Pour les non connaisseurs, GTA est essentiellement une base de données hôtelière B2B, réservée aux agences de voyages. C’est l’une des plus anciennes bases de données hôtelières, car elle a été créée il y a 40 ans en Angleterre. Elle a été contrôlée au niveau de son capital social par plusieurs actionnaires successifs pour finir en octobre 2017 dans le giron du Groupe Hotelbeds. Une acquisition intervenue après le rachat d’un autre poids lourd du secteur en juin 2017, Tourico Holidays.

GTA est propriétaire de TravelCube et TravelBound, tandis que Hotelbeds détient Bedsonline.

Pour rappel, Hotelbeds a été vendu par Tui Group (1,2 milliard d’euros) en 2016 au fonds d’investissement Cinven et à l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada.

GTA regroupe 50.000 prestataires répartis dans 190 pays. Il réalise globalement environ 21.000 réservations par jour dont certaines émanant d’agences de voyage tunisiennes pour essentiellement des séjours hôteliers à travers le monde.

GTA a donc décidé de ne plus honorer les réservations émanant des agences tunisiennes regroupées auprès de son représentant en Tunisie, Select Travel & Tours, pour des raisons de délais de paiement jugés excessifs et de fait inacceptables.

Dans la pratique, Select Travel & Tours centralisait jusque-là toutes les réservations des agences locales pour les séjours hôteliers des Tunisiens à l’étranger, déposait un dossier de transfert de devises auprès de la Banque centrale de Tunisie et réglait dès l’obtention de cette autorisation la plateforme de réservation GTA.

Les deux raisons qui expliquent la décision du GTA

Les délais jugés longs par GTA s’expliquent par deux phénomènes dont le plus important est celui de la difficulté pour la Banque centrale de disposer à temps des devises nécessaires pour honorer les paiements de la Tunisie en devises étrangères.

Le deuxième concerne le niveau de l’enveloppe dédiée par les autorités tunisiennes aux séjours des Tunisiens à l’étranger, «l’outgoing», de 25 ou 30 millions de dinars et jugée très insuffisante par les professionnels tunisiens des agences de voyages.

Cette décision regrettable de GTA, même si elle était attendue, va engendrer des difficultés supplémentaires chez les agences de voyage en Tunisie et met surtout à nue les difficultés grandissantes de la Tunisie au niveau de ses paiements en devises.

La faute au déficit commercial

Avec un déficit commercial qui s’est aggravé, à fin novembre 2017, pour se situer à 14,4 milliards de dinars, soit l’équivalent de 5,8 de milliards de dollars contre 11,6 milliards de dinars (4,7 milliards USD) durant la même période en 2016, le gouvernement tunisien a décidé de freiner le rythme des importations.

En effet, la Banque centrale de Tunisie a fixé une liste de produits jugés non-essentiels à l’importation ainsi que d’autres mesures visant à réduire l’impact de ce déficit sur l’économie tunisienne.

L’aggravation du déficit commercial survient suite à une augmentation des exportations tunisiennes de 17,3% en 2017 (contre 4,5% durant la même période de l’année 2016) et une hausse des importations de 19,2% (contre 4,3% durant la même période de l’année 2016).

Les ressources en devises de la Tunisie proviennent essentiellement, outre des emprunts, du produit des exportations, des rapatriements des Tunisiens résidents à l’étranger et de la recette du secteur du tourisme.

Pour le secteur du tourisme tunisien, les recettes en devises se sont nettement détériorées depuis 2010 avec la régression des marchés traditionnels. L’augmentation des arrivées des Algériens et des Libyens est rarement suivie d’encaissements en devises car c’est plutôt sur le marché parallèle que l’on procède aux opérations de change des monnaies algériennes et libyennes.

Seulement 2,5 milliards de dinars de recettes touristiques

Pour 2017, nous restons encore loin des réalisations en devises qui avaient atteint les 3,8 milliards de dinars tunisiens enregistrée en 2010. Les attentes pour 2018 se situent au niveau des 2,5 milliards de dinars en 2018.

Aussi, eu égard à la réduction de la part des marchés européens dans les entrées touristiques globales qui passent de 55% en 2010 à 34% en 2018, à l’effondrement de la valeur du dinar tunisien, à la part importante du marché local, du marché algérien et du marché libyen -qui ne règlent pas en devises-, les recettes globales en devises du tourisme tunisien ont fondu comme neige au soleil et ne contribueront malheureusement pas à soulager le déficit de la balance des paiements.

La segmentation des entrées des non-résidents reste une priorité à revoir pour rééquilibrer les données du secteur du tourisme et les mettre en phase avec les besoins du pays, sachant que ce secteur a été promu moyennant des emprunts contractés par la Tunisie auprès d’institutions financières étrangères, pour être un secteur pourvoyeur de développement, d’emplois et de devises pour le pays.

Attention à l’Open Sky…

Pour sa part, l’Open Sky risque de ne pas être neutre au niveau du déficit de la balance commerciale. Avec l’Open Sky, toute réduction de la part de marché du pavillon tunisien se traduira immédiatement par une baisse des entrées en devises et une aggravation équivalente du déficit de la balance commerciale.

Les Tunisiens résidents en Tunisie (la plupart d’entre eux) ne pourront pas profiter de l’éventuelle arrivée des low cost car ils n’ont pas de comptes en devises ni de cartes pour régler leurs réservations. Ceux qui pourront le faire paieront en devises (essentiellement au black) contribueront ainsi à l’aggravation du déficit de la balance des paiements, car les Ryanair, Easyjet et autres compagnies ne voudront jamais ouvrir leurs réservations pour être payées en dinars tunisiens.

Maintenant qu’un coup de vice a été donné par le gouvernement Chahed pour le séjour des Tunisiens à l’étranger («outgoing») et qui a conduit GTA à suspendre son activité dans le pays, nous allons voir si la même rigueur va être appliquée au niveau des départs pour les voyages religieux de la Omra et du Hajj. En tout cas, rien ne l’en empêche car même la religion dit que ces voyages sont à faire par ceux qui en ont les moyens (Men Istatâa Ilyehi Sabila)!

Un dernier clin d’œil à la FTAV (Fédération tunisienne des agences de voyage). Je vous ai bien demandé de consacrer autant d’efforts pour les agences réceptives et leurs partenaires implantés à l’étranger qu’aux agences locales qui font les voyages religieux en outgoing. Même si je reconnais que c’est plus difficile de faire venir des étrangers en Tunisie qui paient en devises que d’en faire partir des Tunisiens en exportant des devises, il n’en restera pas moins que si nous ne faisons pas venir de devises il n’y en aura pas suffisamment pour financer l’outgoing.

Hakim Tounsi