OPINION France – Ennahdha : Saga d’un rapprochement


ennahdha-france-art.jpgLes relations entre la France et le parti
Ennahdha, lourdement entachées, dans
le passé, par l’appui inconditionnel qu’apportaient les présidents français au
président déchu, ont, aujourd’hui, tendance à s’améliorer et à se raffermir,
lentement mais sûrement. Plusieurs indices l’illustrent de manière éloquente.

D’abord, cette déclaration de M. Rafik Abdessalem, futur ministre des Affaires
étrangères. Il a déclaré, lundi 19 courant, à radio Express Fm que «son
département est déterminé à tirer un trait sur les anciens malentendus entre la
Tunisie et la France» et à améliorer «les relations privilégiées»
franco-tunisiennes dans l’intérêt des peuples tunisien et français.

De toute évidence, le nouveau ministre exprimait ainsi le point de vue du parti
Ennahdha dont il est issu et que son beau-père, Rached Ghannouchi, assure la
présidence.

Vient ensuite le télégramme de félicitations que le Premier ministre français,
François Fillon, avait adressé à Hamadi Jebali (Ennahdha) à l’occasion de sa
nomination à la tête du gouvernement tunisien (14 décembre 2011).

Au-delà de l’aspect protocolaire, M. Fillon reconnaît dans ce message le
militantisme de
Jebali qui est en même temps secrétaire général du parti
Ennahdha et écrit: «votre nomination couronne votre engagement sans relâche au
service de votre pays et constitue un hommage à votre courage politique».

Et M. Fillion d’ajouter: «La Tunisie, qui a ouvert la voie du “printemps arabe“,
a confirmé son rôle de pionnier en organisant les premières élections libres et
transparentes de son histoire, mais aussi de la région… La France, liée à la
Tunisie par un passé séculaire, reste mobilisée aux côtés du peuple tunisien à
un moment déterminant pour son avenir. C’est en pays ami qu’elle soutiendra la
Tunisie dans les instances européennes et internationales».

Cet engagement constitue, manifestement, un net progrès par rapport aux
déclarations du président français au lendemain de la victoire spectaculaire du
parti Ennahdha aux élections de l’Assemblée constituante.

Ainsi, au moment même où les nahdhaouis s’attendaient aux “félicitations”
d’usage, le chef de l’exécutif français, apparemment déçu par l’ampleur du
résultat, avait préféré «rappeler que la France serait vigilante sur le respect
des droits de l’homme et des principes démocratiques, notamment la diversité
culturelle et religieuse et l’égalité des hommes et des femmes».

Son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, lui emboîte le pas et menace
de conditionner l’aide du G8 à la Tunisie au respect des valeurs démocratiques.

Cette prise de position lui avait valu une réaction sèche de
Rached Ghannouchi
qui a rejeté les aides conditionnées et estimé n’avoir «pas besoin d’une telle
parole pour respecter les droits de l’Homme».

Depuis cette passe d’armes, les choses ont beaucoup changé. Sur la base de
rapports diplomatiques favorables à Ennahdha concoctés par les soins de
l’ambassadeur de France en Tunisie, Boris Boillon, la diplomatie française a
rectifié le tir et cherché à garder le contact avec le parti islamiste,
encouragée en cela par l’appui que lui ont apporté deux poids lourds: l’Union
européenne et les Etats-Unis.

Dans ce contexte s’inscrivent les efforts de rapprochement menés par le chef de
la diplomatie française. Il a déclaré sur les ondes de la radio française Europe
1 «faire confiance aux responsables du parti islamiste Ennahdha… et disposé à
travailler avec eux», rappelant que leur attachement au respect «des principes
démocratiques» et au statut de la femme qu’ils entendent «même améliorer», était
de nature à rassurer. «Pourquoi ne les croirais-je pas?», a-t-il précisé. M.
Juppé faisait, ici, allusion aux critiques formulées à l’endroit des nahdhaouis
à propos de leur double langage. (Dimanche 6 novembre 2011).

Et pour dissiper les derniers malentendus, M. Juppé prend, le lendemain, le 7
novembre, l’initiative d’appeler Rached Ghannouchi, président du parti Ennahdha,
aux fins de le féliciter pour la victoire de son parti aux élections du 23
octobre et de lui transmettre un «message de confiance sans préjugé ni procès
d’intention», lit-on dans le communiqué. Le choix du jour et de la date, 7
novembre, semble avoir valeur de symbole. Il vient marquer une rupture et
inaugurer une nouvelle page dans les relations franco-tunisiennes. Dont acte.