébuchement et avancement»-, organisé le 20 avril 2018 par le réseau Euromed et l’association ASPOMIS.

A quelques semaines de la reprise des négociations, le Groupe de travail «Droits économiques et sociaux, composé d’universitaires, experts et associations, dont les travaux sont coordonnés par le réseau Euromed, a fait des propositions afin de contribuer à en rectifier le tir.

Au nombre d’une quarantaine, celles-ci concernent le processus de négociations lui-même, les chapitres objet des tractations et quelques-unes sont d’ordre général. Avec pour résultat, une plus grande implication de la société civile à différents niveaux et phases de la négociation de l’ALECA.

Concernant les négociations, ledit Groupe de travail recommande, en particulier, que la société civile soit plus impliquée –moyennant un mandat qui lui serait accordé à cet effet- tant dans l’élaboration des termes de référence et le pilotage des études «approfondies, indépendantes et multidimensionnelles» à la fois de l’Accord de 1995 et de celui en préparation, que de la formulation d’une vision et d’une stratégie.

A cet effet, la société civile appelle à une «réflexion plus approfondie» menée par des experts sur l’accord», à l’octroi au gouvernement d’un «mandat parlementaire clair», «précisé par un Mémorandum qui ferait office de feuille de route pour l’équipe de négociation», et, aussi, à «des négociations alternatives» avec d’autres pays, mais «sans remettre en cause» le fait que «l’UE soit un partenaire commercial et historique et privilégié de la Tunisie».

Preuve de l’importance qu’il y accorde, le Groupe de travail «Droits économiques et sociaux» recommande, concernant le Partenariat pour la mobilité (PPM) avec l’ALECA, de relier la libre circulation des marchandises et des capitaux à celle des personnes, y compris sous-qualifiées, homogénéiser les politiques migratoires des états membres de l’Union européenne dans le cadre du PPM et exiger de ces derniers «un engagement (…) pour la facilitation des visas».

Sur les chapitres, l’essentiel des recommandations concerne l’agriculture et les services (création d’une politique agricole maghrébine commune, demander à l’UE «un partenariat stratégique à moyen terme et long terme (…) dans le cadre d’une Politique agricole renouvelée, etc.), l’investissement (obligation de transfert de technologie de compétence, de proportion d’emploi local, de soutien au tissu économique local, et la possibilité de limiter la part du capital détenue par l’investisseur étranger dans certains secteurs), et les marchés publics (qui ne doivent pas être intégrés dans l’ALECA importants pour les entreprises tunisiennes, qui ne peuvent pas accéder aux marchés publics européens en raison des restrictions sur la mobilité des personnes et le différentiel de compétitivité).

Enfin, plus généralement ledit Groupe de travail appelle à ce que la Tunisie «exige des garanties pour que le projet d’ALECA permette un réel développement des droits économiques et sociaux des citoyens et citoyennes tunisiens», demande au gouvernement tunisien et à la Commission européenne «plus de transparence et une plus grand implication de la société civile dans le processus de négociations», et à «considérer que tout nouvel accord avec l’Union européenne doit être asymétrique, progressif, sur la base d’une liste positive, contenant une clause socio-environnementale impérative et contraignante stipulant le respect des droits sociaux fondamentaux et les conventions de l’OIT».

MM

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