Conseil supérieur de l’entreprise : Demandes d’éclairages, réponses, propositions et marges de manœuvre

La 2ème édition du conseil supérieur de l’entreprise s’est
tenue, samedi, 24 janvier 2009 avec la participation de plusieurs membres du
gouvernement et de représentants de partis politiques et d’organisations
nationales. En voici les moments forts :

Pour le gouvernement, cette édition se tient dans un contexte particulier marqué
par la multiplication des difficultés économiques internationales aux lendemains
de la crise financière et des pressions qui pèsent sur les pays avancés et
émergents.

La Tunisie a opté pour la veille et l’anticipation pour prévenir les effets
pervers de la crise. Deux décisions majeures sont à signaler : la création au
mois d’octobre 2008, d’une commission nationale pour assurer le suivi de
l’évolution de la crise internationale actuelle et de prévenir, en temps
opportun, l’étendue de ses répercussions possibles sur l’économie du pays, tout
en proposant les décisions à même de préserver les acquis nationaux.

La deuxième décision a consisté en la prise, le 23 Décembre 2008 par le conseil
des ministres, d’un train de mesures conjoncturelles au profit de l’entreprise
et des mesures structurelles tendant à améliorer l’environnement des affaires.

Intervenant au cours de cette session, le premier ministre,
M. Mohamed Ghannouchi a souligné, qu’en dépit des effets pervers de la crise, la
Tunisie demeure attachée à son modèle de développement de tendance libérale et à
la préservation du rôle régulateur de l’Etat, d’une part, et l’ouverture sur
l’économie mondialisée et la mise à profit des opportunités qu’elle offre,
d’autre part.

Selon M. Afif Chelbi, ministre de l’Industrie, de l’Energie et des PME,
l’année 2009 sera une année difficile pour les sociétés qui exportent vers la
zone euro qui passe actuellement par une période de récession et mis en exergue
les mesures présidentielles prises pour aider les entreprises tunisiennes à
faire face aux effets pervers de la crise économique mondiale.

Le Premier ministre a souligné le rôle socioéconomique des 3.000 entreprises
étrangères installées en Tunisie lesquelles offrent 250 mille emplois, ce qui
représente des sources de revenus estimés à environ un million de tunisiens.

Pour M. Ghannouchi, le mot d’ordre est toute évidence dans la qualité. Il a
appelé les entreprises à améliorer la qualité des produits tunisiens afin de
maintenir leur positionnement sur les marchés internationaux et de conquérir de
nouveaux marchés, affirmant que 900 entreprises sont aujourd’hui certifiées
conformes aux normes de la qualité “ISO” sur un total de 5.200 entreprises.

Le représentant du Rassemblement constitutionnel démocratique a appelé
à mettre en activité les deux technopoles de Jendouba et de Médenine dans les
plus brefs délais, à impulser l’investissement privé et à organiser des
conférences régionales pour mieux faire connaître les spécificités des régions
intérieures à des fins d’investissement. Réagissant à cette intervention, M.
Abdessalem Mansour, ministre de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques, a
annoncé que les études de faisabilité technico-économique des technopoles dans
les régions de Jendouba et de Médenine seront, fin prêtes au mois de juin
prochain.

Pour le représentant du parti d’opposition légale, le Mouvement des
Démocrates socialistes (MDS)
, la meilleure parade à la crise consiste en
l’impulsion de l’investissement local à travers, entre autres, l’accélération du
rythme d’aménagement des zones industrielles, tout particulièrement, à
l’intérieur des régions et la lutte contre le commerce parallèle.

Il s’agit également d’accorder une attention particulière au secteur agricole
et à la création des groupements agricoles afin d’atténuer le phénomène de
l’exode rural. Dans sa réponse, M. Taoufik Baccar, gouverneur de la Banque
centrale de Tunisie (BCT), a indiqué que les banques tunisiennes sont disposées
à financer les investissements pour peu que les conditions de viabilité d’un
projet soient réunies, en l’occurrence : “l’idée de projet, le sérieux de
l’investisseur et l’existence d’un marché à même d’assurer la commercialisation
du produit”.

Interpellé sur cette même question, M. El Hadj Gley, ministre des
Technologies de la communication, a déclaré que quelque 54 zones industrielles
ont été reliées par un réseau de fibres optiques d’une capacité de 100 mégabits
devant profiter à 1.600 entreprises. Le ministre a évoqué, dans la même foulée,
les baisses de 25 à 30% instituées au profit des entreprises économiques qui
sont reliées à l’étranger avec des moyens de communications modernes (Internet
haut débit et satellites). Il a souligné l’enjeu pour les entreprises
tunisiennes de tirer le meilleur profit des nouvelles technologies de
l’information et de la communication qui ont l’avantage d’améliorer la
productivité au fort taux de 30%.

Le représentant du MDS a demandé, en outre, des éclairages sur le degré
d’efficience et de réussite des stages d’initiation à la vie professionnelle
(SIVP) et son apport sur l’intégration totale des stagiaires dans l’entreprise.
Lui répondant, M. Slim Tletli, ministre de l’Emploi et de l’Insertion de la
jeunesse, a soutenu que 58% des diplômés du supérieur qui en ont bénéficié ont
intégré le marché du travail et relevé que ce mécanisme est adapté aux besoins
de l’économie et des demandeurs d’emploi. Il a tenu à préciser que ce mécanisme
a été restructuré afin d’en améliorer le rendement et passé en revue les
incitations instituées en vue d’encourager les entreprises à embaucher le
maximum des bénéficiaires du SIVP.

S’agissant du commerce parallèle, M. Ridha Touiti, ministre du Commerce, a
abordé les efforts déployés pour limiter les effets du phénomène par la
diminution des tarifs douaniers qui ont atteint, à l’heure actuelle, 20% et
devraient atteindre 15%, à l’horizon 2011, sachant que le taux maximal est
estimé à l’heure actuelle à 36%.

Le représentant du parti de l’Union Populaire(PUP) a recommandé de
créer un fonds national pour les travailleurs licenciés et de promouvoir la
culture de l’économie de l’énergie, notamment, auprès des structures municipales
et des nouvelles entreprises. Lui répondant M. Ali Chaouch, ministre des
Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger, a indiqué que
l’Etat a déjà mis en place un ensemble d’aides au profit de cette catégorie de
travailleurs. Parmi ces aides, figurent l’institution, durant une année, d’une
prime mensuelle de 200 dinars et le maintien du bénéfice, durant une année
également, de la couverture sociale et l’assistance apportée par les programmes
d’insertion des licenciés à la charge du ministère de l’Emploi et de l’Insertion
professionnelle de la jeunesse.

Le représentant du PUP a aussi suggéré d’adopter une évaluation statistique
pour s’assurer du degré de pérennité des entreprises installées, de lutter
contre le morcellement de la propriété agricole et de redoubler d’efforts en
matière de lutte contre le phénomène de l’évasion fiscale. A ce sujet, M. Rachid
Kechiche, ministre des Finances, a souligné que la lutte contre la fraude
fiscale reste parmi les principales missions du ministère, insistant sur la
nécessité pour les différents acteurs sociaux de lutter contre cette mentalité
et d’accepter des mesures radicales contre les contrevenants.

Le représentant de l’Union Démocratique Unioniste (UDU) a appelé à
promouvoir le secteur public, à améliorer les bilans des entreprises, à travers
l’adoption de réformes ciblées, à encourager les jeunes à s’impliquer davantage
dans le secteur agricole et à réaliser l’équité fiscale.

Le représentant du Mouvement Ettajdid a souligné la nécessité
d’inciter les jeunes diplômés issus de l’immigration à venir travailler en
Tunisie, mettant en exergue la nécessité de promouvoir l’information économique
et de renforcer la presse économique. S’agissant de la contribution des
tunisiens à l’étranger à l’impulsion de l’investissement local, le ministre des
affaires sociales, de la solidarité et des tunisiens à l’étranger a déclaré que
cette catégorie a créé, durant la période 2002-2007, quelque 2530 projets,
moyennant un investissement d’un montant de 120 millions de dinars. Ces projets
emploient actuellement 9300 personnes.

Le représentant du Parti Social Libéral (PSL) a souligné la nécessité
de bannir la mentalité d’assisté qui empêche l’initiative, l’esprit de
concurrence et la prise de risque. Réagissant à ce constat, M. Hatem Ben Salem,
ministre de l’Education et de la Formation, a annoncé que son département a
entamé la création, au sein des établissements scolaires, de clubs de création
d’entreprises dans l’ultime but de diffuser, auprès des jeunes générations, la
culture d’entreprise et la libre initiative. Il a annoncé, également, la mise au
point d’une stratégie visant à aider les promus de la formation professionnelle
à créer leurs micro-entreprises et a relevé que des réunions seront tenues avec
les fédérations patronales en vue de connaître le profil des diplômés demandés
pour la réalisation des mégaprojets.

Le président de l’Union Tunisienne de l’Agriculture et la Pêche (UTAP)
a insisté sur la nécessité de poursuivre l’action en vue de renforcer les
centres d’affaires afin qu’ils contribuent au lancement effectif des projets
ainsi que sur le contrôle du financement agricole, la mise à niveau des marchés
et des circuits de distribution et le besoin d’apporter davantage de
transparence pour garantir un meilleur revenu à l’agriculteur. Il a évoqué
également le morcellement de la propriété agricole. A ce propos, M. Bechir
Tekkari, ministre de la Justice et des Droits de l’homme a précisé que le
morcellement de la propriété agricole est le fruit du transfert de propriété par
le biais de l’héritage et annoncé que son département prépare, avec le concours
du ministère de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques, une étude sur la
dispersion de ce type de propriété.

Le représentant de la centrale patronale ( (UTICA) a appelé à une
exploitation optimale des ressources disponibles en matière de création de
sources de revenu, d’évaluer le code des droits fiscaux, de réviser le code de
la TVA et d’en élargir les champs d’application à toutes les activités.

Il a, en outre, recommandé la promulgation au plus vite de la loi sur le
commerce de distribution et de généraliser les dernières mesures présidentielles
au profit des entreprises exportatrices en difficulté aux autres entreprises
affectées par la crise financière mondiale. Traitant du dossier du commerce, M.
Béchir Tekkari a annoncé que son département s’emploie, actuellement, à réviser
le code des sociétés commerciales en vue de l’adapter aux normes
internationales. Il a fait remarquer que le registre du commerce souffre de sa
non-actualisation et que le ministère œuvre à y remédier et à faciliter son
utilisation avec le concours du ministère de l’Industrie, de l’Energie et des
PME.

Le représentant de la fédération tunisienne des agences de voyage et de
tourisme (FTAV)
a recommandé d’organiser des campagnes promotionnelles pour
conquérir de nouveaux marchés, en vue de développer le rendement du secteur et
de préserver la place de la Tunisie en tant que destination touristique
privilégiée. (NDR : tout récemment le ministre du tourisme a annoncé une
enveloppe de 40 millions de dinars pour la promotion touristique).

Le représentant de la centrale syndicale (UGTT) a indiqué que
l’entreprise tunisienne est appelée à assumer devant la société une lourde
responsabilité. Celle-là même qui consiste à préserver les emplois et à
renforcer les acquis socio-économiques accomplis, jusqu’ici, par le pays.

M. Mohamed Nouri Jouini, ministre du Développement et de la Coopération
internationale, a indiqué, à ce propos, que la crise financière impose à la
Tunisie deux choix sans plus. Le premier choix consiste en la préservation par
les entreprises étrangères de leur site de production en Tunisie, en leur
permettant de bénéficier d’un système d’appui devant leur permettre de surmonter
les difficultés. La deuxième alternative consiste à attirer d’autres entreprises
qui œuvrent à délocaliser leurs sites de production

Marges de manœuvre : Par delà les demandes d’éclairages des uns et les
réponses des autres, le premier ministre a tenu a rappeler que la Tunisie
dispose encore d’assez de marge de manœuvre pour booster l’économie et améliorer
sa compétitivité. Il a avancé que les perspectives d’amélioration de la
productivité demeurent larges, expliquant que l’écart de productivité avec les
pays avancés est notable dans les secteurs des industries manufacturières (27%),
des services (40%) et des services destinés au marché intérieur (60%).

Il a annoncé qu’un débat national sera prochainement organisé en Tunisie sur
la productivité afin d’identifier les moyens de l’améliorer.

Il a, par ailleurs, relevé la nécessité d’augmenter le taux d’encadrement
estimé, actuellement, à 14%, taux qui peut atteindre 10%, compte non tenu des
cadres travaillant dans la fonction publique. En effet, a-t-il ajouté,
l’amélioration du taux d’encadrement habilite l’entreprise à maîtriser la crise
et à tirer profit des opportunités qu’elle offre.