Laroui raconte la téléphonie


Par Mohamed FATEH

Il fut un temps où l’on
n’entendait presque jamais de carillons dans les bus. Il fut un temps où les
Tunisiens qui parlaient tout seuls étaient considérés comme «dérangés». Il
fut un temps où le rendez-vous arabe méritait son nom (sic), puisqu’il était
impossible d’appeler la personne que l’on devait rencontrer. C’était il y a
à peine une dizaine d’années. Avant l’avènement du téléphone portable.

 

L’objet s’affiche et
devient un symbole. Entre la midinette qui lorgne sur le dernier modèle rose
incrusté de brillant. Le chef d’entreprise qui affiche son statut en
pianotant sur une espèce de mini-ordinateur qui sert aussi, paraît-il, de
téléphone. D’autres exhibent un portable à deux balles. Ultime extravagance
chic et choc, pour paraître décalé. Toujours est-il que l’appareil est
désormais au centre de nos vies. Les sonneries carillonnent à tout va,
marquant notre quotidien. Du plombier à l’avocat, du chômeur à l’étudiant, à
chacun son portable.

 

Les férus de high-tech
qui piaffent d’impatience pour pouvoir utiliser toutes ces nouvelles
fonctionnalités disponibles chez les voisins… Et encore «brinquebalantes»
chez nous. Ce n’est pas grave. On fera semblant en attendant. Pour se
familiariser avec ces nouveaux appareils. Histoire d’être prêts quand la
technologie suivra. Ridicule ? Non. Réel. C’est même ce qu’a déclaré un
responsable marketing d’une marque internationale de téléphone portable,
lors d’une mémorable conférence de presse, à Tunis. Si les derniers modèles
bourrés de technologie sont copieusement commentés dans notre presse
nationale, sur nos portails web, la plupart de leurs fonctions ne sont
utilisables que «sous certaines conditions». Qu’importe. Les Tunisiens
auront une revue dédiée au portable. Un portail web exclusivement consacré à
la question. Le téléphone portable envahit le paysage médiatique. Même la
presse nationale prend des pincettes pour en parler. Une affaire de
publicité, l’image de marque ayant aussi son prix…

 

Entre-temps,
l’utilisation du portable est devenue quasiment gratuite, depuis qu’il est
connecté à Internet. L’économie de la téléphonie a changé de paradigme. On
ne facture (presque) plus les communications. La pub qui fleurit sur les
portails d’infos sur les petits écrans s’impose peu à peu. Le iPhone2
débarque en France. Les Algériens parlent de rendre les appels locaux et
internet gratuits. Les Libyens ont dépassé les 100% en termes de pénétration
de la téléphonie mobile. Quant à nous, «nous avançons à pas sûrs et surtout
mesurés dans la voie (semée d’embûches) de la communication». Rien ne vaut
de se hâter, il faut partir à point. Que vaut le progrès technologique s’il
n’est pas sécurisé. C’est qu’il faut se prémunir des pirates (en tout genre)
pour éviter les utilisations déviantes. Quitte à avancer lentement.
L’important étant de garder le bon cap. Il fut un temps où notre pays était
le chef de file du progrès technologique dans le monde arabe et en Afrique.
Il fut un temps, il y a longtemps.