Bradley Manning, soldat en rupture de ban et “taupe” supposée de WikiLeaks

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écriteau le qualifiant de héro, le 14 mars 2011 à Washington. (Photo : Chip Somodevilla)

[16/12/2011 07:48:52] WASHINGTON (AFP) Bradley Manning, le jeune soldat américain accusé d’être l’informateur de Wikileaks, qui comparaît vendredi devant la justice militaire, est un spécialiste du renseignement et un idéaliste, militant pro-homosexuels, qui s’est placé en rupture de ban de l’armée.

Ce simple soldat au visage poupin est soupçonné d’avoir fourni à WikiLeaks, qui les a ensuite rendu publics, des dizaines de milliers de documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan, et de câbles diplomatiques du département d’Etat.

Natif de l’Oklahoma (sud), Bradley Manning, qui fêtera ses 24 ans samedi, a rejoint les rangs de l’armée en 2007 après une enfance passée à subir les quolibets de ses camarades, en raison de son côté “intello” et de son homosexualité.

Mais très vite, sur sa base des environs de Bagdad, le première classe découvre la rudesse des règles du Pentagone, en particulier l’ancienne loi “Don?t ask, don?t tell” (ne rien demander, ne rien dire), qui obligeait les homosexuels à taire leur orientation sexuelle, sous peine de devoir quitter l’armée.

Bradley s’opposait ouvertement à cette loi définitivement abolie en septembre, expliquait l’année dernière à l’AFP Jeff Paterson, membre dirigeant du comité de soutien au jeune homme.

Selon lui, M. Manning “pourrait s’être identifié aux peuples d’Irak et d’Afghanistan qui ont souffert de la politique guerrière du gouvernement” américain. “En partie car il ressent lui-même les mêmes choses, en tant que membre d’une minorité injustement traitée au sein de l’armée américaine et de la société américaine en général”.

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Arlington en Virginie, le 15 juin 2011. (Photo : Paul J. Richards)

En tant qu’analyste de renseignement, il avait accès à quantité de données via un réseau protégé, le SIPRNet (Secret Internet Protocol Router Network), un système destiné à un meilleur partage des informations entre les différentes branches du gouvernement américain.

Dans des conversations sur internet avec un célèbre pirate informatique, Adrian Lamo, révélées par le magazine Wired, le jeune Manning s’épanche, affirmant que “quelqu’un” qu’il connaissait très bien avait “transféré des données de réseaux classifiés” et les avait transmises à “un Australien aux cheveux blancs”, Julian Assange, cofondateur de Wikileaks.

Ce “quelqu’un” en question n’était autre que Manning lui-même, qui transférait ces données sur des CD-ROM qui contenaient auparavant des chansons de la chanteuse pop Lady Gaga.

“Hillary Clinton et des dizaines de milliers de diplomates dans le monde vont avoir une crise cardiaque un matin quand ils se réveilleront et découvriront qu’un répertoire complet de documents classifiés sur la politique étrangère est accessible” à tous, écrit-il à Lamo, qui le dénoncera aux autorités.

En juillet 2010, Bradley Manning a été inculpé de huit chefs d’inculpation criminels et de quatre violations du règlement militaire.

Il lui est reproché d’avoir “transféré des données confidentielles sur son ordinateur et ajouté un logiciel non autorisé sur un système informatique classé secret” et d’avoir illégalement récupéré “plus de 150.000 notes diplomatiques”, selon l’acte d’inculpation.

Incarcéré depuis 18 mois, il a dénoncé début 2011 ses conditions de détention — isolement et régime ultra-restrictif — à la prison de Quantico, près de Washington, qui ont valu à l’armée américaine les critiques du monde entier. Il a depuis avril été transféré à Fort Leavenworth (Kansas, centre).

S’il est reconnu coupable, il encourt la prison à perpétuité.