Californie : le démantèlement de la “Jungle” révèle des inégalités criantes

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é, alors que des habitations autour de lui sont démantelées, le 4 décembre 2014 (Photo : Josh Edelson)

[05/12/2014 09:00:47] San José (Etats-Unis) (AFP) On l’appelle “La Jungle”. C’est un campement de sans-abris à San José, au coeur de l?opulente Silicon Valley. La municipalité a commencé jeudi à le démanteler, dénonçant violences et risques sanitaires, mais ses habitants affirment qu’ils n’ont nulle part où aller.

Depuis le petit matin, sous un fin crachin, quelques dizaines d’hommes en combinaison blanche, casque rouge et bottes en plastiques démontent les abris de fortune, des pelleteuses ramassent des tas de détritus.

Des policiers vont de tente en tente et demandent aux gens de ramasser leurs affaires et partir. Des hommes et femmes poussent des caddies vers les rues avoisinantes et attendent sans savoir où aller, parfois avec leurs animaux de compagnie. Faute de mieux, une jeune femme avale un bol de nouilles instantanées, assise sur le trottoir.

“On était comme une grande famille, on prenait soin les uns des autres, en particulier entre femmes célibataires. Ce qu’ils viennent de nous faire aujourd’hui, c’est comme briser une famille”, affirme, les larmes aux yeux, Yolanda Gutierrez, une résidente.

Un groupe de manifestants scandent des slogans comme “pas de justice, pas de paix” et brandissent des pancartes où l’on lit “je soutiens La Jungle” ou “Les sans-abris comptent”.

“C’est une honte, ça montre l’échec total de la politique de logement de notre ville, de la Californie et de notre pays”, dénonce Sandy Perry, avocat pour les sans-abris.

Ce bidonville, caché des regards sur les rives boisées de la rivière “Coyote Creek”, comptait 200 à 300 personnes jusqu’à aujourd’hui.

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é,le 4 décembre 2014 (Photo : Josh Edelson)

“Ce sont les rejets de la société. Votre fils qui n’arrive pas à trouver de travail, votre fille qui prend trop de drogues…”, explique Andrew Costa, qui se présente comme un ancien résident.

– Syndicat du crime –

Pour le pasteur Scott Wagers, qui dirige une association d’aide aux sans domicile fixe (SDF), l’évacuation brutale de la “Jungle”, dont beaucoup d’habitants ne seront pas relogés, ne fera que déplacer le problème.

Il y a deux ans, “il n’y avait que cinq tentes ici”, fait-il remarquer, assurant que la “Jungle” s’est étendue rapidement après l’évacuation d’un précédent camp de SDF près de l’aéroport.

Malgré la richesse de la région, siège des fleurons de la technologie comme Apple, Google ou Facebook, San José présente l’une des populations de SDF les plus élevées du pays: autour de 5.000 personnes sur un million d’habitants.

David Vossbrink, porte-parole de la ville, l’attribue à la crise financière de 2008-2009, à cause de laquelle beaucoup de gens “ont perdu leur emploi ou leur logement”, et au boom technologique de la Silicon Valley qui s’est traduit par des loyers exorbitants et une raréfaction des emplois peu qualifiés.

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émantèlement de leur habitation de fortune dans le camp de San José le 4 décembre 2014 (Photo : Josh Edelson)

Ray Bramson, chargé des services de San José consacrés aux sans-abris, affirme que ce démantèlement était nécessaire: “il y a de plus en plus d’actes de violence et de représailles contre les sans-abris qui habitent ici, et avec ce temps pluvieux, nous sommes inquiets du risque d’inondations. Nous nous soucions de la santé et du bien-être des gens.”

Le pasteur Scott Wagers admet que la “Jungle” est un véritable “syndicat du crime gouverné par les gangs”. S’il reconnait que San José fait des efforts (200 SDF ont été relogés en 18 mois, 10 millions de dollars sont prévus sur 3 ans) il juge qu’elle s’y prend mal et néglige l’accueil à court terme des délogés.

Selon lui, il faudrait que la ville donne un terrain pour “camper légalement” ou un entrepôt pour créer un grand centre d’accueil.

Il aimerait aussi que les géants technologiques voisins, notamment Apple, à la capitalisation boursière de 677 milliards de dollars et aux 100 milliards de dollars de liquidités, mettent la main à la poche. “S’ils donnaient 100 millions, ce n’est rien pour eux, le problème serait résolu pour de bon”.