Tunisie – Economie : La Troïka et sa “dette odieuse“

finances-165032014cf5.jpgLa
transition s’est accompagnée d’une gestion calamiteuse des finances publiques.
Au mépris de l’investissement, on a financé la consommation, faisant vivre le
pays à crédit. La Troïka, pour avoir duré le plus longtemps que prévu, assume la
plus grosse part de ce passif périlleux.

Comment lui faire endosser sa responsabilité?

Le bilan des finances publiques sur les trois dernières années s’est soldé par
un dérapage abyssal. Une gestion désastreuse, loin de tous repères de
planification. Et puis, il y a eu cette déconfiture du plan de Go&stop. Un coup
de starter, qui a mal tourné.

Les comptes de la nation se trouvent plombés et pour longtemps,
ajouterions-nous. Au final, les politiques budgétaires interventionnistes nous
ont coûté une ardoise de 25 milliards de dinars de dette supplémentaire. Toute
cette manne partie en fumée, quel gâchis. Adieu croissance inclusive et
équilibre régional. Adieu investissement public. Outre ce lest d’une dette
accablante, on découvre un déficit budgétaire dissimulé. Lui aussi colossal.
Pour l’exercice en cours, on est proche de 12 milliards de dinars que des 7,5
prévus dans la loi de finances de 2014 du gouvernement Laareydh.

En trois ans de transition avec plus de deux ans de gouvernement de Troïka, le
pays a réussi l’exploit de manger le capital, mettant ses comptes publics dans
le rouge.

Une politique budgétaire hasardeuse

Les caisses de l’Etat sont désespérément vides. Le taux d’endettement culmine
autour de 50% du PIB. Avec une solvabilité saturée et un rating spéculatif, le
pays verra son budget constamment sous tension. Si l’option expansionniste était
de rigueur, l’allocation des ressources était mal répartie.

Geste inconscient ou comportement prémédité? On peut pardonner aux deux premiers
gouvernements post-révolution, à savoir celui de Mohamed Ghannouchi ainsi que
celui de Béji Caïd Essebsi, leurs écarts, parce qu’ils agissaient sous la
tyrannie de l’urgence. Et après tout, il s’agissait de gouvernement de fortune,
qui se sont trouvés dans l’œil du cyclone révolutionnaire, avec pour seule
consigne de maintenir le pays la tête hors de l’eau.

Mais la Troïka ne peut bénéficier de ce préjugé favorable. Sa politique
budgétaire a été élaborée dans un environnement apaisé. Elle a donc été mûrement
réfléchie. Elle ne peut se défausser de ses choix sur aucune partie.

La Troïka a la responsabilité de la loi de finances complémentaire de 2012, et
des deux lois successives de 2013 et de 2014. Dans la première, elle a détourné
les rentrées des biens confisqués de l’investissement vers les dépenses de
fonctionnement. Dans la seconde, elle a recruté des fonctionnaires en masse,
boostant artificiellement le PIB et gonflé démesurément le taux de croissance
malgré les mises en garde du FMI. Dans la troisième, elle n’a pas calculé le
déficit à sa juste valeur. Et dans les trois cas, elle s’est illustrée par un
ralentissement incompréhensible des engagements des investissements publics.

Or, rappelons-nous que Houssine Dimassi a quitté le navire parce qu’il trouvait
que le gouvernement de la Troïka favorisait les priorités partisanes sur les
priorités nationales. Par conséquent, au sujet de la maldonne budgétaire, la
Troïka peut-elle plaider l’incompétence? Dès lors, on peut lui faire endosser
son passif et lui demander des comptes.

L’investissement pris dans un redoutable effet de ciseaux

Les choix budgétaires de la Troïka ont des retombées incalculables. Ils inhibent
le pouvoir économique de l’Etat. Avec des finances publiques engourdies, l’outil
budgétaire n’aura plus de répondant car tétanisé par un endettement obéré. Le
budget se trouve menacé d’étouffement, si on y ajoute le déficit des entreprises
publiques. Celles-ci, faut-il le rappeler, croulent sous le poids du
déséquilibre financier.

Par ailleurs, 40% du PIB, faits dans l’informel, filent au nez et à la barbe de
l’Etat. Il faut y ajouter les 2 milliards de dinars de contrebande, selon les
statistiques de la douane.

De ce fait, le cadre budgétaire se trouve totalement désarticulé. D’un côté, des
charges qui explosent, et, faute croissance, des ressources qui plafonnent. De
l’autre, un secteur informel qui saigne le secteur organisé sans en payer la
contrepartie à l’Etat. Entre les deux, l’investissement public se trouve
cisaillé à la base.

Demander des comptes à la Troïka

La Troïka a fait des choix budgétaires hautement périlleux qui font courir un
risque d’insolvabilité à l’Etat. Elle a opté pour une voie hautement risquée et
qui a été disqualifiée au grand jour. En 2009, les stratégies de sortie de crise
choisies par les USA et la France ont été opposées publiquement: le président
Obama a contracté de la dette publique pour indemniser les épargnants spoliés
par la crise des subprimes de 2008; le président Nicolas Sarkozy a désavoué
cette méthode et a alloué les crédits pour le financement des investissements
publics. L’emprunt avait donc en contrepartie un actif réel. Cela se tient.

Trois ans plus tard, l’Amérique a payé la prodigalité de son président par un
“shut down“ d’une semaine et une alerte rouge du risque de défaut.

Le bourbier des finances publiques, majoritairement imputable au gouvernement de
la Troïka, hypothèque la stabilité de l’économie. Cela devient un problème
d’intérêt national.

L’avantage en démocratie est qu’on peut demander des comptes à la Troïka sans
que celle-ci puisse crier à l’injustice. L’ère de la victimisation est révolue.
Alors, l’heure de vérité a-t-elle sonné?

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