Tunisie- Bioénergie : Les biocarburants plutôt que les énergies fossiles

Par : Autres

Sous la double pression du tarissement des énergies fossiles
et l’augmentation des contraintes environnementales, le monde semble
s’intéresser de plus en plus à la biomasse comme substitut renouvelable aux
énergies fossiles. Un déploiement des ressources vers un transfert international
majeur des énergies fossiles aux bioénergies renouvelables gagne du terrain.
Produite de façon durable et utilisée de manière efficiente, la bioénergie est
susceptible de générer revenus, emplois et croissance économique dans les pays
émergents.

Vue sous cet angle, la bioénergie, «opportunités et défis pour la région
de la Méditerranée», a été la thématique principale de la table ronde
organisée le 26 mars 2009 à Tunis par la Mediterranean Renwable Energy
Center (MEDREC) sous l’égide du ministère de l’Industrie, de l’Energie et de
Petites et Moyennes Entreprises (Tunisie) et en collaboration avec le
ministère de l’Environnement, du Territoire et de la Mer (Italie), l’Agence
nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME) et LIFE-VOICE Européen
Project. Un meeting qui a réuni des professionnels, des experts, des
chercheurs et des organisations gouvernementales.

Qu’est-ce que la bioénergie?

La bioénergie résulte du processus de valorisation énergétique de la
biomasse¹, lorsque celle-ci est utilisée comme combustible² pour produire de
la chaleur ou de l’électricité.

Selon M. Conrado Clini, directeur général auprès du ministère de
l’Environnement, du Territoire et de la Mer (Italie), la bioénergie peut
être considérée dans deux domaines, à savoir les biocarburants de 1ère
génération (bioéthanol, la canne à sucre, soja, l’huile de palme, la
betterave et les graines de colza,…) et les biocarburants de 2ème génération
(cellulose, les déchets agricoles, le carburant vert…).

«La bioénergie est l’une des options les plus efficaces. Elle est
susceptible de contribuer à lutter contre des problèmes environnementaux
allant de la désertification aux changements climatiques et jouer un rôle de
premier plan dans les stratégies de développement économique», a-t-il
ajouté.

Le modèle brésilien !

Le Brésil, le plus gros producteur de bioéthanol, est aujourd’hui en
train de renforcer son positionnement sur le marché énergique. La production
de biocarburant, issu de la canne à sucre, a commencé il y a 30 ans et fut
la fierté de l’industrie brésilienne³.

«Les pays de la rive sud de la Méditerranée peuvent jouer un rôle
important sur le marché énergétique international, a affirmé M. Clini, en
suivant le modèle brésilien, en cultivant les cannes à sucre et les autres
récoltes, car la production du biocarburant peut entrer facilement en
concurrence avec les énergies fossiles».

Et l’Europe ?!

Le Brésil devance l’Europe en ce qui a trait à la production et à la
consommation de bioéthanol. Cependant, la première expérience européenne en
la matière date des années 60 et porte un label finlandais.

«Nous avons une courbe d’apprentissage que nous devons profiter, mais
nous devons fournir plus d’efforts dans la recherche et le développement», a
souligné M. Chiarmonti, chercheur au Centre de recherche sur les énergies
renouvelables (CREAR)- Université de Florence.

L’Union européenne veut porter à 10% d’ici 2015 la part des biocarburants
dans le transport, ce qui représente une aubaine pour les pays de la rive
sud pour devenir des fournisseurs potentiels en biocarburant.

«Dans les pays du Sud, l’augmentation de la production des matières
premières pour les biocarburants de 1ère génération peut constituer une
réelle opportunité pour répondre aux besoins de l’Europe. Dans les
prochaines années, nous seront amenés à importer. Sur un autre volet, ils
peuvent bénéficier également des investissements ainsi que de notre
assistance technique pour le développement des biocarburants de 2ème
génération», a précisé M. Clini.

Par ailleurs, le Dr. Chiarmonti, a mis en exergue l’expérience européenne
en la matière, en présentant le «LIFE-VOICE European Project», une
filière/chaîne bioénergie destinée à produire le biodiesel à base de l’huile
d’olive. Une expérience qui reste encore à mi-chemin par rapport aux
objectifs de l’Union européenne arrêté dans le livre blanc. Il s’est montré
optimiste sur le devenir du projet, en précisant que, la bioénergie demeure
une importante piste, et si on ajoute quelques sérieuses analyses et de bons
modèles économiques, cette option est prometteuse.

Quid du demain de la bioénergie ?

Du profit certes, mais du développement aussi. Et même du développement
durable. Cependant, le Dr. A. Lacomolli, chef de direction E-Cube, a
souligné que dans tout projet il y a toujours le fameux «mais».

«Il faut être vigilant. La concurrence pour les terres destinées à la
production alimentaire et celles qui seront destinées à la production
d’énergie pose un réel problème, du moins pour les petits agriculteurs,
vulnérables, ce qui explique leur réticence. Pour qu’ils ne sentent pas
lésés, cette concurrence doit se traduire en bénéfices communs. A ce jour,
rien n’a été fait pour aborder globalement les problèmes complexes induits:
techniques, politiques et institutionnels. A titre d’exemple, les
responsables politiques ne montrent pas de zèle envers ces problèmes et
continuent encore à miser sur les énergies fossiles et nucléaires».

Par ailleurs, M. Lacomolli a précisé que les européens n’ont pas cessé de
mener la réflexion afin de combler ce vide. Parmi les scénarios, le
transfert de l’expérience vers un pays de la rive Sud s’impose comme une
alternative à condition qu’il y aurait un organisme qui définit les critères
techniques et les lignes de financement nécessaires. La Tunisie demeure un
candidat de qualité pour adopter un tel projet.

Une voie rentable pour la Tunisie

Pour en savoir davantage, nous avons demandé à M. Mounir Ferchichi,
directeur général-ANGED, qu’en était-il de la stratégie nationale en matière
de la bioénergie.

«La valorisation des déchets organiques, ordures ménagères, déchets
alimentaires, fientes de volailles et même les déchets des marchés de gros
avancent à pas de géant en Tunisie. Nous commençons à gérer des filières et
des décharges destinées à produire le biogaz. D’ailleurs, une réglementation
verra le jour prochainement portant sur les certificats verts, les diverses
incitations, la garantie des accès aux gisements et les contrats de vente.
En outre, nous sommes en train de préparer un conseil ministériel afin de
valoriser les biocarburants. L’intérêt que nous portons sur la bioénergie
découle, d’une part, de sa rentabilité écologique (protection de
l’environnement), sociale (création d’emplois) et économique (production de
l’électricité à faibles coûts) et, d’autre part, de l’opportunité pour notre
pays de diversifier ses sources d’énergie».

In fine, disons que la question de la bioénergie en Tunisie ne peut être
traitée au cours d’une seule table ronde, mais comme on dit, il y a toujours
un début à tout. Et tout porte à croire qu’on est entré dans une ère
nouvelle dans laquelle le paradigme énergétique implique davantage de
coopération au niveau des politiques internationales.