Les PME tunisiennes font face à une crise financière à un moment où le nouveau gouvernement s’attelle à rassembler des fonds de part et d’autre tant pour stabiliser l’économie nationale. Toutefois, Moez Joudi économiste et président de l’Association Tunisienne de Gouvernance (ATG) a déploré un manque de confiance des PME en les programmes de soutien du gouvernement.

D’après vous, ce manque de confiance bloque-t-il les activités des entreprises?

La confiance est à la base de toute activité économique et de toute relance. Aujourd’hui, la confiance a quasi disparu en Tunisie! Conjugué à un manque de visibilité, les opérateurs sont devenus frileux et n’osent plus entreprendre. Il faut donc rétablir cette confiance à travers une meilleure stabilité et visibilité. Le gouvernement doit se doter d’un plan d’action clair et définitif. Le rythme des réformes doit s’accélérer et des objectifs chiffrés doivent être fixés. La confiance vient aussi par la conviction, la perception, l’adhésion à une vision, à une stratégie, à une démarche claire. Le gouvernement doit aller dans ce sens et ne plus perdre le temps dans les querelles politiques, insipides et contre productives.

Les entreprises sont-elles réactives aux instruments d’aide du gouvernement ?

Il faut que le gouvernement puisse communiquer davantage sur les instruments mis en place. Il doit savoir les valoriser et les vulgariser en même temps pour les rendre plus accessibles et pertinents. Aujourd’hui, beaucoup de PME ignorent les programmes d’aide et d’accompagnement qui sont prévus ou décidés par l’Etat. Généralement, l’information passe mal et nombre de chefs de PME croient que ce genre de programmes va bénéficier à une poignée de “privilégiés”. Il s’ensuit un phénomène de désaccord cognitif qui crée des malentendus et handicape la réussite de ce genre d’initiatives. Un effort de plus sur la communication et la vulgarisation est donc demandé pour mieux percevoir la réaction des acteurs sur le terrain.

Quelles relations entre les PME et les institutions financières?

C’est au cas par cas. Il y a des PME qui gèrent bien leur trésorerie, ont des modèles de gestion et de développement viables et présentent des garanties et du potentiel. Celles là n’ont pas beaucoup de problèmes avec les établissements financiers. Sinon, il y en a d’autres qui affichent des décalages de trésorerie et un besoin fréquent de financement. Celles là, malgré leurs problèmes, arrivent à trouver toujours des instruments d’accompagnement et des solutions. Sauf pour les cas de baisse d’activité chronique, de manque conséquent de revenus et d’absence de potentiel. Pour ces dernières, les difficultés se font ressentir et les rapports avec les établissements financiers sont généralement tendus.

Quelles sont les solutions à adopter par les PME tunisiennes pour faire face à la crise financière nationale et internationale?

Les PME constituent le cœur du tissu économique tunisien. Ce sont des entités économiques à taille humaine, dynamique et souple dans leur gestion. En même temps, les PME investissent, créent de l’emploi, produisent et exportent pour un bon nombre. Toutefois, ces firmes restent vulnérables au niveau de leur financement et de leur trésorerie. Aujourd’hui, il est important pour les PME d’intégrer de nouvelles structures de capital avec la diversité des acteurs financiers. Ainsi, il n’y a plus que la banque qui finance, il y a aussi les marchés financiers, les fonds d’investissement, les Business Angel …de multiples instruments financiers qui aident les PME à faire face à toute crise et à se développer. Sans oublier également le facteur Humain qui reste primordial dans tout développement d’entreprise.

Comment voyez-vous l’avenir pour les PME tunisiennes ?

Radieux dans certains secteurs et incertain dans d’autres! En fait, dans la technologie et le numérique, je vois beaucoup de potentiel, dans les services et les énergies renouvelables. Par contre, pour le secteur industriel, il y a des retards et des pertes cumulées. Il faut des programmes de sauvetage de PME dans certaines activités notamment dans le textile.
Les politiques doivent redonner de l’espoir aux PME tunisiennes en allant vers plus de consensus, en contribuant à stabiliser le pays et en travaillant concrètement sur la mise en œuvre des réformes économiques nécessaires et sur le développement des programmes d’accompagnement et de soutien aux PME du pays. Les syndicats doivent être moins conflictuels aussi en œuvrant plus pour l’intérêt de la pérennité de l’entreprise et de sa performance durable et partenariale.