Nouvelle Tunisie, nouvelle vision économique, mais hélas déficit d’image à l’international. Comment dès lors passer de la “black-list“ à la “short-list“? La seule ingénierie des réformes y suffira-t-elle? Nécessaire mais pas suffisant.

Le TIF –pour Tunisia Investment Forum- cherche à capitaliser sur la réussite de Tunisia 2020, tenue exactement une année plus tôt. Avec plus de 250 participants étrangers, TIF entend surfer sur la vague de reprise de partenariats extérieurs, du public et du privé, suscitée en novembre 2016. On a la faiblesse de croire que le forum actuel, qui se tient les 8 et 9 courant, a créé un pic d’audience sur la scène internationale. On est en droit d’espérer qu’il va accentuer l’effet d’appel de la Tunisie à l’adresse des IDE.

Revenir dans la partie

L’objectif pour la sixième édition du TIF est de permettre au pays de revenir dans les radars des investisseurs, après s’en être éclipsée ou se retrouver reléguée vers le bas du tableau. Naguère premier risque financier du Continent africain, élève modèle et compétitif, de destination courue, la Tunisie se retrouve “destination occultée“.

Mais le pire n’est jamais certain et en dépit de tous les cartons rouges exhibés par les agences de rating, le pays refait surface, et à la VI édition du TIF, on a joué à guichet fermé. Il y a comme un sursaut de notoriété qui se soit produit.

Injustement frustrée d’IDE, la Tunisie a pu reconstituer des avantages comparatifs consistants. A présent, elle tente par tous les moyens de les monnayer afin de faire repartir l’économie. Et l’un des principaux moteurs de propulsion de la croissance, ce sont les IDE. Elle est à la peine de voir qu’elle a été injustement désertée, après avoir été chouchoutée. Cependant, en se mettant à la bourre, elle mesure le handicap de son déficit d’image. Elle se dit qu’à multiplier les success stories, elle augmenterait le nombre des prescripteurs en faveur du site Tunisie. Bien vu. Mais en aucune façon cela ne peut tenir lieu de politique d’attraction des IDE.

L’ingénierie des réformes

Le pays récolte aujourd’hui l’effet en retour de sa transition démocratique. Elle a été longue à ficeler, son parcours a été chaotique, mais le pays a fini la course par la plus illustre des récompenses, le Prix NOBEL !

Malgré la poussé d’extrémisme, la Tunisie prouve qu’elle n’est pas un champ de radicalisme. Ni d’ordre politique ni d’ordre syndical. Quelle que soit l’intensité des revendications, celles-ci ne débouchent jamais sur une impasse. Beau trait de distinction d’apparaître dans la peau d’un pays qui ne manque pas de résolution. Qu’est-ce que vous en dites?

Et à présent, une dynamique de transformation a fini par se mettre en place. Il est vrai que les choses se hâtent lentement et que les Tunisiens ne se sont jamais montrés comme des urgentistes de la réforme. N’empêche, l’inflexion a bel et bien eu lieu. Les tabous ont été levés. Tout est remis en question. Une ambiance de cogito s’empare de l’espace public. Tout se dit. Il est interdit d’interdire.

Et sans être violents à la besogne, les Tunisiens ne se sont pas montrés moins laborieux et le train des réformes est lancé. Certes l’Etat providence nous a plongés dans un certain fatalisme étatique, mais les choses se remuent et les Tunisiens s’éveillent à la nécessité de finaliser une ingénierie des réformes. Et c’est à l’aune du degré de réussite des réformes, et c’est ce qui fera leur profilage de partenaire à l’international.

En état de refondation PPP

Le hasard fait bien les choses. Le chef du gouvernement a donné le coup d’envoi du TIF avec un différé par rapport au programme pour avoir pris part, en compagnie du chef de l’Etat ainsi que du président de l’ARP, à l’inauguration de l’année judiciaire. Il exploitera, avec une maturité politique consommée, cet épisode pour rappeler, en guise de bienvenue aux hôtes du pays, que la Tunisie vit à l’ère de l’indépendance de la Justice et des libertés publiques. L’option irréversible pour l’Etat de droit oblige la Tunisie dans ses relations avec ses partenaires. Et c’est là un gage inestimable pour les investisseurs internationaux.

Le chef du gouvernement prenait date pour l’achèvement de la refondation de l’Etat et, par-dessus tout, pour la débureaucratisation de l’administration. Youssef Chahed s’est engagé sur des objectifs précis, concrets et chiffrés. C’est une physionomie totalement transformée, Smart, tout à fait dans l’air du XXIème siècle, innovante, et tournée vers l’avenir, que la Tunisie devra exhiber, à l’achèvement du plan de 2020.

Dans ce sillage, l’Etat se profile comme un partenaire sécurisé et sécurisant, et le PPP sera son arme fatale dans les grands chantiers d’avenir. Le protocole national veut un Etat dans le standard européen.

La cure de jouvence doit nous mener vers un déficit de 3%, un taux d’endettement de 60% du PIB. On retrouve là les critères du plan de stabilité de Maastricht.

La cure de jouvence des finances publiques, le plan d’inclusion de la croissance, la lutte contre la corruption, les réformes tous azimuts, Youssef Chahed a fini par tout mettre sur la table. Cela n’a pas manqué de donner une profondeur à sa vision et une lisibilité à son plan d’action.

Bien entendu, en s’engageant au concret, le chef du gouvernement prend un banco, celui de l’obligation de résultat. Ce faisant, il a pris un rendez-vous avec l’histoire. Désormais, sa carrière politique en dépendra.

Une société en logique de transformation

Le tableau exhaustif présenté par Youssef Chahed comporte, toutefois, un certain nombre de non-dits. Les investisseurs sont des agents capricieux. La morale populaire dit que l’argent est poltron. Et ce que redoutent les investisseurs est l’instabilité sociale. En la matière, le pays n’a pas encore gagné la bataille de la flexisécurité. Et c’est un marqueur attractif des IDE, et Youssef Chahed doit finaliser cette avancée dans le droit du travail.

De même, la stabilité de la devise nationale est déterminante. Les IDE se laissent inhiber par la volatilité et le risque de change qui s’ensuit. Et la réforme du code des changes n’est pas encore engagée.

Il y a cependant ce cadeau de l’égalité dans l’héritage, ce marqueur incontournable de l’égalité entre hommes et femmes, qui nous procurera un saut décisif et définitif d’émancipation. Mais en l’occurrence il peut se reposer sur le chef de l’Etat qui en fait son baroud d’honneur de tous les honneurs et la marche de gloire par laquelle, en toute vraisemblance, il pourrait clôturer son mandat, signant son entrée par la grande porte dans l’histoire de la Tunisie. Une Tunisie humaniste. Quel panache !

Une Tunisie reconnaissante

La VIème édition du TIF a été un podium de succès pour un peloton de sept entreprises étrangères, implantées en Tunisie, qui se sont distinguées dans leur parcours par des plans d’expansion audacieux. Les success stories sont du meilleur effet pour le site tunisien. Ces entreprises récompensées seront de précieux prescripteurs pour la Tunisie. Elles donneront un coup de fouet à l’effet d’appel que le pays cherche à exercer sur les investisseurs internationaux. Il n’y a pas de doute, c’est du bon marketing.

Toutefois, ses retombées restent aléatoires. Plus efficace que le marketing, on trouve le lobbying. Le pays est en situation de faire des ciblages précis de ses partenaires. Engagée sur la voie de la mise à niveau de sa chaîne logistique, et étant en marche vers un nouveau modèle économique et social avec l’ambition de se river au plus haut les chaînes de valeur, la Tunisie peut solliciter les partenariats structurants.

Peut-on faire l’impasse sur la construction automobile? Qu’un constructeur mondial prenne ses quartiers en Tunisie et voilà tout l’amont équipementier qui accourt. La place de Tunis ne peut-elle devenir un marché régional de la dette? Et dans cette perspective, la convertibilité du dinar sera un jeu d’enfant. Qu’INTEL se délocalise et c’est le pays qui aura une étiquette IT confirmée à l’international. Et alors, la Tunisie ne sera pas qu’un simple site attractif mais bien “The place to be“ et là réside un véritable challenge.

A bon entendeur…