Afef Masmoudi est une jeune styliste modéliste sfaxienne, pétrie de talent et passionnée par l’art et le patrimoine tunisiens. Elle confectionne des habits modernes inspirés de l’habit traditionnel et décorés de broderies berbères.

Lauréate du concours de la “Khomsa d’or” en mai 2017, elle a lancé sa propre collection “MANNA, Tunisia”, du nom de sa grand-mère maternelle, une couturière douée, en août de la même année, encouragée par l’intérêt suscité par les modèles présentés à ce concours.

Elle s’inscrit dans une lignée de couturières talentueuses, puisque sa mère a, également, un atelier de confection de robes de mariée.

Dans une interview accordée à l’Agence TAP, Afef Masmoudi parle de son rêve, “celui d’ouvrir un show room dans une maison arabe, à l’architecture typiquement tunisienne, dans la médina de Tunis ou à Sidi Bousaid, qui sera “Dar MANNA” , “en hommage à ma grand-mère qui m’a enseignée le tricot et la broderie dans mon enfance” .

La styliste se rappelle que dès le plus jeune âge, elle “confectionnait des robes de poupées et dessinait des princesses vêtues de robes de mariées”.

Le bac en économie-gestion en poche, elle a choisi d’étudier à l’Institut supérieur des arts et métiers de Sfax (Bac +5) dans la spécialité textile-habillement. Son mémoire de fin d’étude a été “une robe de mariage modifiable et réductible en lingerie”.

Une formation a eu un impact très fort sur la styliste, celle suivie à l’école des métiers de la mode, intégrée au CETTEX, où enseignaient des formateurs français de l’école “Mod’Spé” de Paris. A cette époque, les entreprises soumises à la loi 72 exécutaient seulement les commandes venant d’Europe. Alors, la Tunisie a voulu préparer des professionnels capables de proposer des créations aux entreprises étrangères.

Afef rêve de voir se créer une école de mode tunisienne, inspirée du patrimoine traditionnel tunisien et qui pourrait être une école d’art englobant la peinture, le patrimoine, l’architecture… Elle a une conscience aiguë de la richesse de l’artisanat du pays.

Pour elle, quand un client achète du fait main, il achète une part de la vie de l’artisan, alors que les vêtements industriels génèrent du stress, comme c’est le cas pour l’architecture tunisienne où les courbes douces des coupoles génèrent des ondes positives.

Au début de son parcours professionnel, la styliste a travaillé avec des industriels pour des marques tunisiennes. Elle s’est ensuite lancée dans l’étude de son projet dans le cadre d’une formation gratuite, la CEFE (Création d’Entreprises et Formation d’Entrepreneurs) organisée par le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, laquelle utilise une approche personnalisée, basée sur l’apprentissage par l’action.

Mais après la révolution de 2011, “les clients étrangers du textile-habillement ont fui la Tunisie et j’ai travaillé à cette époque dans l’atelier de ma mère. La révolution a, aussi, impacté le secteur touristique et la crise a touché tout le monde dans l’artisanat”, rappelle la styliste.

Au cours de cette période, elle s’est posée comme défi de confectionner, elle-même, ses habits en créant des jeans, des ponchos agrémentés de broderies berbères.

Afef s’est attachée à la broderie berbère, celle de Gafsa, Djerba, Kerkennah, Le Kef… “une broderie primitive, où chaque motif est un symbole, tel le tatouage (comme le scorpion) qui est une protection contre le mauvais œil, le palmier-dattier, un signe de fertilité, le croissant et l’étoile, les symboles de l’islam, le signe du Tanit, la civilisation punique, la croix chrétienne et l’étoile de David, la coexistence entre les religions et la richesse de notre patrimoine”.

Malheureusement, “je n’ai pas trouvé beaucoup de femmes qui font de la broderie berbère, ça a presque disparu, sauf dans quelques régions du sud.

J’ai donc brodé moi-même ces motifs en vérifiant les points de broderie, sur “Youtube”!

Pour la styliste, “le point de départ de la concrétisation de mon projet a été la “Khomsa d’or”, lorsque de grands stylistes tunisiens sont venus me féliciter et ont montré de l’intérêt pour mes tenues, le téléphone n’a pas arrêté de sonner… alors que je n’avais pas encore de collection et que j’étais encore en phase de l’étude du projet”.

“Actuellement, je participe à des expo-ventes à Tunis et dans d’autres régions du pays. je vends des vêtements mais aussi des accessoires, des bijoux. J’ai lancé le concept “telle mère, telle fille”, des vêtements inspirés de la tradition pour les deux générations, et je cible également le “total look”. Dans mon projet final, les clients pourront acheter dans un même espace leurs vêtements mais aussi les accessoires, les bijoux, les sacs et même, plus tard, les chaussures”.

“Pour les besoins de ma collection, “j’achète le tissu “Hayek” de Kairouan, la broderie berbère de Zaghouan, les tissus du sud, dont le “Beskri” de Djerba, la Cachabia (manteau traditionnel avec capuche) de Béni Khiar et les Chéchias du Souk des Chaouachins, à la médina de Tunis”. Quand je fais une nouvelle création, je la porte et me promène dans le centre-ville et la médina de Tunis pour tester la réaction des gens, qui est souvent positive..”.

Pour ce qui est du coût des produits artisanaux qu’elle confectionne, Afef souligne que la main-d’oeuvre et les matières premières, dont la plupart sont importées, sont chères. “Pour vendre des vêtements à un coût moyen, je mixe la production industrielle avec le fait main”.

“En période de crise, la formation suivie m’a permis d’avoir l’esprit large et de broder de petites choses, tels que des porte-clés pour les vendre dans les expo-ventes et aussi de présenter plusieurs articles avec une variété de prix, accessibles à toutes les bourses”.

Installée dans l’appartement familial, la styliste a créé une page Facebook pour vendre ses produits qui ont même trouvé quelques clients hors des frontières du pays, à Bruxelles et en Italie. Elle ambitionne d’agrandir son projet et plus tard d’exporter vers des marchés tels que l’Algérie, le Maroc, l’Espagne, l’Italie…