La force du dollar contrarie une économie américaine florissante

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âlir les pays européens, mais reste nuisible pour les industries qui exportent, moins compétitives (Photo : Philippe Huguen)

[19/03/2015 17:45:49] New York (AFP) De l’industrie aux matières premières, les Etats-Unis se préoccupent de la force du dollar, désormais presque remonté au niveau de l’euro, même si sa hausse reflète les solides bases de l’économie américaine.

“Certains industriels ont commencé à m’en parler fin novembre”, rapporte Chad Moutray, économiste pour l’Association nationale des industriels (NAM), fédération américaine du secteur. “Je discutais avec des membres de notre comité directeur, et ils se demandaient en quoi la force du dollar pourrait les affecter.”

L’envolée du dollar, qui a commencé l’été dernier pour s’accélérer fin février, est certes un symptôme de la solidité de l’économie américaine, dont les chiffres de croissance et de l’emploi font pâlir les pays européens.

Toutefois, “le fait est qu’un dollar fort, c’est nuisible”, juge Nariman Behravesh, économiste en chef du cabinet IHS.

“C’est nuisible pour les industries qui exportent”, moins compétitives, “et c’est nuisible pour les multinationales qui gagnent beaucoup d’argent hors des Etats-Unis”, et pâtissent du taux de change en rapatriant leurs bénéfices, précise-t-il.

Janet Yellen, présidente de la Réserve fédérale (Fed), qui a largement contribué à l’appréciation du billet vert en laissant entrevoir un prochain resserrement monétaire, a elle-même reconnu mercredi que la force du dollar serait un “poids”.

C’est en janvier, avec la saison des résultats trimestriels d’entreprises, que les inquiétudes “ont gagné en ampleur”, note M. Moutray, de la NAM.

Cas typique, le groupe américain Procter & Gamble, qui vend des produits mondialement reconnaissables comme les rasoirs Gillette ou les couches-culottes Pampers, a alors fait état d’un chiffre d’affaires en nette baisse à cause de la conversion en dollars de ses résultats à l’étranger. Depuis, le titre du groupe a perdu environ 10% en Bourse.

Le phénomène a dominé cette saison de résultats et affecté des groupes aussi différents que DuPont, dans la chimie, Microsoft, dans l’informatique, ou Caterpillar, spécialiste des engins de construction. Pour beaucoup d’entre eux, ce ne sont pas tant les résultats qui ont inquiété que leur pessimisme pour 2015.

– Des porcs au pétrole –

Au-delà des grandes entreprises cotées en Bourse, l’inquiétude touche l’ensemble des secteurs reposant sur les exportations, comme l’agriculture.

Comme pour l’industrie, “c’est au cours des quatre derniers mois que les préoccupations sont apparues”, note Richard Pottorff, économiste chez Doane, un cabinet d’études du secteur.

“En se renforçant, le dollar rend nos exportations plus coûteuses, et cela à un effet particulièrement important sur le blé et le coton, dont la moitié ou presque des récoltes sont vendues à l’étranger”, précise-t-il.

Les éleveurs sont aussi exposés, en premier lieu ceux de porcs, dont près d’un quart de la production américaine est exportée. Les acheteurs risquent de se tourner vers les trois autres grands producteurs, l’Union européenne – donc la zone euro -, le Canada et le Brésil, dont les devises ont toutes baissé face au billet vert, notamment le réal.

Autre type de matière première, les prix de l’or noir souffrent de la force du dollar, à un moment déjà difficile pour les producteurs américains de pétrole de schiste, confrontés à une guerre des prix plus ou moins déclarée de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), dominée par l’Arabie saoudite.

Tous les échanges pétroliers se font en monnaie américaine, donc “si le dollar se renforce, cela veut dire qu’il faut plus d’argent pour acheter un baril de brut” et que l’investissement est encore moins attirant “sur un marché qui est surtout sous la pression d’une offre excessive”, rappelle Jeff Mower, responsable aux Etats-Unis du cabinet Platts, spécialiste dans les prix de l’énergie.

Reste que, même si la force du dollar commence à s’installer comme un “vent contraire” sur des pans entiers de l’économie américaine, les esprits restent calmes, d’autant que les exportations représentent à peine plus de 10% du PIB, contre la moitié de celui de l’Allemagne.

“Les industriels continuent à être plutôt optimistes sur l’économie et les perspectives de leurs propres entreprises”, commente M. Moutray, de la NAM. “Si vous prenez du recul et que vous vous demandez pourquoi on en est là, les signes positifs sont toujours présents et l’économie américaine va bien”.