Au Venezuela, l’hyperinflation menace

98c1f581faa9fd3c235b9f0fccf27eee8207ae66.jpg
une hausse continue des prix (Photo : Karen Bleier)

[06/12/2014 09:46:48] Caracas (AFP) Au Venezuela, le tarif du BigMac a doublé en un an, illustration d’une hausse continue des prix, notamment ceux des aliments et des médicaments, qui fait ressurgir le spectre de l’hyperinflation dans ce pays disposant des plus importantes réserves de pétrole au monde.

La Banque centrale ne diffuse plus depuis trois mois les chiffres de l’inflation (elle s’établissait à 63,4% par an fin août, parmi les plus élevées au monde) mais les Vénézuéliens sentent leurs bolivares partir en fumée chaque jour un peu plus dans une économie totalement dépendante de ses importations.

Exemple ? En septembre 2013, le fameux hamburger accompagné de frites et d’un soda, très apprécié au pays de la “révolution bolivarienne”, coûtait 125 bolivares. En novembre 2014, il s’affichait à 245 bolivares.

Et si ce sandwich n’a pas disparu des comptoirs, ce n’est pas le cas de nombreux produits alimentaires, qui disparaissent des étals parfois durant des mois.

Sous couvert d’anonymat, une employée de cette célèbre chaîne de restauration rapide nord-américaine a raconté à l’AFP que “pratiquement chaque mois, nous changeons la carte et nous augmentons les prix. C’est cette année que nous l’avons fait le plus souvent”.

“En novembre, un salaire permettait d’acheter 13% de produits de moins qu’il y a 12 mois”, affirme à l’AFP Henkel Garcia, directeur du cabinet Econométrica.

Selon lui, l’inflation entre septembre et décembre pourrait flirter avec les 5% par mois, un pronostic formulé par de nombreux autres économistes.

Parallèlement à l’augmentation des prix, la pénurie de devises, qui se prolonge depuis maintenant deux ans et ne risque pas de s’améliorer à court terme avec la chute continue des revenus pétroliers, a asphyxié la production nationale.

– Course au dollar –

Un cocktail qui explique pourquoi les Vénézuéliens ont de plus en plus de difficultés à se procurer du lait, de la farine, du déodorant, des médicaments, du papier hygiénique, des rasoirs, du produit vaisselle ou des pièces détachées automobile. Entre autres.

Cette poussée inflationniste a contraint le gouvernement du président socialiste Nicolas Maduro à augmenter le salaire minimum six fois depuis 2013, et celui-ci est actuellement supérieur de 64% à son niveau du début de l’année.

Avec des taux d’intérêt pour les dépôts bancaires sept fois inférieurs à l’inflation, les Vénézuéliens se dépêchent de dépenser leurs salaires, alimentant à leur tour les pénuries. Dans ce contexte, le seul refuge est l’achat de dollars au marché noir.

Mais la course aux billets verts dans un pays soumis depuis 2003 à un sévère contrôle des changes alors que se tarit le flux de devises pétrolières se révèle de plus en plus onéreuse: en novembre, le dollar parallèle s?échangeait à 150 bolivares, contre 40 en début d’année, et 6,3 au marché officiel.

Cela provient notamment de la dégringolade des prix du pétrole, qui constitue 96% des ressources en devises du Venezuela, le baril de brut ayant perdu un tiers de sa valeur au deuxième semestre 2014.

“La détérioration des anticipations de taux de change, en raison de la chute du pétrole, se traduit généralement par des pressions sur le dollar. Cela contraint le gouvernement à réduire l’accès aux devises et les gens à se tourner vers le marché parallèle”, explique l’économiste Pedro Palma à l’AFP.

“Cela génère une très grande incertitude” et incite à aligner les prix sur les coûts du marché parallèle, alimentant encore le cercle vicieux de l’inflation, ajoute-t-il.

D’après José Guerra, ancien responsable de la Banque centrale, cet organisme étudie la possibilité de ne plus diffuser publiquement les chiffres de l’inflation mais de ne les communiquer que “sur sollicitation directe” et après examen de la pertinence de la requête.

Seulement, avertit Pedro Palma, occulter les statistiques augmente la méfiance envers la monnaie locale et nourrit à son tour les risques d’hyperinflation.

Pour Henkel Garcia, “le risque d’hyperinflation va gagner du terrain si les troubles monétaires se poursuivent ou prennent de l’ampleur, s’il y a une chute brutale de l’offre (de devises) ou en cas de perte de confiance dans la monnaie (locale)”.

Et dernier facteur de risque: la possibilité que le gouvernement, en prévision des élections législatives de 2015, fasse chauffer la planche à billets.