Maghreb : Maroc – Tunisie, les effets économiques des printemps arabes

Par : Tallel


tunisie_maroc-24052014.jpgDans
son rapport “Maroc et Tunisie: des chemins divergents depuis le Printemps
arabe”, l’agence de notation Fitch analyse les économies des deux pays qui ont
adopté deux modes de transition démocratique différents. Le choix tunisien s’est
avéré très coûteux.

L’agence note que “depuis le démarrage du Printemps arabe en janvier 2011, la
notation financière de la Tunisie (BB-/perspective négative) a été abaissée de 4
crans au total. En revanche, ajoute Fitch, la notation du Maroc (BBB-/Stable)
est restée inchangée”.

L’étude tente d’expliciter comment ces évolutions ont pu avoir lieu selon le
mode de transition politique choisi dans chacun des pays et son impact sur les
performances économiques.

Politique, économie, finances

Avant 2011, note Fitch, un seul cran séparait les notations des deux pays,
ceux-ci ayant bénéficié d’une croissance importante pendant les années 2000 due
au tourisme et aux secteurs manufacturiers exportateurs. “Les deux pays sont
exposés à la conjoncture de la zone euro et la stabilité sociale et politique a
prévalu avant le Printemps arabe”.

Dans le cas de la Tunisie, Fitch rappelle les mouvements de protestations
populaires permanents souvent marqués par la violence et l’instabilité politique
illustrée par le passage de 4 premiers ministres en 3 ans à la tête du
gouvernement. “Cela a miné la confiance dans l’économie et dans la capacité du
pays à se réformer et à financer son double déficit”.

A Rabat, “la transition du Maroc vers un système politique plus ouvert s’est
faite en douceur”, citant la nouvelle Constitution de 2011 “qui donne plus de
pouvoirs au Parlement élu”. “Les élections qui ont suivi, ajoute Fitch, ont
amené au pouvoir une coalition dominée par le Parti de la Justice et du
Développement et une stabilité politique qui a permis aux autorités de mettre en
œuvre des réformes difficiles” illustrées par le dossier des subventions aux
produits énergétiques.

La transition politique au Maroc a été facilitée “par une tradition de
pluralisme politique, la permanence de la monarchie (avec le Roi Mohammed VI
perçu comme un réformateur et légitime parmi la population) et des réformes
économiques et sociales qui ont débuté à l’accession du Roi au trône en 1999”.

Fitch note que le PIB non-agricole marocain, donc industriel et tertiaire, a cru
de plus de 4%/an en moyenne depuis 2011, excepté en 2013, la stabilité ayant
permis de soutenir les arrivées de touristes (10 millions en 2013) et
d’investissements étrangers.

En Tunisie, le PIB s’est contracté année après année et se situe encore
en-dessous de la tendance des années d’avant la révolution. Les investissements
étrangers ont reculé et l’inflation a ajouté à l’instabilité. Le PIB
non-agricole tunisien s’est contracté de 1,9% en 2011. Les arrivées de
touristes, 6 millions en 2013, restent inférieures au chiffre de 2010 avec 7
millions de visiteurs enregistrés.

Cependant, la hausse des prix de l’énergie et la faible croissance économique
dans la zone euro ont contribué à une détérioration des comptes publics dans les
deux pays.

Au Maroc la détérioration a été plus sévère avant de commencer à se réduire en
2013 (5,4% du PIB de déficit budgétaire et 7,5% de déficit des comptes courants)
grâce notamment à une réforme fiscale, la bonne performance des nouveaux
secteurs exportateurs et des prix de l’énergie moins élevés.

En Tunisie, étant donné la sévérité des défis à relever, les déficits (6,5% et
8,4% respectivement) ne commenceront à se résorber qu’en 2014, prévoit Fitch.

Un soutien extérieur important

Les deux pays ont bénéficié de prêts et d’aides publics et privés et bénéficient
du soutien du FMI. Au Maroc, la ligne de précaution monétaire et de liquidités
de 6,2 milliards de dollars, soit 6% du PNB est un élément-clé de l’agenda des
réformes, “mais les autorités n’entendent pas l’utiliser”.

Tunis, note Fitch, a tiré sur sa ligne de 1,8 milliard de dollars (4% du PNB) et
a activé des garanties japonaises et américaines pour émettre des obligations.

Les facteurs structurels sont une faiblesse importante dans les deux pays note
Fitch qui ajoute que “la Tunisie est plus développée que le Maroc, comme reflété
par le revenu per capita plus important et de meilleurs index Doing Business et
de développement humain”, des éléments qui expliquent que malgré les troubles
politiques et l’instabilité vécue par la Tunisie celle-ci disposait de
“réserves” pour pouvoir rebondir ou du moins en a le potentiel. Mais la
fragilité des banques publiques tunisiennes est notée.

La qualité des actifs bancaires tunisiens est faible et le secteur a besoin
d’une recapitalisation estimée à 3% du PIB. Au Maroc, les banques sont restées
relativement solides malgré les pressions de ces dernières années.

Les indicateurs structurels du Maroc et de la Tunisie, dont le PIB per capita,
la facilité pour entreprendre (Doing Business Index), l’index de la gouvernance
de la Banque mondiale et l’index de développement humain des Nations unies sont
conformes avec les médians “BB” et bien plus faibles que les médians “BBB”. Le
chômage se situe à 15% en Tunisie et à 9% au Maroc et constitue un dossier
social clé.

Une dynamique positive à confirmer

Fitch conclut sur la dynamique de la notation financière au Maroc et en Tunisie
pour indiquer que celle-ci va dépendre de leur capacité à réduire les déficits.
“Une assistance internationale forte soutient les notations”, ne manque pas de
rappeler l’agence britannique.

S’agissant des perspectives à moyen et long termes, “la rigueur fiscale et
budgétaire figure dans le haut de l’agenda politique, et constitue une condition
du soutien du FMI”. A moyen terme, la dynamique de la notation financière en
Tunisie et au Maroc va dépendre de manière cruciale de la capacité de ces pays à
reconstituer des marges et des réserves pour pouvoir faire face à d’éventuels
chocs. La diversification des partenaires économiques sera un élément clé.

Au Maroc, l’actuelle appréciation de perspective stable anticipe une
réduction progressive des déficits jumeaux soutenue par des réformes continues.
La poursuite possible du soutien du FMI après l’expiration de l’actuel programme
en août 2014 doit pouvoir soutenir la politique de réformes juge Fitch.

Une croissance rapide du PIB soutenue par les investissements directs étrangers,
la modernisation de l’agriculture et le développement de nouveaux secteurs dans
les services et l’industrie serait appréciée positivement. En revanche, une
croissance plus faible que prévu et/ou un engagement moins déterminé sur les
réformes serait apprécié négativement.

Pour la Tunisie, l’actuelle appréciation de perspective négative reflète
l’incertitude sur la transition politique malgré l’adoption de la constitution,
et les faiblesses économiques. La notation tunisienne bénéficiera du déroulement
d’élections paisibles et un engagement public à long terme pour mener à bien les
réformes et reconstruire les marges et les capacités budgétaires du pays. La
recapitalisation et la restructuration des banques publiques seront appréciées
positivement.

A moyen terme souligne Fitch, un changement politique vers un régime
démocratique stable a le potentiel de pousser la notation du pays à la hausse.
Une plus grande légitimité du gouvernement, moins de corruption et de rentes de
situation par devraient aussi accroître la résilience du pays aux chocs
économiques et autres, juge l’agence financière britannique.

Source : medias24.com


http://www.medias24.com/ECONOMIE/ECONOMIE/11800-Maroc-et-Tunisie-les-effets-economiques-des-printemps-arabes.html