Tunisie – Journée mondiale de la liberté de la presse : Une liberté encore fragile…

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L’évènement : la Tunisie, tout comme tous les pays du monde, célèbre aujourd’hui, 3 mai 2013, le 20ème anniversaire de la Journée mondiale de la liberté de la presse telle que l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies l’avait proclamée, un certain 20 décembre 1993.

Placée cette année sur le thème «Parler sans crainte et assurer la liberté d’expression dans tous les médias», cette journée a toujours été l’occasion de célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse, d’évaluer la liberté de la presse, de défendre les médias des attaques contre leur indépendance et de se souvenir des journalistes tués parce qu’ils faisaient leur devoir.

La nouveauté de 2013 réside dans la prise de conscience du rôle de la presse électronique et du fait que la liberté de la presse doit s’étendre à la sécurité des médias en ligne et dans l’impératif d’assurer la sécurité des journalistes, la lutte contre l’impunité des crimes commis contre la liberté de la presse et de plaider pour un Internet libre et ouvert comme condition préalable à la sécurité en ligne.

Dans un message commun, Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies, et Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO, rappellent que le «droit fondamental à la liberté d’expression crée également les conditions nécessaires à la protection et la promotion de tous les autres droits de la personne humaine», avant d’ajouter que «son exercice ne va pas de soi, car, il requiert un environnement sûr, propice au dialogue, dans lequel chacun peut s’exprimer librement et ouvertement sans crainte de représailles».

En Tunisie, la presse est certes libre, depuis un certain 14 janvier 2011, mais cette liberté demeure fragile en raison des tentatives des partis au pouvoir, en l’occurrence de la Troïka, de la museler de nouveau et de la soumettre à son service. En témoignent, de manière éloquente, la tendance de la présidence de la République provisoire à traîner du pied avant de rendre public, à quelques mois des élections générales, la composition de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA), ou encore celle de la Troïka au pouvoir à refuser -depuis deux ans au pouvoir- à dynamiser les décrets-lois 115 et 116 sur la presse écrite et sur l’audiovisuel, et ce en dépit de leur publication dans le Journal officiel de la République tunisienne (JORT).

Malgré ces blocages et les campagnes de dénigrement à l’endroit de la presse avec comme point d’orgue le slogan réducteur «la presse de la honte», il faut reconnaître que les médias en Tunisie jouissent d’une grande liberté conjoncturelle et non structurelle. Car, rien ne garantit la durabilité de cette liberté dans le temps, voire sa pérennité.

Conscients de cette fragilité, des professionnels des médias et des représentants de la société civile se sont alliés en Tunisie pour fonder un collectif pour la défense de la liberté de presse et d’expression, et surtout pour la lutte contre les tentatives de domestication des médias par le pouvoir.

Est-il besoin de rappeler que la menace est réelle? La règle suivie, jusque-là par la pouvoir en place à l’endroit des journalistes étant: «dites ce que vous voulez, je fais ce que je veux». Les dizaines de plaintes des journalistes pour intenter des procès contre les agressions perpétrées contre eux par la police et les milices des Ligues de protection de la révolution n’ont jamais eu de suite.

Les sondages d’opinion sont pourtant en faveur de cette liberté de presse. Plus de 50% des Tunisiens sondés se déclarent satisfaits des médias. Pour preuve, de plus en plus les Tunisiens sont nombreux à prendre conscience du rôle des journalistes dans la conscientisation de l’opinion publique et dans sa sensibilisation à des causes déterminantes.

Pour ne citer que quelques cas, c’est grâce aux journalistes tunisiens qu’une police parallèle –qui serait liée à Ennahdha- a été découverte. C’est grâce à des journalistes que des pistes menant aux auteurs de l’assassinat du leader Chokri Belaid ont été explorées. C’est grâce à des investigations de journalistes que les Tunisiens ont pu s’informer du drame des Tunisiens envoyés pour le djihad en Syrie et au Mali. C’est grâce aux journalistes que les Tunisiens ont pu prendre connaissance de l’extrême pauvreté dans laquelle se débat l’arrière-pays. C’est grâce aux journalistes que les responsables de la cherté de la vie et de la contrebande qui minent le pays, intermédiaires sans état d’âme, douaniers, agents de contrôle, policiers corrompus… ont été dénoncés. Et la liste est loin d’être finie.

Moralité : il semble que les Tunisiens, dans leur écrasante majorité, soient plus que jamais convaincus de l’utilité de la presse et de son rôle déterminant dans la préservation des droits et des libertés.

En l’absence de garanties constitutionnelles et juridiques devant consacrer la liberté de la presse, nous espérons que la révolution du jasmin et son corollaire la liberté d’expression qu’elle a générée ne sera pas une embellie comme c’était le cas au début des années soixante-dix avec l’abolition du collectivisme, ou lors de l’ouverture, au temps de Bourguiba, sur l’opposition en 1982 ou encore, lors du changement du 7 novembre 1988-89.

A bon entendeur.