La Tunisie, l’Egypte et les «travaux pharaoniques» de Sissi

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peut ne pas aimer Abdelfattah Sissi, ni sa manière d’avoir mis la main sur le
pouvoir en Egypte à la faveur d’élections arrangées en tout point pour remettre
le pays sous la fêlure de l’armée comme c’est le cas depuis un certain 23
juillet 1952.

On peut également critiquer la manière dont beaucoup d‘Egyptiens se sont rangés
de son côté tout en comprenant leur peur bleue de voir la confrérie des «Frères
Musulmans» s’emparer du pays et en faire un nouveau Irak ou, pire, un
Afghanistan sur les rives du Nil.

Cependant, le général Sissi, avec un trésor d’ingéniosité bien conseillé, avance
par petites touches pour corriger la situation en tout point catastrophique de
l’Egypte. Il détient presque tous les pouvoirs en attendant les législatives où
il s’arrangera pour faire élire une bonne majorité obéissante.

Ainsi, il a lancé le Fonds «Tahia Misr» et il a enjoint aux principaux hommes
d’affaires du pays qu’il s’est arrangé pour inviter et filmer en direct de
verser une contribution immédiate à ce fonds destiné à épauler le budget du pays
en mauvaise position. Personne ne s’est dérobé évidement et les contributions
pleuvent par milliard de livres.

Evidement il y a parmi ces hommes d’affaires de gens tout a fait honnêtes qui
payaient leurs impôts et s’acquitter de leur dû à la nation. Mais il y avait
aussi des voyous qui ne payent rien du tout et qui s’arrangent pour évacuer leur
argent en Suisse et ailleurs.

Il a capitalisé toute la sympathie bien intéressée des Saoudiens pour ramasser
un joli pactole de pétrodollars avoisinant les 20 milliard de dollars, et il
continue de faire les yeux doux à Riyad et à Abou Dhabi en se rendant cette
semaine à la Omra pour parfaire l’image du musulman modéré en lutte contre les
fanatiques.

En butte à la réticence déboussolée d’une diplomatie américaine ne sachant où se
mettre après la catastrophe de Mohamed Morsi, Sissi, avant même d’être investi
président, prend son avion et atterrit à Moscou où Poutine l’accueille à bras
ouverts en évoquant les relations séculaires de l’URSS… En rappel au geste de
Nasser s’en allant cueillir les armes tchèques quand l’Amérique lui a tourné le
dos en 1954!

Dans sa lutte sans merci avec les «Frères», il a été tout a fait clair et sans
merci et il continue sur sa lancée. Evidemment, les «frères» et leurs partisans
ne laissent aucune occasion passer sans se déchainer, et leur terrorisme, bien
que lourd de pertes pour le pays, ne perturbe pas outre mesure le général. Il a
compris, rapidement, les liens entre certains jihadistes et le Hamas à Gaza et
il leur a ouvertement déclaré la guerre avant la dernière opération du Tsahal.
Cependant, il a également su rapidement revenir à plus de pragmatisme et il a su
se faire accepter par le Hamas en tant que médiateur principal avec Israël.

Sur le plan économique, il est allé déterrer des études d’un projet vieux de
plus de 20 ans, l’élargissement et le doublement du Canal de Suez! Dans la
droite ligne d’une pensée keynésienne bien ancrée et en se rappelant du New Deal
du président Roosevelt après le crash de 1929 aux USA, les grands travaux
pharaoniques annoncés dans le projet du Canal jouent sur plusieurs cordes.

Ils entretiennent l’image de marque du président rénovateur et bâtisseur (on
compare le projet au Barrage d’Assouan de Nasser encore une fois), et ils
permettront, selon les prévisions, de créer plus d’un million d’emplois, comme
ils vont changer la donne au Sinaï où sévissent les jihadistes. Ceci sans
compter le coup de fouet pour l’économie et le budget de l’Etat.

Tous ces travaux posent aujourd’hui une question centrale non seulement pour
l’Egypte et son avenir mais également chez nous en Tunisie où nous devons
soutenir et faire réussir un autre projet en tout point contraire à la démarche
de Sissi. Un projet démocratique qui sera le couronnement véritable du printemps
déclenché en plein hiver de Sidi Bouzid en décembre 2011.