Sa philosophie de l’art est celle d’un plasticien quelque part engagé, et lorsqu’il parle de ses œuvres et sa conception de l’action artistique, Jamel Chaouki Mahdaoui a le verbe fluide et aussi intense et généreux, à l’image des couleurs qui enveloppent ses toiles.

Une première rencontre samedi soir avec le plasticien, pourtant brève, a permis de déceler un personnage révolté, mais en douceur, enfoui derrière ce béret et blazer sous lequel il portait un tee shirt en noir sur lequel est imprimé la même toile qui trône à l’entrée de l’espace sophonisbe à Carthage où se tient sa toute dernière exposition “Les entrelacs de l’imaginaire”.

Dans cette toile qui est pour lui “le réceptacle de tous les gens qui débarquent”, le plasticien évoque “une symbolique extraordinaire sur la dualité entre les personnages, exprimée par cette symétrie entre les deux parties de l’oeuvre et une peinture à l’état brut, à main levée, qui renvoie aussi à “une symbolique de puissance”.

Un vernissage grandiose, de cette exposition qui se poursuivra, du 10 février au 1er mars 2018, digne des deux ans que le plasticien dit avoir pris le temps pour finaliser les toiles, et au cours desquelles il s’était “retiré des futilités de la vie” pour travailler à fond dans son atelier tout en puisant toute son énergie” dans ce qu’il qualifie de “belle peinture dont je suis vraiment convaincu.. ”

L’exposition offre une certain regard sur l’univers de Mahdaoui qui, en quelque sorte se voit “obligé de dénoncer des choses en faisant grimacer certaines présences, en important à mes œuvres la présence de l’œil, le symbole du non dit”. Devant autant de thèmes et de couleurs, l’artiste explique une disposition des œuvres faite selon un “ordre chromatique et les thèmes, classés par couleur, sont dans l’enchevêtrement ce qui donne l’impression qu’ils sont des thèmes différents alors qu’ils se rejoignent sur le plan idéologique, fantasmagorique, civilisationnel, culturel, symbolique..”.

Mais parmi toutes ces œuvres, il n’en voit qu’une “seule oeuvre émanant d’un seul peintre avec toutes ses contradictions, ses expériences personnelles”. A la fin de sa cinquantaine, Jamel Chaouki Mahdaoui, se situe dans une phase de maturité artistique.

Fort d’un parcours artistique de plus de 35 ans, pour ce fils de Carthage réclamant tant son identité et ses origines, l’artiste emprunte une approche artistique basée sur “la façon de faire évoluer les toiles et la peinture” et renvoie à “une intelligence dans la démarche”. Une démarche d’un artiste s’estimant “subversif”, et pour lequel l’intelligence réside dans l’habileté à “traiter différents thèmes, sans être agressif, exprimer des idées, pacifiquement, à l’aide du pinceau, en glisser des symboles pour dénoncer certaines questions de l’époque”.

Son inspiration puise énormément dans la mythologie greco-romaine, du sanskrit,de la mythologie, ..tout en se référant en même temps au vécu dans lequel il évolue. Et toutes ses démarches transitent par Carthage et la mémoire historique d’un artiste qui creuse dans l’intemporalité et arrive à tout adapter, partant de sa conviction que le rêve et l’imaginaire sont indissociables du réel.

Pour lui, l’artiste est systématiquement invité à se restituer par rapport aux passé. Sinon “qu’est ce qu’un artiste peintre s’il n’est pas témoin de son époque, s’il ne dénonce pas pas la barbarie, la dictature, les violences sociales et la misère, s’il n’est pas l’image de cette réalité…”, se demande ce fin penseur et philosophe de l’art.

Loin de vouloir porter la casquette d’un écrivain, qu’il considère “énorme”, Mahdaoui affiche humblement ses talents dans l’essai, la poésie et incontestablement la peinture.

L’exposition offre une ballade visuelle et spirituelle, dans une riche collection de 72 toiles, de différents formats et couleurs, qui mérite le détour où la beauté de l’oeuvre chez Mahdaoui incarne le souci permanent qu’il avoue chercher à “conserver entre une esthétique du signe et celle de l’image”, tout en alliant beauté, sensualité et haute sensibilité spirituelle.

FATY