Opinion : La Cour constitutionnelle internationale, la dernière lubie de Marzouki

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m-marzouki-politik-680.jpgUne lubie est un caprice extravagant, une fantaisie soudaine, proclame le dictionnaire Larousse. Le président provisoire tunisien, Moncef Marzouki, a réuni cette semaine chez lui au palais de Carthage la deuxième conférence internationale du projet de Cour constitutionnelle internationale. Des juristes et des hauts responsables d’institutions juridiques à caractère international ont été rassemblés au frais de la princesse pour examiner cette lubie présidentielle. Avec au premier rang Ali Ben Fetiss El-Marri, le procureur général du Qatar -le principal allié d’Ennahdha et de Marzouki par ricochet.

Le Qatari n’a pas été du reste présenté sous sa fonction nationale mais comme membre de la Commission des Nations unies du Droit international pour mieux noyer le poisson. Mais point de grosses pointures du droit constitutionnel dans le monde, de la carrure d’un Maurice Duverger, l’un des éminents spécialistes de cette discipline.

Dans son discours, Marzouki ne nous apprend rien de nouveau sauf que le moteur de recherche Google enregistre des milliers de textes où le terme CCI est évoqué dans les trois langues (arabe, français et anglais). La belle affaire.

La CCI, une lubie de Marzouki et pas de la Tunisie

Puis pour mieux nous montrer que c’est sa lubie en propre, il nous rappelle que c’est sous le coup de la colère contre l’ancien régime qu’il avait écrit un texte dans «Libération» pour appeler à la création de la CCI à laquelle il consacrera un chapitre d’un de ses livres. Et puis encore! Aussitôt, il nous dit, se prenant pour la Tunisie, que désormais cette lubie n’est pas uniquement la sienne mais celle de la Tunisie. Lui, pourtant, n’est qu’un président provisoire choisi par une Troïka déjà morte de sa belle mort après avoir été élue à la faveur du scrutin de liste avec les plus grands restes. Ce sont d’ailleurs ces restes, 7.000 voix, qui lui ont permis d’accéder à Carthage. Si déjà il se prend pour la Tunisie, on est en droit de se demander si c’est bien de la mégalomanie, un délire de grandeur bien sûr pathologique. «L’Etat c’est moi», une formule lapidaire attribuée au Roi Soleil, Louis XIV, en 1655, alors qu’il avait à peine 27 ans. Les historiens n’ont pas trouvé trace de cette citation. Mais quand bien même il l’aurait dite, il était en droit de le faire puisqu’il était un monarque absolu. Elle ne lui avait pas porté chance puisque son petit-fils, Louis XVI -parce qu’il se croyait l’Etat sinon au-dessus de lui- a été décapité par la Révolution du 14 juillet 1789.

Le Tunisien n’a rien à faire de CCI…

Mais quel bénéfice tirerait la Tunisie de l’établissement de cette Cour internationale si jamais un jour elle serait fondée? Réaliste, Marzouki estime que c’est dans 40 à 50 ans qu’elle verrait le jour. Rien absolument rien. Empêtré dans des problèmes de survie, c’est un luxe superflu que d’évoquer devant le Tunisien qui n’arrive plus à boucler son mois un sujet dont il n’a que faire!

Il ne faut pas être grand juriste pour estimer qu’un tel projet n’a aucune chance de voir le jour. Car ce ne sont pas tous les Etats qui disposent d’un organisme ou d’une institution chargé de juger de la constitutionnalité de la loi. Certains l’appellent conseil -et est formé de politiques qui changent avec les majorités gouvernementales-, d’autres ont créé des cours ou des tribunaux constitutionnels dont les membres sont tous des spécialistes en droit et précisément en droit constitutionnel. D’autres encore, à l’image des Etats-Unis, n’ont pas éprouvé le besoin de créer une institution spécifique, la Cour Suprême étant habilitée à être saisie en dernier ressort de toutes les questions se rapportant aux lois y compris à la constitutionnalité de celles-ci.

Marzouki comme Ben Ali…

Marzouki a fait le parallèle entre son idée et la Cour pénale internationale (CPI), mais il oublie de dire que plus de 70 Etas dans le monde n’en font pas partie et non des moindres. D’abord les Etas-Unis d’Amérique, la Russie et la Chine, tous trois membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Dans notre voisinage, ni l’Algérie ni le Maroc ni la Libye n’en sont membres ainsi que la plupart des Etas arabes, à l’exception de la Tunisie et de la Jordanie.

Cette lubie marzoukienne ne vous rappelle rien? Ben Ali, vers la fin de son règne, avait proposé la création d’un Fonds international de solidarité à l’image du Fonds tunisien connu sous le chiffre 2626. Il avait mis dans l’embarras la communauté internationale qui dispose d’outils sérieux pour montrer la solidarité des Etas entre eux. Par courtoisie, l’idée a été retenue pour être enterrée aussitôt.

Serait-ce le sort réservé à la lubie marzoukienne?