En pleine expansion depuis une bonne dizaine d’années, le secteur des Technologies de l’information et de la communication (TIC) est, a priori, l’un des rares en Tunisie à pouvoir tirer profit de l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA), en cours de négociation entre la Tunisie et l’Union européenne. Mais est-ce certain ?

Pour répondre à cette question, Solidar Tunisie, une organisation non gouvernementale (ONG) présidée par Lobna Jeribi, ex-députée de l’Assemblée nationale constituante (ANC), a lancé une étude sur ce secteur, confiée à Fatma Marrakchi Charfi, professeure d’économie.

En 2015, les technologies de l’information ont réalisé un chiffre d’affaires de 4,5 milliards de dinars, représentant 6% du produit intérieur brut –contre 2,5% en 2002.

Autre paramètre illustrant le boom de ce secteur au cours des quinze dernières années, le nombre de ses employés a doublé entre 2002 et 2014, dépassant la barre des 35.000.

Les points forts du secteur des TIC en Tunisie

Jugé porteur par l’étude, c’est-à-dire prêt «à affronter la concurrence internationale» et à «tirer profit d’une plus grande ouverture sur le marché étranger d’une manière générale et sur le marché européen plus spécifiquement», le secteur des TIC a trois points forts:

  • de faibles salaires «comparativement aux pays de l’Union européenne» (mais pas à l’Inde qui «reste un redoutable concurrent»),
  • une bonne formation des ingénieurs tunisiens,
  • l’existence de technopoles informatiques et de pépinières d’entreprises fort utiles pour l’industrie du logiciel.

Selon l’étude, la Tunisie possède un avantage comparatif dans le Business Process Outsourcing (BPO), c’est-à-dire l’externalisation des process métiers «représentant l’activité à valeur ajoutée faible de l’offshore, dont principalement les centres d’appel».

Les points faibles…

Le secteur des TIC a également d’autres faiblesses. D’abord, la Tunisie est «bien en deçà de la moyenne mondiale» quant à l’importance de ce secteur dans les services, note l’étude. De surcroît, elle se positionne sur les secteurs traditionnels. En effet, les TIC se réduisent souvent au secteur des télécommunications, de la poste et des centres d’appel.

Ensuite, la plupart des entreprises des TIC sont de petite taille. D’après un rapport de la Banque mondiale, 80% ont moins de 50 employés. Ce qui, révèle l’étude, et pour cette raison, détourne d’elles les entreprises publiques, principal donneur d’ordre dans ce secteur, qui «hésitent beaucoup à s’adresser à un fournisseur local».

Quid des menaces…

Ces faiblesses exposent le secteur des TIC à des menaces découlant de la conclusion par la Tunisie d’un ALECA avec l’Union européenne. La première de ces menaces est la disparition pure et simple de tout ou partie des entreprises tunisiennes du secteur des TIC «incapables de soutenir la concurrence internationale des grandes firmes étrangères ». L’autre menace réside, selon Fatma Marrakchi Charfi, dans «les limitations de l’offre européenne, au moins dans la partie qui concerne l’investissement et qui interdit aux parties d’exiger un transfert de technologie, d’atteindre un niveau ou un pourcentage donné du contenu national, de recruter un nombre ou un pourcentage donné de ses ressortissants et d’atteindre un niveau donné de recherche-développement sur son territoire».

Pour minimiser ou éliminer ces menaces, la Tunisie –qui «exporte pas moins de 1.000 ingénieurs informaticiens par an vers l’Europe»- demande une «participation» de l’Union européenne à la formation de ces ingénieurs exportés «qui coûte cher au contribuable tunisien (plus de 50.000 dinars par ingénieurs).

Cette «participation» prendrait plusieurs formes :

  • accréditation des institutions européennes ;
  • aide financière pour augmenter la capacité de formation des écoles d’ingénieurs tunisiennes ;
  • délocalisation des crédits-impôt recherche pour permettre aux entreprises tunisiennes des TIC un meilleur et plus grand accès aux financements de la Recherche & Développement ;
  • mise en œuvre du principe du traitement national quant à l’ouverture du marché européen aux entreprises tunisiennes et à l’assouplissement des lois européennes sur l’acquisition de sociétés européennes –qui «sont plus contraignantes pour un tunisien que pour un européen»- ;
  • octroi à tous les travailleurs des sociétés des TIC de visas avec permis de travail pour 4 ans.

Lire aussi: ALECA : Les dix commandements de Solidar Tunisie et de Global Progressive Forum