La première édition du Forum Tunisie-France, organisée le 1er février 2018 en marge de la visite d’Etat du président français, Emmanuel Macron, aurait tenu toutes ses promesses, ou presque.

Ouvert par Foued Lakhoua, président de la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie, et Alexandre Ratle, président des Conseillers du commerce extérieur de la France Comité Tunisie, le forum a enregistré les interventions : Gilles Bonnenfant (président Eurogroup Consulting), Stéphane Yrles (secrétaire général Groupe Avril), Neila Benzina (CEO Business & Decision), et Amina Zeghal (directrice générale de l’Université Paris-Dauphine Tunis), Lionel Zensou (Terra Nova), Stéphane Richard (P-dg Groupe Orange), Xavier Niel (Free), Abdessalam Ben Ayed (El Badr), Mehdi Tekaya (Wevioo),  Kais Dali (ancien pdg de la CPG), Zied Laadhari (ministre tunisien du développement), Jacques Séguela (co-fondateur du nouvel Havas).

On a senti cette volonté et des entrepreneurs et des politiques français d’aider la Tunisie, politiquement et économiquement. Les entrepreneurs de l’Hexagone qui se sont succédé à la tribune ont loué –et c’est paradoxal pour les chefs d’entreprise tunisiens- la qualité de la main-d’œuvre tunisienne. Ils ont aussi souligné cette capacité qu’ont les Tunisiens à s’adapter aux différentes mutations, notamment technologiques.

quand les jeunes ont de l’espoir, quel que soit l’endroit où ils sont nés, ils peuvent changer la Tunisie

Xavier Niel (PDG de FREE) affirme que «quand les jeunes ont de l’espoir, quel que soit l’endroit où ils sont nés, ils peuvent changer la Tunisie». Autrement dit, sans lueur d’espoir, ils sont prêts à tenter l’aventure au péril de leur vie.

Côté politique, Emmanuel Macron et les ministres ont souligné que la Tunisie et les Tunisiens peuvent compter sur le soutien de la France à tous les niveaux.

Les participants considèrent que la Tunisie a un grand rôle à jouer dans la Francophonie, qui est à la fois un espace politique, culturel et surtout économique. Pour la France, la réussite de l’expérience démocratique tunisienne peut entraîner une évolution dans ce sens dans d’autres pays francophones, surtout d’Afrique.

Sur les réformes, à la fois multiples et indispensables que la Tunisie se doit de faire, là également les autorités françaises, par la voix de Macron, ont promis d’apporter un appui considérable, en termes financier et politique. Il l’a dit devant les députés de l’Assemblée et il l’a répété à la clôture du Forum, en soulignant en substance que des réformes douloureuses s’imposent afin que la Tunisie soit un véritable pôle d’attractivité. Et pour rassurer quelque peu le chef du gouvernement tunisien, Macron dira que son Premier ministre est lui aussi dans cette situation, mais que c’est indispensable pour l’avenir de nos pays.

Quant aux différents panels, ils ont traité des “synergies gagnantes“, du “Comment accompagner le succès“, de “la Tunisie face aux novelles globalisations“, et “le monde demain“.

Dans une intervention, le ministre tunisien du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, Zied Laadhari, rappellera que la Tunisie et la France ont bâti une relation unique, historique et ancienne qui s’écrit tous les jours, et ce grâce au travail des institutions de part et d’autre.

Dans ce cadre, ajoutera-t-il, «nous comptons sur les personnalités des deux pays, sur la société civile dans le monde de l’art, de la culture, du numérique, des TIC dans nos efforts de développement». Car, la réussite de la Tunisie n’est pas seulement pour les Tunisiens, mais elle le sera également pour les amis de la Tunisie.

on a l’impression que la Tunisie n’est pas suffisamment comprise à l’extérieur

Cependant, regrettera le ministre du Développement, «on a l’impression que la Tunisie n’est pas suffisamment comprise à l’extérieur».

La révolution tunisienne soulève des grands défis, mais elle nourrit des grands espoirs et de grandes opportunités, «il faut que la démocratie puisse apporter le bien-être, la prospérité, l’espoir, la richesse et créer des emplois», souligne Laadhari. Et de rappeler que la France a apporté un solide soutien politique et économique à la Tunisie, tout en rappelant les entreprises françaises à investir encore et encore ici et maintenant en Tunisie.

Il a rappelé que des réformes sont en cours à plusieurs niveaux (finances, administration, investissement…) qui seront à même de faciliter davantage le climat des affaires en Tunisie.

Pour la Francophonie, il souligne que c’est un espace de coopération dans lequel la Tunisie peut jouer un grand rôle. Nous pouvons le croire, surtout après l’avoir vu et entendu s’exprimer dans un français limpide … sans lire, s’il vous plaît.

Côté annonces, il y en a eu quelques-unes. La France s’engage à apporter, en plus des 1,2 milliard d’euros, une aide supplémentaire de 500 millions d’euros à la relance économique. Elle a mis à la disposition de la Tunisie d’un fonds de 50 millions d’euros pour la période 2020-2022.

La Tunisie enregistrera la création d’une Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée qui délivrera à Tunis des diplômes français, a-t-il promis.

Autre annonce faite par Emmanuel Macron, l’ouverture d’une ligne de crédit de 100 millions d’euros destinée à la réforme des entreprises publiques tunisiennes, mais aussi de la conversion de 30 millions d’euros de dettes tunisiennes envers la France en projets de développement, essentiellement dans les secteurs de la santé et de l’enseignement supérieur. A rappeler que 60 millions d’euros de dettes tunisiennes ont déjà été convertis en janvier 2016 en projets de développement.

En clôture du Forum, le chef du gouvernement tunisien, Youssef Chahed, en compagnie du chef de l’Etat français, a parlé d’“une alliance renouvelée entre la Tunisie et la France“.

En échos de ce qui s’est passé au cours dudit forum, Chahed a commencé par souligner “les entrepreneurs français, qui ont accompagné le président Emmanuel Macron, ont pu identifier avec leurs homologues tunisiens les secteurs porteurs ainsi que les étapes à franchir en vue d’une accentuation de ce partenariat bilatéral stratégique”, ajoutant que les travaux de cette rencontre ont apporté la preuve supplémentaire du dynamisme des économies des deux pays et des grandes potentialités qu’elles s’offrent mutuellement.

Pour le chef du gouvernement, la Tunisie et la France ce sont deux nations qui se connaissaient, se respectent, partagent une longue histoire, mais désirent aujourd’hui construire un nouveau présent et un nouvel avenir. En effet, “la Tunisie et la France partagent aujourd’hui les mêmes valeurs, celles de la démocratie, de la liberté et de la dignité”, affirme-t-il.

le plan de développement 2016-2020 permettra à la Tunisie de rétablir les grands équilibres macroéconomiques

Youssef Chahed estime que des prémices d’une relance de l’économie sont déjà perceptibles, assurant que la Tunisie se doit de réussir sa transition économique. Et c’est ce dans cadre que s’inscrit le plan de développement 2016-2020 qui, espère le chef du gouvernement, «permettra à la Tunisie de rétablir les grands équilibres macroéconomiques», avec un taux de croissance annuelle de 5% en 2020.

Mais il sait que pour y arriver, des réformes profondes et sur des bases sont nécessaires. Celles-ci concernent les finances publiques et les caisses de sécurité sociale, qui sont déjà entamées, d’autres suivront, en partenariat avec les partenaires sociaux, et seront axées sur la restructuration des entreprises publiques et du système de subvention, sans oublier la réforme du code des changes afin de favoriser l’investissement.

En gros, il est difficile de retracer tout ce qui a été dit lors de ce Forum, mais on a retenu que, de part et d’autre, il existe une volonté commune d’aller plus loin, de construire un avenir économique, politique et sociétal plus important que ce qu’il est aujourd’hui. Pour ce faire, tous les ingrédients sont là, à nous de les combiner pour bâtir ce socle commun, le nouveau couple tuniso-français.

Tallal BAHOURY