Tunisie-Jardins d’enfants : «Ecoles coraniques et Kottabs pour juguler le chômage?»

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Parmi les prérogatives de Sihem Badi, ministre des Affaires de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées, figurent celles relatives à l’enracinement du civisme au sein de la famille et la consolidation des liens entre ses membres ainsi que la contribution à l’amélioration de la situation de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées et l’établissement de programmes à objectifs spécifiques touchant ceux qui en ont le plus besoin.

Mais il paraît que madame la ministre n’a pas bien assimilé aussi bien sa mission que ses prérogatives. D’ailleurs, elle est tellement intéressée par le secteur de l’enfance qu’elle n’a pas estimé important d’assister à la Conférence nationale s’y rapportant et tenue jeudi 30 mai à l’UTICA. Elle qui ne dédaigne pas les bains de foule s’exprimant sur une estrade plantée en plein milieu de l’allée centrale sur l’avenue Habib Bourguiba pour y faire l’apologie de son long parcours de militante, estimerait que l’enfance, les garderies et les écoles coraniques ne méritent pas son attention. Mais il est tout autant vrai qu’elle a d’autres chats à fouetter… Et pour preuve, depuis qu’elle a pris la tête du ministère, les écoles coraniques sous couvert d’associations, les garderies, crèches anarchiques et «Kottabs» sont devenues légion… A tel point qu’on n’arrive même pas à en faire le compte.

Il y a une année, à une question se rapportant à l’occupation illégale des anciennes cellules du RCD par les associations et les écoles coraniques, Salim Ben Hamidane, ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, affirmait du haut de sa chaise: «Nous ne permettrons aucune occupation illégale d’aucun lieu qui appartient à l’Etat…».

La réalité des choses et du pays aujourd’hui donne l’impression que l’Etat et la Tunisie appartiennent à la Troïka au pouvoir et non le contraire… Et en tous les cas, nous n’avons pas entendu parler de mesures concrètes prises par le ministre protecteur des biens de l’Etat quant aux squatteurs des anciens bureaux des cellules du RCD et surtout ceux qui ont vite fait d’afficher leur couleur politico-religieuse…

Dans l’attente, les écoles coraniques disséminées à travers tout le territoire national procèdent méthodiquement au formatage des cerveaux de nos enfants à l’instar des médersas pakistanaises pour en faire les «djihadistes» de demain. Le djihad a toujours besoin de nouvelles recrues d’autant qu’il en dévore beaucoup.

Au lieu des garderies classiques où on viole les corps, pourquoi pas des écoles coraniques pour y violer les esprits?

Mais qu’à cela ne tienne, Madame la ministre, qui a envoyé un digne représentant de son ministère au Colloque national sur l’enfance, n’en a cure. Et pour cause, les circonstances lui ont été «favorables» depuis le tragique viol de la petite fille à la garderie de La Marsa. Lequel, au lieu de susciter son indignation et l’inciter à prendre des mesures rigoureuses pour protéger l’enfance et verrouiller les cahiers de charge, est presque devenue un prétexte pour encourager les garderies religieuses… Faisant place aux garderies classiques où on viole les corps, pourquoi pas des écoles coraniques pour y violer les esprits ?… Pourtant, un très grand nombre de Tunisiens, soucieux d’apprendre à leur progéniture le livre saint, les envoyaient volontiers au Kottab, où ils apprenaient aussi bien le coran, la langue arabe que les bonnes manières et sans que cela influence leur mode de vie…

En Tunisie, il existe 3.500 jardins d’enfants, indique Nebiha Kammoun Tlili, présidente de la Chambre nationale des garderies et des crèches d’enfants. Mais il ne s’agit là que des jardins d’enfants; d’autres structures ont vu le jour après le 14 janvier et personne ne peut en déterminer le nombre. «Les pratiques que nous voyons depuis deux ans sont indignes et inadmissibles. Nous souffrons aujourd’hui, en tant que responsables de garderies et de jardins d’enfants, de la présence de plus en plus accrue de nouvelles structures qui ne sont soumises ni à la loi ni aux obligations et conditions du cahier des charges que nous devons tous appliquer dans la mise en place de nos établissements. Les inspecteurs pédagogiques ne peuvent pas, par conséquent, les contrôler, les orienter ou connaître les contenus de leurs programmes. Comment un Etat peut-il tolérer l’existence d’espaces consacrés à l’enfance sans en connaître les missions et les objectifs? Comment pouvons-nous permettre que nos enfants innocents puissent être orientés dans un sens ou l’autre et quelle garantie avons-nous qu’ils sont en train de suivre un cursus qui puisse garantir leur équilibre lorsqu’ils seront adultes? Il y aurait même des crèches et des écoles coraniques où on oblige les enfants à crayonner des visages sans traits sous prétexte qu’il est interdit de dessiner un humain en y esquissant les yeux, la bouche et le nez…»

Pourtant, dans le rite malékite, il serait permis d’utiliser les visages pour amuser et éduquer les enfants, mais il est de plus qu’évident, pour notre grand malheur, que le wahabisme prend le pas sur le malékisme dans notre pays…

A ces préoccupations exprimées par la directrice d’une garderie sise à Sousse, la réponse du représentant du ministère de la Femme fuse: «Nous sommes en train de prendre, surtout ces derniers mois, les mesures disciplinaires qui s’imposent pour régulariser et normaliser les jardins et garderies. Nous prenons même des décisions de fermeture mais nous préférons toujours, dans un premier temps, le dialogue à la dissuasion par la force de loi». «Ce n’est pas vrai», rétorque une jeune femme responsable d’une garderie sise à Béja : «Nous sommes allées nous plaindre auprès du gouverneur à propos des garderies anarchiques, et il nous a répondu: “Nous ne pouvons pas priver quelqu’un de son gagne pain“. Mais alors, c’est nous disparaîtrons, nous qui nous acquittons de nos impôts, et de nos obligations envers l’Etat. Nous payons nos impôts pour que l’Etat subventionne les “Kottabs“ (150 D par mois) à part ce qu’ils perçoivent de la part des parents. Le monde à l’envers».

«Comment un Tunisien digne de ce nom peut-il admettre que des associations qui opèrent en tant que Kottabs ou Médersas procèdent au lavage de cerveau de ses enfants? Protéger l’enfance est une responsabilité historique qu’il revient à nous tous autant que nous sommes, opérateurs et Etat, d’y veiller. Et la première question à laquelle nous devons trouver une réponse est celle de “qui finance ces écoles, qui met en place leurs programme“ Et pourquoi ne pas user de l’article 20 du Code des droits de l’enfance pour faire régner l’ordre dans notre secteur».

Ce que Madame S.L oublie est que la ministre de tutelle est trop occupée à faire de la politique et des voyages pour s’occuper des femmes et de l’enfance. Mieux encore, la gente féminine semble avoir oublié une vidéo, dans laquelle le président d’Ennahdha conseillait à ses disciples salafistes d’ouvrir des écoles pour préparer et former la jeunesse. Ses conseils ne sont pas tombés dans des oreilles sourdes et voilà une ville comme Sfax quadrillée d’écoles coraniques. Mais cela n’est pas étonnant avec un Habib Ellouze et Sadok Chourou qui veillent au grain pour la radicaliser…

Pour conclure, le secteur des garderies, des crèches et des jardins d’enfants vit aujourd’hui ses plus mauvais jours car: «Il y a défaillance au niveau du contrôle, au niveau de l’application de la loi et des décisions de fermeture de certaines structures. Il y a apparition de nouveaux phénomènes nuisibles aux enfants comme la gestion de structures consacrées à l’enfance par des diplômés chômeurs inexpérimentés et peut être endoctrinés sous prétexte de juguler le chômage, et il y a une incapacité du gouvernement à imposer le respect des cahiers de charges. Serait-ce dans des desseins électoraux car la réponse qu’on nous donne est très souvent: “nous ne sommes qu’un gouvernement provisoire“».
Un provisoire qui œuvre dans la continuité pour l’éternité…