A côté de la bière, les Africains prêts à consommer plus de vin

6237446af2a5f72f163ea170513268ec5a311a38.jpg
Un stand de vins Sud-Africain au 18e salon international Vinexpo de Bordeaux, le 18 juin 2015 (Photo : JEAN-PIERRE MULLER)

[18/06/2015 12:34:34] Bordeaux (AFP) L’Afrique est un marché “en devenir” pour les vins et spiritueux, porté par la consommation croissante d’une “classe moyenne” émergente et mondialisée, analysent les professionnels du secteur, même si les taxes élevées et la corruption restent de lourds obstacles.

Les chiffres sont éloquents: la consommation de vin sur le continent africain, en pleine mutation économique, “augmente cinq fois plus vite que la consommation mondiale moyenne”, souligne une étude sur vingt-quatre pays d’Afrique subsaharienne réalisée par le cabinet britannique IWSR et présentée à Bordeaux à l’occasion du 18e salon international Vinexpo.

En 2013, les Africains ont ainsi bu 864 millions de bouteilles de vin, soit une hausse de 17,3% en cinq ans. Et les chiffres, partis de très bas, ne devraient pas cesser de grimper: une augmentation de 11% est attendue d’ici 2018.

Unanimement, les experts et les professionnels mettent ces perspectives encourageantes sur le compte d’une “classe moyenne” grandissante, dans un contexte de croissance économique soutenue (5 à 6% par an) depuis une dizaine d’années.

“De plus en plus d’Africains disposent pour la première fois de revenus disponibles” pour consommer, souligne Daniel Mettyear, auteur de l’étude. “La courbe est exponentielle, la demande est là”, confirme, depuis le terrain, Félix Kamdem, importateur camerounais, à la tête d’un réseau de distribution (Tire-bouchon) dans son pays.

Le Nigéria, pays le plus peuplé (173 millions d’habitants) avec une majorité de musulmans et première économie africaine depuis 2015, l’Afrique du Sud, à la fois productrice et consommatrice, mais aussi les pays pétroliers comme l’Angola, le Cameroun, ou encore l’Ethiopie, le Kenya et la Côte d’Ivoire, sont les plus souvent cités comme des marchés ayant un fort potentiel de croissance.

– “Alternative glamour à la bière” –

e8fc450b4c29bd2e74061603adbedd0fedd639cb.jpg
Un stand de vins Sud-Africain au 18e salon international Vinexpo de Bordeaux, le 18 juin 2015 (Photo : JEAN-PIERRE MULLER)

De nouveaux comportements urbains sont en train de naître parmi une jeunesse africaine toujours plus ouverte sur le monde: “Les jeunes se mettent à boire du vin car il est considéré comme un produit noble. Boire du vin ou des spiritueux, c’est un peu toucher à ce luxe”, résume Félix Kamdem.

“Les réseaux sociaux ont aussi une influence significative sur les jeunes consommateurs africains”, constate Miguel Chan, chef sommelier du groupe hôtelier sud-africain Tsogo Sun Hotels, qui relève le succès de “master class” consacrées au vin dans son pays. Il souligne aussi l’importance des applications dédiées sur téléphone mobile qui permettent de gommer l’aspect “intimidant” du vin pour ces nouveaux consommateurs qui “n’ont jamais été élevés dans la culture du vin”.

Parmi les tendances de consommation, les vins effervescents, “alternative glamour à la bière”, connaissent un beau succès, en particulier au Nigéria, constate Daniel Mettyear. Les “sweet rosés” sont également très demandés en Afrique du Sud, indique Miguel Chan. Les goûts se portent aussi vers les blancs aromatiques (sauvignon blanc, chardonnay) et les “juicy red” (rouges fruités) comme les merlot.

Mais plus encore que le vin, les spiritueux – whisky en tête, mais aussi brandy et cognac – connaissent une progression rapide (+13% entre 2010 et 2014, contre 3% pour le vin toutes catégories confondues).

“Que le marché africain soit un marché d’avenir pour le cognac, c’est sûr!”, prédit Hervé Bache-Gabrielsen, président d’une PME charentaise, qui dit agir “en poisson-pilote” sur le marché africain, en parallèle aux grands groupes (Hennessy, Courvoisier, Pernod Ricard) tournés depuis quelques années déjà vers le continent.

Corollaire à la croissance économique, les investissements étrangers affluent et avec eux de nouvelles populations. “L’Afrique est aussi devenue une terre de Chinois qui sont très consommateurs de cognac”, relève Hervé Bache-Gabrielsen.

Même constat pour le Bordelais Castel, quatrième groupe viticole mondial et spécialiste de la distribution de bières en Afrique. Produisant depuis 2013 du vin en Ethiopie (90 millions d’habitants), il vise la “consommation locale, dont les nombreux étrangers” sur place, selon Franck Crouzet, directeur de la communication.

Très disparate, le marché africain reste toutefois loin derrière le marché chinois, dernier eldorado récemment conquis. Les fortes taxes d’importation, les tracasseries douanières, la corruption sont des freins majeurs, soulignent les professionnels. Sans parler de la faiblesse des infrastructures pour “maintenir la chaîne du froid” et les difficultés pour trouver de “solides distributeurs”.

Mais aucun marché n’étant encore arrivé à “maturité” en Afrique, “les opportunités sont considérables”, conclut Daniel Mettyear.