Liban : la Banque, debout, contre vents et marées

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Trente ans de guerre, de barricades, de frictions, d’invasions, d’exils, de
déchirements et de douleurs n’ont pas entamé le mode de vie, l’intellect des
Libanais dont la culture millénaire est fondée sur la recherche permanente
du perfectionnement de la vie avec l’autre, de la convivialité
intercommunautaire, interreligieuse, des partenariats marchands, porteurs de
prospérité, de rayonnement et d’élévation, dans le cadre d’une dynamique
transversale, mouvante, charriant le progrès, respectueuse des spécificités
de chacun, à l’image d’une société civile, debout un jour de printemps 2005,
à la Vaclav Havel, comme véhicule de relève, de changements et
d’alternatives, à la suite du meurtre de Rafik Hariri.

C’est là l’essence même d’un choix d’avenir, d’un acte de foi des citoyens
qui ont façonné l’identité du pays du Cèdre, ensorcelant au niveau du
concept et du verbe, passeur entre deux rives, l’Orient et l’Occident,
condamné, de par sa vocation allocentriste, à venir à bout de l’inculture de
la haine et à propager le message du pluralisme, de l’édification, de
l’entreprise, de l’initiative privée, de l’altérité et de la résistance à
tous les sectarismes et autres totalitarismes.

A travers son histoire -de Byblos, ville du verbe et de l’alphabet, à
l’école de droit romain de Béryte-, le Liban a contribué, à travers les
âges, à diffuser la connaissance et la justice dans le monde. Sans oublier,
bien entendu, les comptoirs de commerce, parsemés le long des côtes
méditerranéennes, au temps de Tyr, de Carthage et de Sidon.

Ce qu’il y a sans doute de plus exceptionnel dans le pays du Cèdre, c’est sa
capacité à se réinventer, à se relever de ses cendres, à aller de l’avant,
continuellement, quelles que soient les difficultés, sans jamais rompre avec
certaines constances : le dialogue, l’ouverture et l’attachement congénitaux
à la performance, à l’échange et au succès, ce qui a poussé certains experts
financiers internationaux à parler du «paradoxe libanais», une situation où
le secteur bancaire local, par exemple, n’a jamais cessé de se renforcer, de
se développer, en dépit de l’instabilité politique chronique du pays, des
flambées de violence ponctuelles, au gré des chefs de quartiers,
nostalgiques de l’ordre milicien des années de plomb et des menaces
potentielles extérieures.

Les performances du secteur bancaire

Depuis le déclenchement des événements d’Ain-Roummana en 1975, prélude à la
guerre civile libanaise, le secteur bancaire a toujours affiché une santé à
«l’épreuve des balles» des différents protagonistes, s’est développé pour
aboutir aujourd’hui à une taille mesurée par les actifs consolidés des
établissements financiers et a amélioré son positionnement régional dans les
domaines des prestations assurées aux particuliers, des opérations de banque
de détail et des services d’investissements.

«Le paysage bancaire des dernières décennies était voué à l’exportation du
savoir-faire libanais financier à l’étranger, notamment vers la Syrie, la
Jordanie, le Soudan, l’Algérie, l’Egypte et les Emirats arabes unis»,
déclare M. Sélim Sfeir, PDG de la Bank of Beirut, dans une
conférence-déjeuner, organisée à l’initiative des hommes d’affaires belges
au Liban, pour qui, cette projection et cette diversification des
portefeuilles et des risques à l’extérieur du pays, ont allégé le coût des
ressources pour l’économie nationale, ont ouvert de nouveaux horizons devant
la rentabilité et ont dopé les préparatifs visant à absorber les effets de
la libéralisation des services, conformément aux engagements internationaux
du Liban.

De l’avis de certains observateurs assidus de la scène proche-orientale, le
pays du Cèdre a toujours montré une déconnexion entre le secteur réel de la
vie économique et les circuits monétaires, ce qui témoigne d’une opération
de thésaurisation de long terme de la population libanaise, habituée à cet
environnement dynamique, confiante dans le système bancaire local,
traditionnellement réactif et élastique.

D’ailleurs, en réponse aux commentaires de certaines agences de notation,
inquiètes devant les conséquences de l’état de belligérance continu avec
l’entité sioniste, au lendemain de la guerre de juillet 2006, sur les bilans
des banques libanaises, la résilience du secteur, selon le ministère des
Finances, a fait merveille puisque les crédits sont en hausse de 6,5
milliards de dollars à la fin mai 2009, les dépôts ont bondi de 6.574
millions de dollars au cours des cinq premiers mois de l’année, soit le
double de leur croissance par rapport à la même période de 2008.

Il est à rappeler enfin que les flux de capitaux au Liban, au cours de
l’année écoulée, avaient été suffisamment importants, non seulement pour
couvrir le déficit commercial croissant du pays, mais aussi pour doper les
résultats de la balance des paiements au cours de ladite période, ce qui en
dit long sur le rôle pédagogique des banques beyrouthines, ultimes remparts
contre toutes les aventures d’un ordre politique, tenté, parfois, par les
démons de la division, de l’isolationnisme et des cantons.