Tunisie – Campagne électorale : PDP marche sur Hammamet !

pdp_hammamet.jpgIls sont venus, ils sont tous là ou presque, pour reprendre les paroles d’une célèbre chanson de variété française. Sleim Mankai, n°3 sur la liste PDP de Nabeul 2 anime le meeting. Micro en main, l’enfant terrible de Hammamet souhaite la bienvenue à Ferid le restaurateur, «Hallous» le boulanger du village, Sophie l’hôtelière, «El Sergent» l’entrepreneur, Sihem la pharmacienne… Des figures qui possèdent une certaine force mobilisatrice dans la ville.

Hammamet est la ville n°3 du point de vue du poids électoral dans la région du Cap Bon. Ils s’y présentent 52 listes totalisant 312 militants en concurrence pour 6 sièges. Un vrai challenge pour le PDP, un parti centriste totalisant plus de 50.000 adhérents. Sa jeune équipe de 30 militants mobilisés tourne quartier par quartier et rue par rue de la région. Elle tente d’y établir un contact direct avec la population.

Ces jeunes inexpérimentés ont en face d’eux des militants d’autres partis qui peuvent avoir plus d’expérience dans la lutte, notamment clandestine, comme Ennahdha en ayant recours au porte à porte, au dépôt de tracts dans les épiceries, à la prêche dans les mosquées…

Ils font aussi face à la montée du CPR de Moncef Marzouki qui serait fortement présent dans la région de Kélibia. Ahmed K, historien et militant de la première heure, observe lé déploiement des partis dans la Cap Bon. Il n’exclut pas que des tractations soient en cours afin de garantir le passage de certaines têtes de listes au détriment de ses propres militants. Le jeu politique n’est-il pas fait aussi de concessions!

Lorsque l’on demande à ces jeunes pourquoi le PDP, ils répondent: «Pour ses valeurs progressistes, pour le régime qu’il défend, pour son histoire et son programme…», précise Mohamed qui sait qu’à l’issue de ces élections, au moins une soixantaine des 110 partis politiques actuels disparaîtront pour mettre un peu d’ordre dans ce foisonnement naturel mais contreproductif. «Le PDP, c’est Ahmed Néjib Chebbi mais aussi Maya Jerbi, une femme qui impose respect et admiration. Elle rassure», rajoute Faten dont la tâche est de récolter un maximum d’adhésions durant ce meeting.

Sur la liste de Nabeul 2 aux côtés de Mohamed Baroudi, se trouve Jihen Turki. Une maman de 2 enfants qui travaille pour une chaîne hôtelière. Emue, la dame prend le micro pour expliquer son engagement. Un apprentissage dur, lent et obligatoire. Si aujourd’hui une dizaine de milliers de militants se sont engagés pour les élections de l’Assemblée constituante, ce sont 50 à 100 fois plus qui se sont engagés dans la politique et quasiment toute la population tunisienne qui s’y intéresse de plus près depuis le 17 décembre.

RB est sociologue et estime favorablement la situation: «C’est dans 3 à 5 ans que nous verrons la naissance d’une nouvelle génération de politiciens. Au vu de ce qu’ils vivent maintenant, ils seront bons. Le contact entre le leadership et le peuple était coupé et se rétablit peu à peu. Tout l’enjeu est de bien gérer cette occlusion. Si ce tournant est bien négocié, l’avenir ne sera que florissant!». Un enjeu de taille aussi pour la région à l’heure où les issues de la Libye et de l’Egypte sont encore plus incertaines et complexes qu’en Tunisie.

Membre du bureau politique du PDP, Maher Hanin partage l’avis du sociologue. Durant 20 minutes d’un discours qui a captivé la salle et tenu en haleine ceux qui y croient comme ceux qui y croient le moins, le tête de liste du PDP à Sfax a rendu hommage à l’Histoire et au peuple tunisien en présentant dans un discours clair et rythmé les enjeux de la Constituante et la vision de son parti qui sait que c’est dans les villes qu’il a le plus de chances de gagner des voix.

Dans son intervention, il est revenu sur les récents événements liés aux affaires de Sousse et de la diffusion de «Persepolis» en condamnant la violence au même moment que Maya Jerbi sur les ondes d’une radio. «Pas de compromis, pas de mélanges entre la religion et la politique. Il est hors de question de tolérer les manipulations d’où qu’elles viennent et on ne laissera pas le pays aller vers la somalisation. Ces modèles qui limitent les libertés prônent la fetna sont stériles et nous n’autoriserons pas des scénarios à la Djerba ni une autre affaire Soliman. Le peuple tunisien est homogène et aucun musulman n’a le droit de juger un autre musulman», dit-il.

A qui profiteront ces récents événements? La mobilisation des salafistes a eu le mérite de repositionner le débat sur l’essentiel. Quel modèle de société choisir pour la Tunisie? Alors que les programmes économiques avaient pris le dessus dans un moment noyant les questions de fond, aujourd’hui les électeurs savent qu’ils auront à choisir entre la préservation de leur acquis et une démocratie à bâtir et un retour en arrière avec un modèle passéiste et rétrograde.

La dignité, la citoyenneté, le respect, l’écoute, la solidarité, la transparence, l’égalité, l’éthique, la liberté ne sont plus que des mots creux qu’il faut restaurer en leur redonnant leurs véritables sens aux yeux d’une population déçue. Ce sont ces valeurs universelles de tolérance et d’ouverture qu’il faut prôner devant ceux qui souffrent d’une crise identitaire et de valeurs et qui s’accrochent aux traditions plus rassurantes quand ils n’adhèrent pas à la vision plus fondamentaliste, au risque de tomber dans l’islamisme.

D’autre part, et pour parler aux gens de Hammamet de leurs préoccupations et du secteur qui les concerne, Maher Hanin a dessiné les contours «d’une destination touristique à créer qui gagnerait en qualité et en rentabilité. Les touristes viendront pour nos festivals, nos artistes, notre culture…». Il a aussi évoqué les autres secteurs économiques et affirmé que la Tunisie n’a rien à envier ni à la Pologne ni au Brésil et a tout pour devenir prospère.

Last but not least, il a affirmé que gagner pour le PDP «n’est pas un rêve mais un objectif. Nous vaincrons!», dit-il en concluant son discours et exhortant les présents à chanter l’hymne national.

Reste que sur le terrain et selon certains observateurs, le PDP a perdu de son lustre. Son attitude contre l’ISIE et la publicité politique lui ont coûté cher. Un argument que l’on ne réfute pas dans les rangs du Parti. Depuis, celui-ci tente de reprendre la main. «Le meeting de Sfax a signé un tournant pour le parti et ensemble, tous les partis démocrates, nous y arriverons!», nous dit-on. «En effet, le PDP s’active aujourd’hui à rassembler les partis démocrates du centre, après avoir fait cavalier seul. Une coalition pour l’après 23 octobre serait-elle encore à naître?

Pour le moment, le fond du problème est que les partis démocrates sont tous un peu responsables de ce boulevard ouvert devant ceux qui ont une autre vision pour la Tunisie. Sans pouvoir anticiper le résultat des élections, il est primordial de connaître le poids réel de chaque parti. Cela déterminera le rapport des forces autant qu’il déterminera le programme à mettre en place au lendemain de la Constituante.

Si cette coalition tarde à émerger, ce n’est pas tant par les oppositions de visions mais plutôt par la place de «leader» à prendre. «Un jeu inutile et malsain», selon certains, «un jeu très risqué mais nécessaire», selon d’autres. Ceux qui se trompent d’ennemis rajoutent du flou à la situation. Les partis doivent mettre en veilleuse leurs égos pour un seul et même objectif, celui d’une Tunisie libre et tolérante.

Sans trahir leur choix ni principes, il s’agit pour les démocrates de rallier au plus large. Un exercice difficile autant que nécessaire. A quelques jours du test final et pour la première fois, ils s‘adresseront aux Tunisiens. Espérons qu’ils parviendront à s’entendre et se faire entendre.