La moitié de l’énergie consommée en Tunisie va pour le secteur du bâtiment (public et privé), autant en aval, c’est-à-dire dans l’industrie, qu’en amont, c’est-à-dire dans les locaux proprement dits. Une vaste économie d’énergie est à portée de main.

La Commission européenne a retenu la Tunisie comme pays pilote, sur la rive sud de la Méditerranée, pour aider à la réalisation du programme d’efficacité économique dans l’ensemble du secteur du bâtiment. Un groupe de trois autres pays pilotes en Europe de l’Est, à savoir la Géorgie, l’Ukraine et la Serbie, a bénéficié d’un programme d’appui similaire à celui qui sera mis en place avec la Tunisie.

Les résultats ont été probants. C’est ce qu’a annoncé Katarina Mathernova, DGA de la Direction générale du programme NEAR à la Commission européenne, ce vendredi 7 avril, lors d’une conférence de presse. Elle était accompagnée pour la circonstance des représentants des 7 institutions financières dont Heinz Olbert, directeur du Voisinage et de l’élargissement à la BEI, et Remon Zakaria, directeur associé de l’efficacité énergétique et du changement climatique à la BERD. Cela vient à l’issue d’un séjour de deux jours dans la capitale tunisienne qui a servi à convenir du programme de coopération dans ce domaine.

L’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas 

Consciente de l’importance du gisement d’économie énergétique que cela pourrait rapporter à la Tunisie, Katarina Mathernova a glissé avec une pointe d’humour que “l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas“. En conséquence, la Commission européenne est décidée à s’engager à faire aboutir le programme national d’efficacité énergétique qui vise les bâtiments publics ainsi que les logements de particuliers. Cela se fera en amont, en aidant à la promotion d’investissements nouveaux dans des matériaux dédiés. De même que cela concernera, en aval, l’isolation des bâtiments publics existants que les logements privés, ainsi que les équipements ménagers.

La BEI sera chef de file du pool des financeurs

Le programme d’appui qui sera convenu entre la Tunisie et la Commission européenne sera financé par des dons de l’UE et des crédits concessionnels octroyés par un pool de 6 institutions financières dont la BEI a annoncé Heinz Olbert, directeur à la BEI, soulignant que sa banque sera le chef de file de ce pool qui comprend entre autres le FMI, la BM et la BERD.

Une partie sera servie au gouvernement tunisien sous forme de don et le reste sous forme de crédit à des conditions concessionnelles, a précisé Heinz Olbert. Ces crédits seront mis à la disposition des banques tunisiennes qui les répercuteront sur leurs clients.

S’agissant de crédits en devises, une partie du risque de change sera assumée par les institutions elles-mêmes. D’ailleurs, les investissements dans le domaine du changement climatique constitueront, à l’horizon 2020, 35% de l’ensemble des encours de crédits de la BEI et 40% pour la BERD. C’est dire qu’il s’agit d’un challenge d’avenir.

Les modes d’intervention

La partie européenne entend appuyer les efforts des industriels du bâtiment qui abondent dans ce sens. Des plans pilotes avaient été mis en place par quelques industriels en matière de cogénération (système de récupération et de production de l’énergie, in situ). La STEG a accepté de leur reprendre ce qu’ils produisent en excédent net ou en excédent partiel.

Avec ce dernier arrangement, la STEG, sur ce qu’elle récupère sur le site de cogénération, accepte de resituer une partie ou la totalité, selon les besoins sur un autre site géographiquement éloigné, pour un même groupe. Le tarif de récupération des excédents a été ajusté à la demande des industriels et le modèle tourne bien actuellement.

Toutefois, les briqueteries, si énergivores, seront-elles définitivement sacrifiées au profit de matériaux tel que le carreau de plâtre? La substitution est bien entamée, et à croire les groupes comme “Hammami et Cie“ ou l’allemand Knauf, le marché suit bien. Le plus gros restera à faire au niveau de l’isolation des bâtiments existants.

L’Etat s’engage à jouer le jeu pour les bâtiments publics. Les privés suivront-ils de manière massive? Il faut savoir que les mécanismes de financement sont disponibles auprès de beaucoup de banques de la place.

Les représentants européens soutiennent qu’il faudra des campagnes durables de sensibilisation à la question. Mais qu’il faudra aussi un peu plus de sévérité en matière de contrôle pour contraindre les opérateurs à se conformer aux lois déjà existantes.

Les municipalités ont la possibilité de sévir car elles examinent les plans avant l’octroi des permis de construire. L’autre pendant, celui des équipements, est un peu plus compliqué à contrôler. A l’heure actuelle, 80% des climatiseurs ménagers sont vendus sur le marché parallèle. Alors que le pays n’autorise plus que les classes de basse consommation électrique, soit 1, 2 et 3, ceux de l’informel sont parfois des classes 7 et 8. Et la maîtrise du marché parallèle ne nous semble pas pour demain.