L’œuvre de l’artiste-plasticien Zoubeir Turki (19 novembre 1924-23 octobre 2009) a toujours eu un grand intérêt auprès des artistes, collectionneurs et amateurs d’art en Tunisie. Ce vendredi soir 17 février, ils étaient nombreux, au vernissage d’une exposition, gouaches et dessins, en hommage à ce pionnier de l’Ecole de Tunis, organisée par l’espace Hédi Turki, à Cité Mahrajène, à El Menzeh, baptisé au nom de son frère cadet l’artiste-plasticien Hédi Turki.

L’exposition se poursuit du 17 février au 4 mars 2023, dans cet espace, dirigé par Mohamed Samir Turki, fils de Hédi Turki (15 mai 1922- 31 mars 2019). La galerie avait été inaugurée en mai 2022 à l’occasion du centième anniversaire du peintre.

L’exposition montre une collection privée d’une cinquantaine d’œuvres jalousement conservée par la fille de Zoubeir Turki, Selma, qu’il avait eu avec sa compagne suédoise. Assez discrète et timide, la belle femme a brièvement parlé de l’héritage de son père. La collection exposée ” est tout ce qui reste d’une large collection héritée de mon père dont la majorité a été vendue”.

Elle a préféré céder la parole à sa belle-mère, Raoudha Mouelhi qui est la dernière épouse de feu Zoubeir Turki. Cette tunisienne, ancienne banquière, était aux côtés de lui pendant plus de dix ans et l’avait accompagné jusqu’à sa mort en 2009.

Raoudha Mouelhi est elle-même artiste plasticienne qui avait été initiée à la peinture depuis sa jeunesse dans des formations au centre culturel Dante Alighieri. Elle travaille sur la peinture à l’huile et les fleurs séchées et pétales et en a fait sa spécialité.

Evoquant les rituels de son défunt mari, ” il avait toujours le pinceau à la main et dessinait tout en chantant”. Son inspiration ” n’avait pas de moments précis “, a-t-elle dit. ” Il dessinait tout le temps, de jour comme de nuit”. Lors de ses moments de fatigue, il se permettait une petite sieste pour reprendre ensuite le travail dans la bonne humeur.

Pour Zoubeir Turki, le tableau n’a pas d’âge. Il aime souvent reprendre les thèmes de ses anciennes toiles. Elle se rappelle qu’il ” avait un attachement particulier pour certaines œuvres abimées en faisant tout pour les sauver “.

Sa femme affirme que ” derrière ses traits durs se cache une personne aimable et généreuse. Il était le confident de ses amis parmi les artistes et diplomates qui n’hésitaient pas à demander conseil d’un homme qui a œuvre toute sa vie à promouvoir la culture tunisienne “.

Pour son neveu Ali, fils de Hédi Turki, ” cette collection avait figuré dans son musée, construit dans sa ferme à Chouchet Radès, un projet qui était prêt à l’inauguration mais n’avait malheureusement pas abouti “. La veuve de son oncle a parlé d’une collection de près de 2000 tableaux exposés qui n’attendaient que les visiteurs du musée et son immense jardin, situé dans une rue qui s’appelle la rue du musée.

Elle a déclaré qu’il voulait en faire ” un musée qui appartient à l’Etat et un espace qui perpétue son œuvre pour les générations futures “.

Dans cette exposition, certaines des toiles sont des portraits des membres de sa famille comme son oncle Ali Saidi qui était chaouachi (il confectionnait la chachia) ainsi que d’autres personnages qu’il avait connu dans la vie. Mon oncle dessine en puisant dans ses souvenirs et son imaginaire pour des gens qu’il n’avait pas forcément rencontrés “, a encore dit Ali.

” Mon frère Hédi est mon premier maître ” déclarait Zoubeir Turki dans l’une de ses dédicaces, avouant ainsi être le disciple de son frère cadet. Il voulait devenir comme lui, artiste-peintre.

Son neveu se rappelle de la relation fraternelle solide et conflictuelle à la fois des frères Turki. ” Sauf qu’aucun d’eux ne supportait l’absence de l’autre, ne serait-ce qu’un jour ”
Dans son travail, Zoubeir Turki aimait être entouré de gens, il ne supportait pas la solitude. Tout le gotha des arts et de la culture venait chez lui et s’amusait bien en sa compagnie “.

Il était un artiste complet qui sait jouer du piano et un bon danseur disait-on “, ajoute son neveu lui-même plasticien de formation mais qui avait préféré se diriger vers le monde des affaires.

Parmi les autres expositions en hommage à Zoubeir Turki, on cite celle réalisée, en automne 2016, à la galerie saladin par son fils et frère de Salma, Hassen. Dans une déclaration à la TAP, il avait alors évoqué “des œuvres qui font partie de l’héritage artistique que mon père nous a légués, moi et ma sœur”.

Au début des années 50, Zobeir Turki avait eu un séjour nordique en Suède où il avait rejoint l’Académie des beaux-arts de Stockholm. Cette escale en Scandinavie lui avait permis “de développer son talent et son expérience “, comme l’avait souligné l’ancien ambassadeur suédois à Tunis, Frederik Floren.

L’artiste fondateur de l’Union nationale des arts plastiques de Tunisie et de l’Union maghrébine des arts plastiques est un grand témoin de son époque. Zoubeir Turki restera à jamais présent avec son oeuvre colossale et la sculpture d’Ibn Khaldoun qui trône au coeur de Tunis, à la Place de l’Indépendance.

Une large collection de ses œuvres est conservée dans les divers dépôts sous la tutelle du ministère des Affaires culturelles. Les membres de sa famille affirment n’avoir aucune idée sur le sort de ses œuvres ni celles de son frère acquises par l’Etat tunisien et qui mériteraient d’être présentées au grand public.