Tunisie – Economie : Mehdi Jomaâ devrait auditer la situation économique et financière à fin 2013


mehdi-1801254dc54d.jpgToute la détermination des ambassadeurs et ambassadrices de bonne volonté ainsi que celle des Messagers de la paix des Nations unies ne suffiraient pas à désamorcer les mines anti-personnel dont certaines âmes bien «intentionnées» ont jalonné la voie dans laquelle compte s’engager Mehdi Jomaâ. Le futur Premier ministre, qui planche depuis plus d’une semaine sur la composition d’un gouvernement digne d’une Tunisie 3 fois millénaire..

A commencer par un virage à 180° quant aux positions et dispositions prises dans le cadre de la loi des finances 2014. Soit les nouvelles taxes sur les véhicules dont l’honneur de l’abrogation est revenu à Ali Larayedh, chef du gouvernement sortant, et le gel des augmentations de prix sur le carburant dont le mérite est revenu cette fois-ci à Elyès Fakhfakh, ministre des Finances très controversé, partant fort
heureusement.

C’est à qui mieux, mieux! Que Mehdi Jomaâ hérite d’une situation économique catastrophique ou d’un budget d’Etat hypothétique, n’inquiète pas outre mesure ses prédécesseurs lesquels continuent dans leur logique populiste jusqu’au bout, l’air de dire après nous le déluge… Par malheur, lorsque le déluge s’abat sur un pays, il n’épargne personne…

Le futur chef du gouvernement hérite d’un pays démoli par trois années de querelles, de mensonges et d’incompétence à tous les niveaux. Il ne devrait pas aujourd’hui perdre de vue les enjeux importants aussi bien politiques et électoraux que socio-économiques.

À ce propos, les experts économiques estiment qu’il devrait peut-être procéder à un audit financier et surtout budgétaire par un bureau spécialisé ou une commission de techniciens neutres. Après tout, la centrale patronale a subi toutes ces mesures justifiées par un besoin de s’assurer de sa transparence et sa bonne gestion financière, pourquoi pas les gouvernements successifs tant que nous y sommes?

Pourquoi un audit ?

Pour les experts consultés à ce propos, l’audit servirait à définir
les priorités du nouveau gouvernement, délimiter les marges de
manœuvre dont il dispose et lesquelles, reconnaissons-le, sont
pratiquement chimériques, pour agir dans le temps qui lui est imparti.

Un audit représente également l’un des attributs de la neutralité et de l’objectivité dont doit se prévaloir le gouvernement qui sera en exercice au vu non seulement de l’agenda politique mais surtout socio-économique.

Un sondage publié tout récemment par l’IRI place en haut des priorités des Tunisiens l’emploi suivi de la cherté de la vie. Leur dernier souci est la Constitution, ce qu’elle inclut et ce qu’elle offre aux générations futures. C’est dire à quel point le populisme politique a été porteur. La prétendue révolution aurait eu lieu, outre le problème du chômage, pour des idéaux de liberté et de démocratie. Et voilà qu’aujourd’hui, ces idéaux sont pour nombre de Tunisiens quantité négligeable face à plus important: travailler et satisfaire aux besoins vitaux.

Le rôle du nouveau gouvernement ne devrait pas, par conséquent, se limiter à réparer les dégâts causés par ses prédécesseurs et organiser les élections. Il s’agit tout d’abord d’éclairer l’opinion publique sur les actions des gouvernements à sensibilités différentes qui se sont relayés sur le pouvoir depuis 2011 et qui comptent se présenter aux prochaines élections.

Mieux encore, il doit user d’un langage franc et sincère avec les Tunisiens évitant les fausses promesses, la division (al fitna) ou encore les discours dépassés dans le temps et l’espace, tels ceux de Hamma Hammami. Lequel, faute de défendre la culture du travail et sa valeur se complait dans la stigmatisation de ceux qui ont réussi leurs vies et s’acharne sur les catégories sociales bien nanties. Il omet au passage de parler de ceux qui se sont construits par la sueur du front et au prix d’heures interminables de travail sacrifiant au passage leurs vies de famille.

Normal pour quelqu’un qui n’a jamais travaillé… ou peu travaillé et qui mène un train de vie au dessus de la moyenne si ce n’est carrément privilégié si l’on en croit nos informations… Que le pays puisse traverser des moments difficiles, ce n’est pas ce qui importe le plus. Edgar Morin, directeur de recherche au CNRS en France a déclaré un jour: «A force de sacrifier l’essentiel pour l’urgent, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel».

Selon nombre de partis politiques dans notre pays, l’urgent est de se repositionner sur l’échiquier électoral, que l’essentiel soit le fait de remettre la Tunisie sur les rails importe peu…

Une situation économique et financière critique

Mehdi Jomaâ devrait établir un audit rien que pour ne pas endosser la responsabilité de ce qu’il n’a pas fait. Ses marges de manœuvre sont devenues très réduites: la Tunisie a d’abord perdu tout accès au marché financier international, la dette publique a augmenté de dix points de PIB en trois ans pour avoisiner les 50% seuil trop élevé pour un pays comme le nôtre. «Les gouvernements successifs ont utilisé 1,9 milliard de dinars des produits de la vente de 35% de Tunisie Télécom (900 MDT en 2012 et 1milliard de dinars en 2013) que le gouvernement d’avant 2011 gardait pour renforcer l’infrastructure et surtout financer la construction des autoroutes vers Gafsa, Kasserine et Kairouan. Un déficit budgétaire de 9% en 2013 et un déficit commercial de 12 milliards de dinars en 2013 -du jamais vu dans l’histoire de la Tunisie. Quant à 2014, le déficit budgétaire sera non seulement plus élevé que prévu (6,9%), mais son financement est des plus hypothétiques», estime un expert économique.

Des chiffres qui font froid dans le dos

Certains chiffres font réellement froid dans le dos: quand on sait que le déficit budgétaire a atteint, en 2013, la somme de 6,133 milliards de dinars alors qu’il était seulement de 651 MDT en 2010. Les gouvernements successifs ont utilisé pas moins de 10 milliards de dinars de devises en trois ans (4,4 provenant de l’endettement net supplémentaire, 1,3 de ponction sur les réserves en devises et 4,4 provenant de ressources de Tunisie Télécom, de Tunisiana, de la vente des actions de la Banque de Tunisie et d’autres opérations).

A quoi ont servi ces sommes colossales pour un pays comme le nôtre? Aucun grand projet concret réalisé, pas de création de richesses, le néant…

Une lecture des chiffres officiels suscite nombre d’interrogations, indiquent les observateurs des finances publiques: «Le budget 2014 prévoit 4,51 milliards de dinars d’emprunt extérieur que la Tunisie serait incapable de mobiliser dans l’état actuel des choses; 825 MDT de Souk Oil et 1 milliard de dinars de produit provenant d’El Moussadara décomptés comme ressources propres alors que le FMI les comptabilise comme un moyen de financement du déficit. Des prévisions qui ne se basent pas sur des données objectives, plutôt hypothétiques, et ce compte tenu de l’impact du report de certaines mesures intégrées dans la loi des finances ce qui se traduiraient par des moins valides. Des estimations plus réalistes situeraient le déficit budgétaire à au moins 8%».

Le déficit commercial, quant à lui, s’approche des 12 milliards de dinars pour 2013 contre 6 milliards de dinars en 2009, no comment…

Le plus grave serait que ceux qui ont tenu les rennes du pouvoir ont failli à une règle élémentaire en matière de finances publiques. «Elle stipule qu’on n’utilise jamais les recettes exceptionnelles telles celles provenant des privatisations ou d’El Moussadara pour couvrir les dépenses récurrentes telles que les salaires ou les recrutements. Or les salaires dans la fonction publique auraient atteint les 10,5 milliards de dinars contre 6 en 2010. Ces augmentations faramineuses ont été couvertes en 2011, 2012 et 2013 par le recours aux ressources citées plus haut. Aujourd’hui que ces recettes sont presque épuisées, comment couvrir les dépenses qui se renouvelleront tous les ans? Le seul recours sera la dette ou la réduction du budget d’investissement de l’Etat. Un budget stableà prix courant depuis 2010 et qui est passé de 25% en 2010 à 17% en 2013 ».

Stabilité sociale, compression des coûts et reprise de l’investissement. Des conditions nécessaires pour la relance économique à condition que les politiciens et les syndicalistes démagogues ne recommencent pas leurs litanies qui se prêtent plus à des délires. Comme le fait d’exiger l’emploi de 200.000 chômeurs en une année, de surtaxer encore plus les entreprises, de bannir de notre espace économique les contractuels, de faire disparaitre les sociétés d’intérim et j’en passe. Soit des preuves irréfutables de leur incapacité ou de leur refus à saisir la gravité de l’heure.

Ils comprendront peut être la gravité de leurs campagnes destructrices le jour où les investisseurs qui résistent encore partiront ailleurs, où les 800.000 chômeurs passeront au double, ou encore lorsque le tissu économique sera complètement détruit par la grâce de leurs discours clairvoyants et de leur militantisme sale, bête et méchant…Ceux-là mêmes qui ont défendu le droit à la grève et pas celui au travail ou à la libre initiative!