Plus connue sous sa marque commerciale “AGIL“, la Société nationale de distribution des pétroles (SNDP) -distributeur public de produits pétroliers et gaziers (GPL), tout comme le reste des grandes entreprises publiques, est confrontée à un double dilemme.

Le premier consiste en son devoir de fournir un service public avec le risque de subir les effets négatifs de lourdes créances auprès de ses clients publics (plus de 400 MDT auprès des seules de entreprises de transport) et celui d’assurer ses équilibres financiers (garantie d’un seuil viable de rentabilité), et ce en optant pour des partenariats multiformes pour la commercialisation de ses produits à des prix compétitifs.

Le second relève des pistes proposées pour développer son activité dans le futur. La SNDP-AGIL est appelée, de nos jours, à opter soit pour l’association à un partenaire stratégique à même de l’aider à se déployer à l’international, soit pour une ouverture de son capital en Bourse, fût-elle partielle.

Priorité pour le partenaire stratégique

Le PDG de la société, Nabil Smida, semble privilégier l’option d’un partenariat stratégique. Elle est même prioritaire selon ses dires. S’exprimant dans une interview accordée à nos confères de L’Economiste Maghrébin, Nabil Smida pense que l’association avec un partenaire stratégique serait à même de permettre, entre autres, de réaliser les grandes ambitions qu’il nourrit à l’endroit de “SNDP-AGIl”: faire de cette entreprise publique une success story voire “un champion à l’international”.

Son idée est de faire de la SNDP une société capable de vendre à l’étranger, d’exporter son know how et expertises reconnus internationalement et de ramener au pays de précieuses devises.

“La SNDP, forte de ses ressources humaines et techniques, est capable de relever le défi, d’être une entreprise qui peut s’exporter et exporter la marque AGIL à travers le monde”, a-t-il affirmé.

A cette fin, il compte s’inspirer du parcours accompli avec brio par le groupe français Total et le groupe italien ENI, lesquels groupes, avant d’être des multinationales présentes partout dans le monde, étaient, au départ, de simples entreprises nationales. “Une de nos ambitions, c’est d’être effectivement présent sur le marché mondial, que ce soit en Afrique ou dans d’autres zones. On essayera de l’expérimenter graduellement. En tout cas, on est animé par cette volonté de développer à l’export nos produits dont les lubrifiants”. Puis d’ajouter: “C’est pourquoi l’association à un partenaire stratégique ou l’établissement de partenariats avec plusieurs entreprises d’envergure internationale peuvent nous aider à êttre présents à l’international et à nous développer en dehors du pays”.

Empressons-nous de signaler ici que cette option pour la recherche d’un partenaire stratégique n’est pas nouvelle. Cette question s’est déjà posée depuis plusieurs années, plus exactement depuis 1994. A l’époque, la SNDP avait même lancé un appel d’offres pour ce choix là, seulement; la démarche n’avait pas abouti pour des raisons non encore expliquées.

Nabil Smida a tenu toutefois à nuancer ses propos en rappelant que l’option pour le partenariat stratégique est une décision qui revient au principal actionnaire de la société, en l’occurrence l’Etat qui détient 99% du captal de la SNDP. «C’est donc à l’Etat, a-t-il-dit, de décider de ce qu’il va faire de la SNDP. C’est à l’Etat de décider de quel type d’ambition, de quel type de dimension, de quel type d’envergure, il veut donner à la SNDP».

L’introduction en Bourse n’est pas à l’ordre du jour

S’agissant d’éventualité d’un introduction en Bourse, Nabil Smida donne l’impression que dans l’ordre des priorités, il préfère opter, pour le moment pour un partenaire stratégique. Pour lui, la Bourse peut être un complément. Le message est des plus clairs : “l’introduction en Bourse n’est pas à l’ordre du jour”, a-t-il dit.

Il faut dire que cette forte communication sur les convictions profondes de la Direction générale de cette entreprise publique, généralement discrète, risque de chambarder les calculs de “prédateurs” à l’affût de tout projet de cession de cette société.

Déception probable des “prédateurs”

Pour la Bourse d’abord. Son directeur général, Bilel Sahnoun, a constamment plaidé pour l’introduction en Bourse d’entreprises publiques comme la SNDP-AGIL. Il a cru à un certain moment que la partie était gagnée dans la mesure où il comptait sur l’appui du super ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, et ministre des Finances par intérim, Mohamed Fadhel Abdelkéfi.

Ce ministre, qui était le président du Conseil d’administration de la Bourse de Tunis (2011-2014) est réputé pour être un fervent partisan de l’ouverture en Bourse du capital des entreprises publiques évoluant dans des secteurs concurrentiels.

Un triple objectif est recherché. Il s’agit de d’élargir la représentativité des secteurs sur la cote de la Bourse. Les secteurs ciblés sont, dans une première étape, les télécoms, le tourisme, l’agriculture, les mines (phosphate) et l’énergie (distribution des produits pétroliers. Il ‘agit aussi d’augmenter la capitalisation boursière et, partant, d’attirer de nouveaux investisseurs étrangers.

Moralité: Fadhel Abdelkefi doit cravacher dur pour convaincre le reste des membres du gouvernement, et surtout, le Parlement qui a tendance à observer une défiance systématique à son égard.

Les autres prédateurs dont les ambitions précitées de la SNDP ne seraient pas à leur goût sont les concurrents privés de la SNDP-AGIL. Ces derniers ne cessent de faire du lobbysme pour pousser à la libéralisation du secteur et à accéder, à terme, à une juteuse clientèle publique. Est-il besoin de rappeler que parmi les gros clients institutionnels de la SNDP figurent l’Etat, l’armée nationale, les entreprises de transport (Transtu, CTN, Tunisair,  sociétés de transport régionales, SNCFT…), de grosses entreprises énergétivores (Groupe chimique, Compagnie de phosphate de Gafsa, STEG, cimenteries…).

Ne pas confondre entreprise publique et “association caritative

Nous pensons que cette société, qui détient 25% du marché de la distribution des produits pétroliers et qui a eu à vendre par le passé à l’étranger, est en droit d’être ambitieuse et d’aller de l’avant, en priorité sur la voie de l’internationalisation et de la conquête de marchés extérieurs. Elle a les atouts nécessaires. C’est une entreprise qui crée de la valeur, ses ressources humaines, de par la spécificité et la dangerosité de leur métier, sont un gage de paix sociale…

Conséquence : ses ambitions n’engrangent que d’avantages pour la stabilité de l’emploi de son personnel et pour les caisses de l’Etat. La SNDP est avant tout une entreprise économique. Elle se soucie, constamment, de ses équilibres financiers. Elle fournit certes un service public stratégique pas toujours bien rémunéré mais elle est bien loin de l’étiquette qu’on colle, souvent, à l’entreprise publique, celle là même qui assimile cette dernière à une association caritative. Nous avons besoin d’entreprises publiques championnes. C’est à la SNDP de montrer le chemin.