Ahmed El Karam, Vice-PDG de l’Amen Bank : Nous devons nous diriger vers l’international

Lorsqu’on a choisi de passer de la CFCT à l’Amen Banque, on ne
s’est certainement pas douté que la terminologie même du mot « Amen » pourrait
relever, en ces temps de crise, d’une opération marketing. Amen en arabe,
sécurité en français, des mots qui portent une signification particulière en ces
temps de crise où le maître mot est SECURITE.

L’entretien, ci-après, avec Ahmed El Karam, Vice-président directeur général de
l’Amen Bank ne portera pas sur la crise financière mais plutôt sur la qualité
des services de nos banques.

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Selon l’agence Fitch Rating, le système bancaire tunisien devrait se mettre au diapason des autres systèmes bancaires dans le monde et améliorer la qualité
de ses services. Qu’en pensez-vous ?

Ahmed El Karam : Je ne pense pas que ces agences qui sont en train de
nous donner des leçons doivent représenter des références pour juger de la
fiabilité et de l’efficacité d’un système bancaire quel qu’il soit.
Avaient-elles prévu la crise du Sud –Est asiatique ? Avaient-elles prévu la
crise des subprimes ? Avaient-elles tiré la sonnette d’alarme au moment
opportun lorsqu’elles voyaient les ménages américains se surendetter et dans
l’impossibilité de rembourser ? Avaient-elles appelé à stopper cette
hémorragie de produits financiers dérivés ? Personnellement je n’y crois
plus.

Toujours est-il que le système bancaire tunisien doit être plus développé ?

Il faut quand même reconnaître que les réformes engagées pour le
développement du secteur bancaire tunisien commencent à donner leurs fruits.
Le taux de créances accrochés qui représentaient un grand problème a baissé
de manière remarquable et c’es grâce au suivi assuré par la BCT. Alors
qu’elles étaient de près de 25% il y a quelques années, elles ne sont plus
aujourd’hui que 5 %. Des taux beaucoup plus raisonnables. La rigueur
contraignante de notre banque centrale a eu les résultats escomptés. Pour ce
qui est des services, nous offrons les mêmes services que les banques
étrangères et nous adoptons les mêmes critères au niveau de la gestion des
comptes, de la fluidité des flux financiers, de la fluidité des emplacements
de valeur, bref, nous touchons à toute la panoplie des services qui doivent
être assurés par les banques. D’autres par, nous n’avons pas arrêté le
développement de nos procédés de gestion. Aujourd’hui il existe une action
généralisée pour moderniser les systèmes d’information bancaires et les
adapter aux nouvelles exigences du marché.

Certaines pratiques comme le scooring, la gestion des risques laissent à
désirer…

Très prochainement nous allons appliquer les concepts de Bâle II. Ce qui
nous permettra d’être bien situés au niveau de tout ce qui concerne la
gestion et la couverture des risques. Je ne peux prétendre que tout va bien
dans le meilleur des mondes. Mais il y a une dynamique nouvelle engagée pour
parfaire ce qui est existant. Nous sommes sur la bonne voie.

Les services bancaires adressés tant aux particuliers qu’aux
professionnels ne répondent toujours pas aux attentes, notamment en matière
de prêts.

Je pense que nous sommes en train d’avancer dans le bon sens en matière
d’accords de prêts aux particuliers. Aux années 80, on interdisait aux
banques d’accorder des prêts à la consommation parce qu’on considérait que
nous devions développer les tissus de la production pour la création de
l’emploi et le renforcement de l’économie. Il était un devoir national que
de réserver les fonds dont nous disposions aux entreprises. Aujourd’hui,
nous avons mis en place toute une gamme d’actions et de produits pour les
particuliers. Il y a eu redéploiement des banques en direction des
particuliers.

Comme par exemple le fait d’offrir des cartes bancaires qui ne marchent
pas ?

Quand nous parlons des cartes bancaires, il faudrait également dénoncer
le vandalisme et la mauvaise utilisation des distributeurs automatiques de
billets. Il ne faudrait pas que nous soyons en déconnection avec certaines
réalités de notre pays. Quand on s’en prend à un DAB et qu’on le détruit,
c’est à nous d’assurer les frais de remplacement ou de réparation. Et à ce
propos, il faudrait qu’il y ait une prise de conscience générale quant à la
nécessité de préserver ces acquis. Il faut qu’on arrive à considérer que ces
DAB sont les biens de la communauté et qu’on apprenne à s’en servir
correctement.

Ne pensez-vous que vous devriez en tant que banques mieux communiquer et
être plus imaginatifs dans la création de produits originaux?

Auparavant on pensait que n’avions pas besoin de communiquer pour
susciter l’intérêt des clients. Aujourd’hui, nous sommes conscients de
l’importance de bonnes stratégies de communications orientées et bien
ficelées. Je pense par ailleurs que nous avons un éventail de produits
capables de satisfaire tous les besoins des clientèles aussi exigeantes
soit-elle.

Les services bancaires tunisiens coûteraient-il plus chers que ceux
offerts par d’autres banques, les agios sont apparemment très élevés ?

Tout dépend des risques encourus. Le Tunisien n’a pas encore le réflexe
de s’acquitter de ses dettes bancaires. Il ne respecte pas les échéances.
Nous restons cependant proches des marges prélevées par les banques
européennes. Nous sommes conscients que nous devons rester compétitifs dans
un marché qui devient de plus en plus ouvert à toutes les formes de
concurrence et où nous avons des participations étrangères de l’ordre de 30%
dans le secteur bancaire tunisien. Le grand débat maintenant est de savoir
comment les banques tunisiennes pourraient se redéployer de manière à mettre
en place des stratégies pour s’implanter en dehors du territoire national et
conquérir d’autres marchés.