Tunisie : Métiers du droit… Poursuite du ras-le-bol contre les avocats !

La rage des conseillers fiscaux contre les avocats se poursuit de plus belle.
Après l’attitude du président de leur Chambre qui les a carrément accusés de
”dictature” et leur manifestation (en compagnie des huissiers-notaires) devant
le Premier ministère à la Kasbah pour les dénoncer et pousser le gouvernement à
agir, voici maintenant le tour de Mohamed-Salah Ayari dont le ras-le-bol est
d’autant plus significatif que ce Conseiller fiscal est parmi l’une des
personnalités les plus respectées de la profession et les plus connues pour
l’équilibre des points de vue.

“Comme c’est beau de vivre dans un état de droit, surtout après la révolution de
la liberté et de la dignité. Et comme c’est réconfortant d’exprimer son opinion
librement sans contrainte ni suspicion“, nous confie, souriant, Mohamed-Salah
Ayari. Et c’est dans ce contexte ”coloré” qu’il choisit de s’adresser à
certains avocats pour essayer de comprendre le pourquoi de leur acharnement
contre certaines professions, notamment les Conseillers Fiscaux. Un acharnement
grave puisqu’il consiste à les priver de leurs droits de représenter les
contribuables devant les juridictions compétentes en matière fiscale!

La pression des “protecteurs de la révolution“ ?!

“’Nous nous adressons également au ministère de la
Justice et des Droits de
l’homme
pour le solliciter afin de ne pas céder à la pression de certains
avocats qui se considèrent comme étant les ‘protecteurs de la révolution’ alors
que le projet de loi qui a été élaboré par l’Ordre des avocats prouve la
privation de plusieurs professions libérales de leurs acquis et cherche à
accaparer une grande partie des prérogatives de ces professions. Nous nous
adressons aussi au ministère des Finances (qui est notre ministère de tutelle)
afin de rendre justice aux conseillers fiscaux et de préserver leurs droits“,
souligne Mohamed-Salah Ayari, non sans passion.

Passion mais aussi raison, car il a également énuméré des arguments clairs, avec
force détails.

Premier argument: la représentation des contribuables devant les tribunaux
compétents dans les affaires fiscales est un droit acquis par les conseillers
fiscaux depuis la promulgation de la loi n°60-34 du 14 décembre 1960 qui stipule
dans son article 1er: “Sont considérées comme conseils fiscaux et soumises comme
telles aux prescriptions de la présente loi, toutes personnes physiques ou
sociétés faisant profession d’accomplir, pour les contribuables, les formalités
fiscales, de les assister, de les conseiller ou de les défendre auprès de
l’administration fiscale ou devant les juridictions jugeant en matière fiscale“.
Il faut rappeler que le droit de représentation des contribuables par les
conseillers fiscaux a été confirmé par le Code des Droits et Procédures Fiscaux
qui est entré en vigueur à partir du 1er janvier 2002, et ce devant les
tribunaux de première instance et devant les cours d’appel.

Les avocats n’ont pas besoin des “miettes“

Second argument: le corps des
conseillers fiscaux
(200 actuellement) n’a pas
cessé de prendre de l’importance au fil des années avec l’adhésion des jeunes
ayant les diplômes requis (par l’Ecole Supérieure de la Fiscalité et des Fiances
de Sousse et la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de
Tunis) et le renforcement du corps par des anciens cadres de l’administration
fiscale, qui ont fait des études spécialisées en fiscalité et qui ont pratiqué
la fiscalité pendant de longues années.

Troisième argument: les dossiers traités par les conseillers fiscaux devant les
juridictions compétentes en matière fiscale ne dépassent guère le taux des 5% du
nombre total des dossiers; ce qui prouve que les avocats n’ont pas réellement
besoin des “miettes“ qui vont leur revenir suite à l’exclusion des conseillers
fiscaux.

Quatrième argument: dans les pays de l’Union européenne
signataires de l’accord
de partenariat avec la Tunisie, les conseillers fiscaux exercent pleinement leur
droit pour représenter les contribuables devant les juridictions jugeant en
matière fiscale y compris la cour de cassation pour certains pays (l’Allemagne,
par exemple).

Cinquième argument: notre pays a opté pour la libéralisation des services dans
le cadre de sa politique d’ouverture sur l’extérieur; ce qui va permettre aux
ressortissants de nos partenaires européens de s’installer sur notre territoire
pour exercer librement leurs activités y compris l’activité de conseil fiscal.

“Pourquoi nous priver de notre droit?!“

Sixième argument: le contribuable qui, dans certains cas, peut être taxé
d’office pour des sommes faramineuses, ne doit pas être contraint à recourir
obligatoirement et uniquement à un avocat alors qu’il peut avoir le choix
d’opter pour un conseiller fiscal qui maîtrise aussi bien la technique fiscale
que la technique comptable.

La conclusion de tout cet argumentaire maintenant: “Sachant que, dans des
affaires fiscales délicates, la société opte généralement pour la désignation
d’un avocat et d’un conseiller fiscal afin de défendre ses intérêts comme il se
doit… alors pourquoi nous priver de notre droit?! Nous pouvons dire qu’il
serait injuste de priver les conseillers fiscaux d’un droit acquis qui leur a
été garanti par la loi depuis 50 ans et que le ministère de la Justice et des
Droits de l’homme devrait assurer… la justice, et préserver les droits des
conseillers fiscaux qui sont fiers d’appartenir à un Etat de droit qui a vu
naître une Révolution qui constitue aujourd’hui un modèle pour le monde arabe et
un facteur de fierté pour tous les peuples du monde!“