Congélation d’ovocytes : un cadeau diversement apprécié aux Etats-Unis

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entreprise. (Photo : Lionel Bonaventure)

[17/10/2014 06:48:41] Washington (AFP) Des repas gratuits, quatre mois de congé maternité, et depuis peu la congélation d’ovules: ce cadeau de Facebook à ses employées, bientôt suivi par Apple, est diversement apprécié aux Etats-Unis mais relance le débat sur le rôle des femmes dans l’entreprise.

Cette récente annonce a au moins le mérite “de rappeler que nous avons du pain sur la planche pour que le monde de l’entreprise comprenne ce qu’il faut faire” pour les femmes, explique à l’AFP Carolyn Leighton, qui a fondé Witi, un réseau rassemblant les femmes travaillant dans la technologie.

L’idée de payer le traitement pour congeler les ovocytes – ce qui permet ainsi d’avoir des enfants plus tard – “est ridicule”, ajoute la dirigeante: “mon téléphone n’arrête pas de sonner et les femmes de dire qu’elles se sentent insultées”.

“C’est un moyen de botter en touche sur le vrai débat, à savoir: à travail égal salaire égal”, estime-t-elle, en rappelant qu’aux Etats-Unis, une femme touche 77 cents quand un homme empoche un dollar.

Tel n’était pas apparemment le but de Facebook, connu comme toutes les entreprises de la Silicon Valley pour ses idées novatrices en matière de gestion du personnel, en offrant de couvrir les frais d’une congélation d’ovocytes jusqu’à 20.000 dollars.

“Nous prenons en charge tous nos employés et les gens qui comptent pour eux”, affirme un porte-parole de la direction en énumérant les avantages qu’offre la compagnie de Mark Zuckerberg en matière de couverture santé, largement payée par l’employeur aux Etats-Unis.

Il peut s’agir des traitements contre l’infertilité, de la couverture des frais de mères porteuses pour les couples homosexuels ou de banque du sperme, qui s’ajoutent aux trois repas quotidiens gratuits, aux soins médicaux sur place ou aux services de lavage des vêtements.

– Un congé maternité ‘généreux’ –

“Nous n’offrons pas des avantages aux femmes. Nous offrons des avantages aux gens qui travaillent chez Facebook”, assure la porte-parole en insistant sur le caractère “généreux” du congé maternité de quatre mois offert par l’entreprise, rare aux Etats-Unis.

Apple, qui paiera lui aussi à partir de janvier prochain, a fait savoir dans un communiqué qu’il voulait donner à ses employées “le pouvoir de rendre leurs vies productives, alors qu’elles s’occupent de leurs proches et élèvent leurs enfants”.

En fait, “cela veut dire: +On veut que les femmes chez Apple passent plus de temps à travailler pour nous sans être dérangées par une famille+”, s’insurge dans un éditorial publié jeudi dans le Huffington Post Jessica Cussins, chercheuse dans une association de réflexion sur les techniques reproductives.

Au contraire, écrit sur le site Slate Chavi Eve Karkowsky, obstétricienne à New York, “de nombreuses études montrent que les femmes veulent retarder une naissance pour deux raisons: la stabilité financière et la disponibilité d’un conjoint adéquat. A mon avis, c’est ce dernier facteur qui crée la demande de congélation d’ovocytes”, dit-elle.

D’autant que la procédure, au départ utilisée par les personnes atteintes de cancer, n’est pas bénigne et ses résultats incertains.

Le débat a une fois de plus ravivé la polémique sur la place des femmes dans l’entreprise, qui resurgit régulièrement dans le pays du Women’s Lib, le mouvement de libération des femmes.

Il y a une semaine, le directeur général de Microsoft, Satya Nadella, a dû platement s’excuser après avoir conseillé aux femmes de se fier à leur “karma” plutôt que de demander une augmentation de salaire.

La directrice d’exploitation de Facebook, Sheryl Sandberg, avait en 2013 publié un livre qui avait fait couler beaucoup d’encre, “Lean In” (“Bougez-vous”), présenté comme un manifeste féministe moderne dans lequel elle exhortait les femmes à “se bouger” pour réussir le grand écart entre vie professionnelle et familiale.

Selon le centre de réflexion progressiste Center for American Progress, 50,8% de la population américaine est féminine et les femmes comptent pour 47% dans les effectifs du monde du travail, mais elles ne représentent que 16,6% des dirigeantes et 8,1% des postes les mieux payés.