Tunisie – Environnement : Jradou est loin d’être fini

Par : TAP

traitement_dechet_jjadou.jpgLe
litige concernant la fermeture du centre de traitement des déchets industriels
et spéciaux de Jradou, qui oppose les habitants du village riverain de cette
localité de Zaghouan à l’Agence nationale de gestion des déchets (ANGED), semble
encore loin d’être terminé.

La Cour d’appel de Nabeul a décidé, le 3 juin, de reporter l’audience au 30
septembre 2014, selon l’avocat des citoyens de Jradou, Kamel El Eir, qui s’est
exprimé pour la première fois devant les médias, en dénonçant beaucoup de
dépassements dans cette affaire, devenue un casse-tête pour les responsables des
structures sous tutelle du département de l’Environnement.

Après la prochaine audience en septembre, le Tribunal de première Instance
tranchera ce litige qui dure depuis la révolution et qui risque de perdurer
encore et d’engendrer des catastrophes en absence d’alternatives pour le
traitement des déchets industriels et dangereux dans le pays, dont la production
annuelle est estimée à 150.000 tonnes, avec une croissance de 10% par an.

L’avocat des habitants de Jradou (village de 3.000 personnes) a déclaré, le 4
juin 2014, lors d’un séminaire organisé par l’association “SOS BIAA” sur les
“enjeux environnementaux en Tunisie”, que “le centre restera fermé en attendant
la décision de la justice. La société franco-allemande “Nelson”, qui exploitait
pour le compte de l’ANGED le centre, a été indemnisée après la résiliation de
son contrat, le 19 mars 2013″.

Cette manifestation a été une tribune qui a permis aux citoyens de présenter des
témoignages émouvants sur les impacts de la pollution sur leur vie quotidienne
et sur les catastrophes écologiques, dont le nombre ne cesse de croitre depuis
la révolution, faute de contrôle et de volonté ferme de mettre fin aux
infractions et aux atteintes à l’environnement.

M. El Eir, l’avocat des citoyens de Jradou est revenu, dans son intervention,
sur la création du centre qu’il a qualifiée de “louche”, affirmant que
l’établissement, inauguré en 2009, a été crée malgré le refus des citoyens et
sans aucune autorisation d’ordre juridique ou sanitaire et même sans aucun
permis concernant la conversion de la vocation du terrain sur lequel il a été
bâti. Ce centre était initialement programmé à Bouficha (gouvernorat de Sousse).

Il a aussi, évoqué “des pratiques illégales et des tentatives de rouvrir le
centre, en ayant recours à la force”. De son côté, l’ANGED insiste sur la
relance des activités de l’établissement “à travers un consensus avec la
population riveraine, moyennant la réhabilitation des installations et la
réparation des défaillances”.

Refus catégorique des citoyens de rouvrir le centre

Des représentants des habitants de Jradou ont affirmé lors du séminaire de SOS
BIAA qu'”il est impossible de tolérer sa réouverture”.

Les habitants du village vont continuer, d’après eux, de réclamer non seulement
la fermeture pure et simple du Centre, mais aussi sa délocalisation ou sa
conversion à d’autres activités de développement.

L’ingénieur et chercheur, Houcine Ben Abdelaziz, originaire de Jradou, l’un de
leurs porte-parole, est catégorique à ce propos: “il n’est pas question de
rouvrir le site qui est situé à 600 mètres de l’école primaire où vont nos
enfants et à 200 mètres de trois grandes carrières, utilisant des dynamites”,
a-t-il lancé.

“Il y aura toujours, des risques de fissures et d’accidents qui pourraient faire
des victimes”, a enchaîné un autre citoyen.

S’agissant de l’aspect technique et du choix du site d’installation du centre de
Jradou, El Eir, a affirmé que le centre est aménagé sur “une terre argileuse et
en pente” et que les défaillances détectées par les experts dans les bassins
d’eau usées, pourraient, causer l’infiltration de matières toxiques et nocives
dans la nappe phréatique”.

Une leçon à tirer…

D’après certains intervenants à ce séminaire, l’impasse à laquelle est arrivée
cette affaire, n’est que la conséquence de l’attitude des décideurs et des
responsables des organismes en charge de l’environnement, qui ne se sont pas
souciés de faire participer les citoyens à la prise de décision concernant
l’aménagement de sites de traitement de déchets, ni d’évaluer l’impact
socio-environnemental de certains projets d’envergure.

Des citoyens ont indiqué, à ce sujet, qu’il est temps d’opter pour d’autres
approches participatives et d’autres stratégies qui prennent en compte les
effets sociaux et environnementaux, sur la population.

S’il avait été conçu selon les standards internationaux, le projet de Jradou
aurait garanti à la Tunisie, une croissance industrielle qui respecte les
exigences écologiques. Mais, cet objectif, s’avère selon les habitants de Jradou,
loin de se concrétiser, car des polluants très dangereux auraient été dissimulés
dans les déchets enfouis et entreposés dans le centre qui s’étend sur une
superficie de 87 hectares. Pis encore, des fissures ont été détectées par les
experts, notamment, au niveau des bassins de collecte des eaux toxiques…