Le FMI replonge dans le casse-tête ukrainien

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exprime au Forum de Davos le 22 janvier 2015 (Photo : Fabrice Coffrini)

[24/01/2015 11:22:31] Washington (AFP) Le FMI est loin d’en avoir fini avec l’Ukraine: un nouveau plan d’aide à Kiev, plus long et plus massif, est en discussion et s’annonce hautement risqué pour l’institution, à l’heure où le pays s’enfonce dans la guerre.

Appelé à la rescousse en avril, le Fonds monétaire international avait octroyé à Kiev une ligne de crédit de 17 milliards de dollars sur deux ans, qui s’est révélée insuffisante avant même d’avoir été entièrement déboursée.

“Ce plan était fondé sur des hypothèses économiques et politiques irréalistes et n’a pas assez pris en compte l’impact de la guerre dans l’Est qui a décimé l’économie ukrainienne”, indique à l’AFP Lubomir Mitov, expert de la région à l’IIF, le lobby bancaire international.

De nouveau sollicité cette semaine par les autorités ukrainiennes, le Fonds doit désormais échafauder un nouveau programme de prêts qui sera plus étendu dans le temps (entre 3 et 4 ans) et, sans doute, davantage doté financièrement.

“C’est une décision risquée mais nécessaire pour donner un peu d’air aux autorités”, assure à l’AFP Domenico Lombardi, ancien membre du conseil d’administration du FMI.

D’âpres discussions sont actuellement en cours sur le montant final et des propositions concrètes sont attendues à la fin du mois. De l’aveu même du FMI, 15 milliards de dollars sont nécessaires sur la seule année 2015.

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ésident ukrainien Petro Porochenko au Forum économique mondial de Davos le 21 janvier 2015 (Photo : Fabrice Coffrini)

Asphyxiée par la perte de ses poumons industriels à l’est, l’Ukraine espère que des “ressources supplémentaires” lui permettront de renouer avec la croissance économique”, a affirmé mercredi la ministre ukrainienne des Finances Natalia Jaresko.

– Territoire inconnu –

Le défi s’annonce donc immense pour le pays mais également pour le FMI, dont ce serait le 4e plan à l’Ukraine en moins de 10 ans.

Par nature, le Fonds intervient dans les pays en crise financière, en Argentine à la fin des années 90 ou plus récemment en Grèce. Mais il se prépare aujourd’hui à remettre la main à la poche dans un pays à genoux économiquement et déchiré par neuf mois de conflit avec les séparatistes pro-russes.

“Le FMI entre en territoire inconnu parce qu’il n’a, au moins récemment, jamais soutenu un pays en guerre avec une assistance financière massive”, estime M. Lombardi.

L’institution s’est certes engagée en Irak en 2004, peu après l’invasion américaine, ou en 2001 pendant la guerre civile au Sri Lanka, mais sans doute jamais dans une situation aussi explosive qu’en Ukraine.

“Jusqu’à ce que la guerre civile soit finie, le FMI n’est absolument pas la bonne institution pour être à la pointe de l’aide financière à l’Ukraine” et doit renoncer “à sa tendance compulsive à vouloir +être visible+”, affirme à l’AFP Peter Doyle, qui a claqué la porte du Fonds en 2012.

En plus de la situation sécuritaire, l’institution doit également composer avec un endettement ukrainien massif, dépassant 73% de son produit intérieur brut et alimentant des doutes sur la solvabilité du pays. Une restructuration de dette n’est désormais plus exclue.

L’équipe du FMI à Kiev “discutera de ce sujet et d’autres” avec les autorités, a lâché jeudi William Murray, porte-parole du Fonds.

L’équation n’est pas simple. Une renégociation réduirait les besoins de financement du pays mais elle pourrait, selon M. Mitov, “faire fuir les investisseurs étrangers pendant longtemps” et priver durablement le pays d’un accès aux marchés.

Les besoins de financement sont pourtant dantesques. Selon l’IIF, le pays aura besoin de 50 milliards de dollars d’ici 2018 et le FMI peine encore à convaincre la communauté internationale de s’engager davantage financièrement.

Le Fonds devrait avoir moins du mal à faire approuver un nouveau plan d’aide ukrainien par ses 188 Etats-membres.

Son principal actionnaire, les Etats-Unis, veut éviter l’effondrement de Kiev, qui pourrait profiter à Moscou, tandis que la Russie elle-même n’y a aucun intérêt, étant un des premiers créanciers du pays avec une dette évaluée à 16 milliards de dollars.

Le consensus n’est toutefois pas total. Minoritaire au sein du FMI, le Brésil a fait entendre une voix légèrement dissonante en disant craindre que l?institution ne répète en Ukraine les “mêmes erreurs” qu’en Grèce.