Tunisie : Le mouvement Ennahdha joue-t-il la désunion?

 

manif-interieur-1.jpgEn cherchant à mobiliser ses troupes face aux manifestants et autres sit-ineurs, le mouvement Ennahdha n’est-t-il pas en train d’encourager les divisions, les désaccords et les désunions? Ce n’est pas le propre d’un parti que le peuple a mis sur le piédestal du pouvoir pour faire avancer les affaires du pays.

Lundi 9 janvier 2012. Les manifestants venus à la Place de La Kasbah, à l’appel du SNJT (Syndicat national des journalistes junisiens) et d’autres composantes de la société civile tunisienne, pour contester les nominations décidées, le samedi 7 janvier 2012, au sein de certains médias publics, trouvent en face d’eux des militants et des sympathisants du mouvement Ennahdha. Ces derniers leur rendent la monnaie de leur pièce en «contre-manifestant» et criant leur appui au mouvement Ennahdha et au gouvernement de Hamadi Jebali dont il est issu.

Mercredi 11 janvier 2012. Des «contre-manifestants» du mouvement Ennahdha se rassemblent, devant le ministère de l’Intérieur, pour soutenir son locataire, en l’occurrence Ali Laaridh, membre influent de ce mouvement, qui vient de décider, la veille, de limoger le patron des BOP (Brigades de l’Ordre Public), Moncef Lajimi, provoquant un mouvement de contestation et un élan de solidarité de la part de ses administrés. A cette occasion, un ministre de la République, en l’occurrence Ali Laaridh, sort de son bureau, mégaphone au poing, pour s’adresser à la foule des Nahdaouis et expliquer le bien-fondé de son geste.

Vendredi 13 janvier 2012. Des manifestants, toujours Nahdaouis, organisent un sit-in devant le siège du gouvernorat de Sidi-Bouzid pour, toujours, apporter leur soutien au gouvernement Jebali, dont l’essentiel des portefeuilles est occupé par des figures de proue du mouvement Ennahdha.

Obéir au doigt et à l’œil

Trois épisodes d’une semaine ordinaire d’une Tunisie gouvernée par Ennahdha. Trois épisodes qui montrent bien que les militants d’Ennahdha confondent bel et bien leur parti et l’Etat. On croirait être revenu à la «belle époque» du défunt RCD (Rassemblement constitutionnel et démocratique) de Zine El Abidine Ben Ali.

Ici et là, nous semblons être en présence de personnes mobilisables à merci, obéissant au doigt et à l’œil, fortement organisés qui débarquent toujours arborant des slogans bien orchestrés qu’ils dessinent dans des banderoles et autres cartons.

Cet état de fait –on le devine- ne sied pas à une démocratie. Que penseraient les Français, les Britanniques ou encore les Américains si à chaque fois que des représentants de la société civile descendaient dans la rue et trouveraient face à eux des militants des partis arrivés au pouvoir: l’UMP (Union pour un Mouvement Populaire, en France, le parti dont est issu le président Nicholas Sarkozy), le parti Conservateur (le parti que présidait, avant son accession au pouvoir, le Premier ministre David Cameron, en Grande-Bretagne), ou encore le Parti Démocrate qui a présenté la candidature du président Barak Obama (USA).

Désaccords et désunions

C’est qu’Ennahdha semble s’être réellement trompé de combat. A partir du moment où un parti arrive au pouvoir, il ne joue en effet que la réconciliation, le rassemblement, le consensus et la concorde. Jamais les divisions ou les désaccords, encore moins les désunions. Les démocraties sont ainsi faites. Le parti au pouvoir devient le parti de tous les citoyens. De ce fait, il se doit d’accepter les critiques, les manifestations contre lui…

Certes, les choses ne sont pas toujours faciles: certains membres de l’opposition ne semblent pas toujours être une force de proposition, mais cherchent la faille. Mais, le vainqueur se doit d’adopter une autre attitude, celle d’un gentleman qui se place au-dessus de la mêlée, refusant toujours de trouver constamment la réponse du berger à la bergère. Dans ce cas, force est de le constater qu’on ne sortira pas de l’auberge. Comme on ne fera pas avancer d’un iota les affaires du pays.

Ennahdha et le gouvernement qui en sont issus devront le savoir. D’autant plus que ces derniers deviennent bien qu’ils ne peuvent en agissant de la sorte les énergies et qu’à la prochaine échéance électorale, qui arrivera dans un an ou un an et demi, ils seront les seuls à rendre compte des réalisations qu’ils auront accomplies.